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Chapitre IV – Simulation de l'activité neuronale en clamp dynamique

IV. 2.1 – Circuit équivalent d'une cellule

Les cellules sont classiquement modélisées à l'aide de capacités, résistances et générateurs de tension : il s'agit de la théorie des câbles. La bicouche lipidique qui compose la plus grande partie de la membrane d'une cellule isole électriquement le milieu intracellulaire du milieu extracellulaire. Parce que cette couche est très fine (6-8 nm, (Kandel et al. 2000)), les charges électriques d'un côté de la membrane exercent des forces qui sont ressenties par les charges de l'autre côté de la membrane. La bicouche lipidique est donc assimilée à une capacité C qui accumule une charge totale de même amplitude mais de signe opposé entre chaque côté, créant une différence de potentiel membranaire Vm positive du milieu extracellulaire au milieu intracellulaire pour un courant sortant (convention récepteur pour la capacité) (Fig. 1A). Les variations du Vm sont alors reliées à la charge ou la décharge de la bicouche lipidique via la relation :

Ibicouche=CdVm

Plus la membrane d'une cellule sera grande (en terme de surface), plus la capacité C sera haute (10 à 20 nF pour des cellules pyramidales). Elle est reliée au taux de variation du Vm : une faible capacité entraînera des variations de Vm plus fortes et inversement. Parce que la résistance du cytoplasme est faible (A Destexhe & D Paré 1999), la redistribution des charges au sein de la membrane peut être considérée comme instantanée ce qui rend la membrane entière isopotentielle. Des déviations à cette hypothèse conduirait à un clamp spatial (c'est-à-dire partiel) où le Vm ne serait pas uniforme sur la membrane.

Des canaux sont également insérés dans la bicouche lipidique. Ils permettent le passage sélectif d'espèces ioniques chargées au travers la bicouche lipidique lorsqu'ils sont activés, ce qui produit un flux de courant (l'activation des canaux, c'est-à-dire leur ouverture, est le plus souvent reliée au potentiel membranaire où à la liaison d'un ligand sur son récepteur). Les ions traversent la membrane dans le sens du gradient électrochimique donné par l'équation de Nernst lorsqu'une seule espèce est transportée ou selon l'équation de Goldman si l'ensemble des canaux est sélectif à plusieurs espèces. Une espèce chargée ne s'équilibrera pas forcément à un Vm de 0 mV : le gradient électrochimique dépend à la fois de la concentration de l'ion transporté, mais aussi des charges totales accumulées de part et d'autre de la membrane produisant le Vm. Des transporteurs permettent également le passage d'ions au travers la membrane. Les transporteurs sont actifs et peuvent déplacer des espèces ioniques à contre-gradient en consommant de l'énergie. Classiquement, l'équation de Nernst est utilisée pour calculer le potentiel d'équilibre Erev de chaque espèce ionique seule, potentiel où le flux sortant est identique au flux entrant, résultant d'un équilibre électrochimique. Tant que ce potentiel d'équilibre ne sera pas atteint, le flux net d'ions pour l'espèce considérée ne sera pas nul. Cela mène à l'idée qu'un canal peut être assimilé à une source tension. De plus, un canal s'oppose au passage du courant en dissipant de l'énergie lorsque des éléments chargés circulent. Un canal peut donc être assimilé à un générateur de tension Erev couplé à une résistance r (Fig. 1B). D'après la loi d'Ohm (convention récepteur pour la résistance et convention générateur pour la source tension) :

Vm=Erev−rIcanal

Icanal=−1

r(Vm−Erev)

Icanal=1

r(Erev−Vm)

Icanal=g ( Erev−Vm) Rel. 3

Le courant Icanal exprime le courant entrant dans la cellule. La conductance g équivaut à l'inverse de la résistance r et représente la facilité avec laquelle les charges se déplacent dans le canal. La différence de potentiel Vm – Erev est encore appelée la 'driving-force' car c'est cette différence qui imposera un flux de courant via le canal pour restaurer l'équilibre electrochimique.

De retour au clamp dynamique, la relation It=Gt−1(Erev−Vmt−1) (Rel. 1) approxime le courant entrant dans de la membrane via un canal si l'intervalle de temps de mise à jour est suffisamment petit. À noter que dans le cas du clamp dynamique, la conductance G peut

approximer plusieurs canaux simultanément comme nous le verrons plus bas.

L'association de la bicouche lipidique et d'un canal membranaire peut être représentée par le circuit de la figure 1C. Par convention, le potentiel extracellulaire est fixé à 0 mV. Pour un Vm ainsi qu'un Erev pris du milieu extracellulaire au milieu intracellulaire (cas illustré sur la

figure 1), l'application de la loi des noeuds donne :

Ibicouche=Icanal

C dVm

dt =g (Erev−Vm)

L'adjonction de plusieurs canaux en parallèle avec la bicouche lipidique est représentée sur la figure 1D. Dans ce cas-ci, nous avons la relation :

C dVm

dt =g1( E1−Vm)+ g2(E2−Vm)+...+ gn(En−Vm) Rel. 4

Les conductances g1, g2, …, gn sont alors associées à des canaux unitaires où à des ensembles de canaux. Pour regrouper plusieurs canaux unitaires en un seul terme, les canaux unitaires devront être homogènes (ils devront disposer de propriétés identiques comme la dynamique de leur cinétique ou encore leur potentiel de réversion) et le nouveau terme de conductance globale G vaudra la somme des conductances unitaires (g1, g2, …, gn). Par exemple, il sera commun d'utiliser la notation Gexc pour représenter l'ensemble des canaux excitateurs caractérisés par un potentiel de réversion Eexc d'environ 0 mV (ils miment les récepteurs AMPA). Similairement, la notation Ginh représentera l'ensemble des canaux inhibiteurs dont le potentiel de réversion Einh avoisine -75 mV (ils miment les récepteurs GABAA). De même, la résistance passive des cellules sera souvent notée Gleak avec un Eleak

d'environ -80 mV (D Paré et al. 1998) (voir la sous-section II.1.1 pour une description des conductances d'un neurone). Les canaux excitateurs et inhibiteurs ne sont ouverts que lorsque les récepteurs sont activés par leur ligand, ce qui diffère de la résistance passive dont les canaux sont toujours ouverts.

La constante membranaire d'une cellule est définie par τ = RC, avec R = 1 / Gleak. Il s'agit du temps de relaxation de la membrane, c'est-à-dire le temps pour que le Vm ait progressé d'environ 63% depuis sa valeur initiale jusqu'à sa valeur d'équilibre suite à l'injection d'un courant constant. Cette notion découle de l'étude des circuits électriques composés d'une résistance et d'une capacité en série.

Figure IV-1

Circuit équivalent d'une cellule. A. Une bicouche lipidique est classiquement assimilée

à une capacité. B. Un canal ionique correspond à l’association en série d’une résistance et d’un générateur de tension. En effet, la différence de concentration de l’espèce ionique considérée entre le milieu extracellulaire et le milieu intracellulaire génère un potentiel électrochimique déterminé par l’équation de Nernst. C. Une approximation du circuit équivalent à une cellule biologique revient à associer en parallèle les éléments en A et B. D : Même circuit qu’en C généralisé à plusieurs canaux membranaires. Chaque résistances et générateurs en série peuvent représenter un canal unitaire ou une moyenne d’un ensemble de canaux identiques ou aux propriétés équivalentes.

Il est également possible de représenter l'ensemble des canaux hétérogènes (propriétés différentes) comme une unique source de tension couplée à une résistance :

C dVm dt =

i=1 n gi(Ei−Vm) C dVm dt =

i=1 n (giEi)−Vm

i=1 n gi C dVm dt =

i=1 n gi[

i=1 n (giEi)

i=1 n gi −Vm]

Nous posons Gtotal=

i=1 n gi et Ecomposite=

i=1 n (giEi)

i=1 n gi , ce qui donne : C dVm

dt =Gtotal(Ecomposite−Vm) Rel. 5

la contribution de plusieurs Erev différents. Idéalement, le terme Ecomposite tend vers le potentiel de repos d'un neurone lorsque toutes les conductances sont prises en compte dans le modèle. Des différences entre le potentiel de repos du neurone Vrest et Ecomposite subsisteront toujours car le circuit équivalent développé reste une approximation (Bédard & Alain Destexhe 2008). Nous apportons une précision supplémentaire : le terme Ecomposite varie dans le temps car celui-ci dépend du niveau instantané des conductances. En pratique, nous pourrons considérer ce terme constant lorsque les conductances fluctuent rapidement (plus rapidement que la constante membranaire τ) et il faudra le calculer à partir des moyennes temporelles des conductances. Il sera raisonnable de considérer Gleak constant car d'après le modèle standard, la conductance de fuite dépend principalement de la surface de la membrane (nombres de canaux) et ne varie donc pas dans le temps.

Dans le cadre d'une modélisation plus complexe d'un neurone (soma, dendrites et axones par exemple), une approximation consiste à créer des circuits équivalents (tel que nous l'avons développé) pour chacun des compartiments et de les relier par des résistances. Cette méthode est notamment utilisée par le simulateur NEURON (Hines & Carnevale 1997) et repose aussi sur la théorie des câbles. Chaque compartiment (soma inclus) est modélisé par un câble de forme cylindrique comprenant une résistance axial, une résistance longitudinale et une capacité. L'interconnexion de ces câbles permet de décrire avec précision l'évolution des courants au sein des compartiments. Dans ce formalisme, les résistances axiales et longitudinales ainsi que les capacités sont exprimées en unité de longueur ou de surface tandis que notre développement plus haut considérait ces paramètres comme absolus pour l'ensemble de la cellule modélisée.

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