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I. Le virus West Nile

I.1 Découverte du virus et épidémiologie

I.1.4 Circulation du virus sur le continent américain

Les autorités de santé évoquent l’importante circulation du virus West Nile aux Etats-Unis mais aussi sur l’ensemble du continent américain. Néanmoins, il est important de noter que cette région du globe était restée longtemps exempte de cas locaux d’infection à WNV. En effet, ce territoire naïf vis-à-vis du WNV a connu sa première épidémie en 1999, à New York (CDC, 1999; Lanciotti et al., 1999; Nash et al., 2001). L’émergence inattendue du WNV sur ce continent en 1999, s’est manifestée par l’apparition de plusieurs cas d’encéphalites

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humaines avec des décès à New York, qui furent considérés initialement comme des cas d’encéphalite de Saint-Louis (Nash et al., 2001). En parallèle, la forte mortalité observée des oiseaux de la famille des Corvidae, a permis l’isolement du virus et sa caractérisation.

Les analyses par séquençage du génome viral mettent en avant un très fort pourcentage d’identité nucléotidique et protéique (99,8%) entre ce virus, la souche NY99 et la souche Israël 1998 (Lanciotti et al., 1999, 2002). Une hypothèse mise en avant quant à l’origine de cette première épidémie mettait en cause les nombreux échanges commerciaux, en provenance de la région d’Israël. Notamment l’importation légale ou illicite d’oiseaux infectés mais aussi le transport involontaire de populations de moustiques porteurs du WNV dans une cale de bateau (Johnston and Conly, 2000). Une introduction du virus la même année est peu probable au regard de la dynamique d’émergence de la souche du Lignage 2 en Europe. En effet, celle-ci a causé sa première épidémie trois ans après avoir été isolée dans cette région.

Cela souligne donc une possible introduction du virus antérieure à 1999 sur le sol américain. Le WNV s’est ensuite propagé rapidement dans le pays, touchant 21 états en 2001, avant d’atteindre la côte ouest et donc l’ensemble du territoire en 2004 (Hayes et al., 2005) (Figure 7). Cette dissémination très rapide du virus a notamment été facilitée par l’apparition d’un nouveau génotype du WNV, en 2002, dont la période d’incubation extrinsèque chez les vecteurs moustiques était significativement réduite (Davis et al., 2005; Ebel et al., 2004). En effet, ce nouveau génotype de WNV s’est ainsi adapté à la population de moustiques locale, favorisant la vectorisation dans de nouvelles régions. De fait, le génotype 2002 a supplanté le précédent qui dérivait de la souche NY99.

Au cours des années 2002-2003, correspondant au premier pic de transmission du WNV aux Etats-Unis, 5812 cas de maladies neuro-invasives (encéphalites, méningites, méningo-encéphalites) ont été rapportés, dont 548 décès. Soit un taux de létalité durant ces deux épidémies de plus de 9% parmi les formes sévères (Tableau 3). Les années suivantes ont vu le nombre cas de WNV diminuer avant une nouvelle flambée d’infections pendant l’été 2012. Le CDC a recensé 2873 cas d’atteinte cérébrale entraînant une issue fatale pour 270 patients (Tableau 3). A noter, depuis l’introduction du WNV dans cette région du globe, l’infection en parallèle de milliers de chevaux et d’oiseaux avec une mortalité associée

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importante. Le WNV reste donc en 2017 un agent pathogène prioritaire pour les autorités sanitaires et de santé aux Etats-Unis.

Figure 7 : Incidence de formes neuroinvasives d’infection à WNV aux Etats-Unis, par comté, de 1999 à 2004. D’après (Hayes et al., 2005)

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Tableau 3 : Tableau des cas de maladie à WNV et des décès associés rapportés par le CDC par année et forme clinique (1999-2016). Ces données tiennent compte uniquement des cas déclarés par les médecins et confirmés en laboratoire. D’après les données du CDC

(https://www.cdc.gov/westnile/statsmaps/cumMapsData.html).

Le Canada a été touché dès l’an 2000, avec la déclaration de maladies à WNV chaque année depuis. Ensuite les Caraïbes, avec la Guadeloupe en 2002 et le Mexique, pour atteindre l’Amérique du Sud avec l’Argentine en 2006 (Estrada-Franco et al., 2003; Komar and Clark, 2006; Petersen and Hayes, 2008; Quirin et al., 2004). Néanmoins, la situation sur le continent américain est très contrastée. Les Etats-Unis et le Canada rapportent chaque

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année de nombreux cas humains et dans la population animale, tandis que dans les pays d’Amérique Latine, la circulation du virus West Nile n’a été mise en évidence que par l’enregistrement de séroconversions chez les chevaux et les oiseaux. Peu de cas neurologiques d’infection à WNV ont été détectés jusqu’ici (Komar and Clark, 2006). La circulation de Flavivirus proches du WNV sur ces territoires peut conférer une immunité protectrice contre une infection ultérieure par le WNV. Ceci compte tenu d’importantes réactions croisées entre un serum dirigé contre un Flavivirus mais pouvant reconnaître les antigènes de surfaces de plusieurs autres Flavivirus. Or, un grand nombre de Flavivirus, tels que le virus de l’encéphalite de Saint-Louis, les virus Rocio, Iguape, mais aussi et surtout le virus de la Dengue sont présent en Amérique du Sud (Batista et al., 2011). Cependant, la prévalence des premiers virus est trop faible pour expliquer une différence si marquée entre l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud. Le DENV, quant à lui, même s’il est très répandu dans les régions du centre et du sud, n’expliquerait pas le faible nombre de cas cliniques chez les chevaux et les oiseaux. En effet, DENV ne se réplique pas, ou faiblement, chez ces hôtes vertébrés (Blitvich, 2008).

Malgré une distribution mondiale du WNV, on observe des situations épidémiologiques très contrastées entre l’Europe, les Etats-Unis ou encore l’Amérique Centrale et du Sud. Les principales hypothèses avancées concernent des différences de virulence parmi les souches circulantes du WNV. En particulier des mutations induisant une virulence accrue pour la faune aviaire comme cela a pu être observé pour le Lignage 2 en Europe ou encore pour les souches circulant en Amérique du Nord (Brault et al., 2007). Ce phénotype pourrait alors être la cause unique de l’apparition d’épidémies importantes dans cette région. Cependant, la plupart des virus isolés en Amérique Latine sont très proches des isolats nord-américains et ne semblent pas présenter une virulence atténuée pouvant expliquer cette différence entre les deux zones. L’explication la plus probable repose donc sur des différences dans l’écologie complexe du WNV, telles que les facteurs environnementaux, la susceptibilité et l’amplification du virus dans l’avifaune, ainsi que la capacité et la compétence vectorielle des moustiques, entre une région donnée et les autres où le virus West Nile circule (Brault, 2009).

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