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Transitions de phases dans le gaz

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interstellaire

Les mod`eles th´eoriques d’´evolution du gaz dans le milieu interstellaire pr´edisent l’existence d’une phase de gaz atomique neutre chaud (WNM : Warm Neutral Medium), suivie d’une phase de transition thermodynamiquement instable faisant le lien avec une phase de gaz atomique neutre froid, et optiquement ´epais (CNM : Cold Neutral Medium). Le CNM poss`ede des densit´es volumiques de gaz plus grandes, pr´ealablement n´ecessaires `a la formation 840

de gaz mol´eculaire(McKee & Ostriker 1977; Wolfire et al. 2003; Audit & Hennebelle 2005; Saury et al. 2014). Les raies d’´emission du Hi `a 21cm et du CO `a 2.6 mm tracent respectivement le gaz atomique et mol´eculaire brillant, mais elles ne tracent ni le Hi optiquement ´epais, ni le H2diffus constituant le gaz sombre neutre (DNM)

`a la transition Hi–H2 (van Dishoeck & Black 1988; Grenier et al. 2005; Wolfire et al. 2010). L’intensit´e des

raies CO manque ´egalement une partie du H2 dense dans les directions o`u les raies CO saturent `a cause d’une 845

trop grande ´epaisseur optique (COsat). Comme nous l’avons vu dans la partie 3, l’´emission des poussi`eres et

l’´emission de rayons γ sont corr´el´ees `a la quantit´e totale de gaz, et la mod´elisation conjointe de ces deux tra- ceurs, comme une combinaison lin´eaire des contributions des diff´erentes phases, permet d’extraire l’information sur le gaz suppl´ementaire non trac´e par les observations Hi et CO et donc de cartographier les composantes DNM

et COsat. 850

L’objectif de l’analyse pr´esent´ee dans l’articleIIest d’utiliser `a la fois les observations Hi, CO et les cartes des composantes DNM et COsat, obtenues par l’analyse de l’´emission des poussi`eres et des rayons γ, pour mesurer les

quantit´es de gaz dans les diff´erentes phases du milieu interstellaire, des milieux diffus jusqu’au cœur des nuages mol´eculaires. D’une part, la mesure de la fraction de gaz sombre dans la phase mol´eculaire permet de contraindre les mod`eles sur la chimie et la photo-dissociation du CO dans le milieu interstellaire. D’autre part, le suivi de la 855

contribution des diff´erentes phases `a la quantit´e totale de gaz, en fonction de la densit´e de colonne de gaz, NH,

ou de l’extinction dans le visible, AVpermet de contraindre le seuil de la transition Hi–H2et donc les mod`eles de

formation du H2.

Pour ´etudier cette transition dans diff´erents environnements depuis les zones diffuses jusqu’`a des zones de formation stellaire, nous avons s´electionn´e 15 nuages appartenant aux complexes identifi´es dans les r´egions de 860

l’anticentre Galactique (articleI) et du Chamaeleon(Planck and Fermi Collaborations 2015). Les limites de ces nuages on ´et´e choisies pour ´eviter toute superposition et donc toute confusion entre les diff´erentes phases des diff´erents nuages sur les lignes de vis´ees. Ce point est particuli`erement important pour le gaz dans le DNM qui ne peut pas ˆetre s´epar´e en vitesse contrairement au gaz trac´e par les raies d’´emission Hi et CO. Les analyses des r´egions de l’anticentre Galactique et du Chamaeleon, servant de base `a cette ´etude, utilisent la mˆeme m´ethode pour 865

mod´eliser l’´emission des poussi`eres et des rayons γ. N´eanmoins l’analyse du Chamaeleon a ´et´e r´eactualis´ee pour compter autant de mois de donn´ees γ que celle de l’anticentre et pour inclure la s´eparation des structures de DMN et COsatintroduite dans l’articleI. Les deux analyses s’appuient sur des cartes `a la mˆeme r´esolution angulaire

correspondant `a des r´esolutions de 0.9 `a 2.7 pc dans les diff´erents nuages vu leurs faibles ´ecarts en distance.

Pour chacun des nuages s´electionn´es nous avons mesur´e les fractions de gaz dans chacune des phases et la 870

fraction de gaz sombre dans la phase mol´eculaire. Nous avons suivi leurs ´evolutions en fonction de la densit´e de colonne de gaz totale et de l’extinction afin de contraindre les seuils de la transition Hi–H2 et de d´etection de

l’´emission des raies CO. Nous avons ´egalement calcul´e les fractions de masse moyennes pour chaque phase dans chacun des nuages afin de chercher des changements li´es aux propri´et´es des nuages (masse, compacit´e, extinction

moyenne,...). 875

Transitions de phases dans le milieu interstellaire 71 lonne de gaz mol´eculaire trac´ees par le CO ont ´et´e d´eduites `a partir des facteurs de conversion, XCO, estim´es

ind´ependamment pour chacun des 6 grands complexes dont font partie les 15 nuages s´electionn´es. Nous avons utilis´e les facteurs XCOd´eduits des donn´ees γ, ceux d´eduits de l’´emission des poussi`eres ´etant biais´es par l’aug-

mentation de l’opacit´e des poussi`eres dans les r´egions mol´eculaires comme discut´e dans les parties3et4. De mˆeme

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nous avons utilis´e pr´ef´erentiellement les cartes de DNM et COsatd´eduites du mod`ele γ. Ceci rappelle l’importance

de l’´etude de l’´evolution des propri´et´es des poussi`eres dans notre travail. Ce point ´etant soulign´e, voici un r´esum´e des principaux r´esultats de l’articleII:

Concernant les masses de gaz dans les diff´erentes phases

L’hydrog`ene atomique, Hi, est la principale composante en masse de gaz dans ces nuages, avec des fractions

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allant de 50 `a 80% de leurs masses totales. Le DNM repr´esente environ 20% de la masse totale de gaz des nuages. Il rassemble de 2 `a 8 fois plus de gaz que la partie visible en CO dans les nuages peu compacts ou de faible intensit´e CO et de 30 % `a 80% de la masse visible en CO dans les nuages les plus brillants en CO.

A l’´echelle des nuages la masse dans les enveloppes de DNM croˆıt avec la masse mol´eculaire trac´ees par

l’´emission CO comme MDNM H = (61.7 ± 7.1)  MCO H2 0.51±0.02

. Ce r´esultat s’accorde relativement bien avec la

890 tendance MDNM H ∝  MCO H2 0.4

mesur´ee dans des complexes plus massifs `a |b| > 10 deg. Cette relation avait ´et´e ´etablie avec une m´ethode d’analyse diff´erente et des donn´ees d’´emission des poussi`eres et de rayons γ `a plus basse r´esolution(Grenier et al. 2005). Nos mesures `a plus haute r´esolution tendent `a confirmer la validit´e de cette relation, qui pourrait ˆetre utilis´ee pour estimer les quantit´es de gaz du DNM dans des r´egions ´eloign´ees de la Galaxie ou dans les galaxies externes. N´eanmoins des tests suppl´ementaires sont n´ecessaires pour v´erifier la

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robustesse de cette relation dans des complexes mol´eculaires plus massifs, dans des nuages denses et compacts mais peu massifs, et aussi dans des nuages de metallicit´e diff´erentes.

Pour ce qui est de l’hydrog`ene mol´eculaire non trac´e par la raie d’´emission CO dans les milieux les plus denses (COsat), il repr´esente 30 `a 50% de la densit´e de colonne du gaz mol´eculaire mesur´e `a des extinction AV

>3 mag.

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Concernant la transition Hi–H2

La transition du Hi au H2trac´e par le CO est observ´ee dans un intervalle ´etroit de densit´e de colonne NH

= (0.6 − 2.5) × 1021 cm−2, ce qui correspond seulement `a un facteur quatre d’amplitude. La transition est marqu´ee par la diminution rapide de la contribution du gaz atomique d`es 0.4 magnitude en extinction, AV(ou

(0.6 − 1) × 1021cm−2en densit´e de colonne). Elle est suivie de la d´etection de l’´emission CO `a des extinctions

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AV=1 − 2.5 mag. Les plus grandes fractions de DNM sont trouv´ees dans l’intervalle de densit´e de colonne interm´ediaire entre la chute d’intensit´e Hi et la mont´ee de l’intensit´e CO. Au del`a de 3 magnitudes en extinction l’´emission CO sature significativement et donc ne trace plus tout le gaz mol´eculaire dense qui va ˆetre associ´e `a la composante H2de COsat.

Concernant le gaz mol´eculaire sombre , CO-dark H2

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Le gaz mol´eculaire sombre, not´e CO-dark H2, correspond `a la partie mol´eculaire du DNM `a la transition

Hi-H2. A l’int´erieur d’un nuage ou d’un plus grand complexe la fraction de gaz mol´eculaire sombre en densit´e

de colonne, fCOdk H2, d´ecroit depuis l’enveloppe jusqu’au cœur du nuage mol´eculaire. Cette d´ecroissance avec

une extinction croissante suit un profil semi-Gaussien qui ne varie que l´eg`erement selon de la composition chimique du DNM (pour 50 `a 100% de gaz mol´eculaire).

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La puissance sp´ecifique des poussi`eres rayonn´ee par nucl´eon de gaz est d´efinie comme Π = 4π R/NH

avec R l’intensit´e int´egr´ee du rayonnement thermique des poussi`eres (radiance) et NHla densit´e de colonne de

gaz(Planck Collaboration 2014a; Planck and Fermi Collaborations 2015). Elle trace indirectement l’intensit´e du champ de rayonnement interstellaire. Aux extinctions correspondant `a la transition Hi-H2, la puissance

sp´ecifique des poussi`eres ne varie que de 20 % autour de la valeur moyenne et ses variations ne sont pas li´ees

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spatialement aux variations de fCOdk H2.

Les fractions en masse de gaz mol´eculaire sombre, FCOdk H2, mesur´ees d’un nuage `a un autre d´ependent

principalement de la structure de ces nuages. Elle diminue des nuages diffus jusqu’aux nuages mol´eculaires denses. En particulier on note une diminution de FCOdk H2 pour des nuages de masse, de compacit´e, et de

maximum d’intensit´e CO croissants. Pour les nuages locaux ´etudi´es, se trouvant `a moins de 500 parsecs du

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Soleil, on ne note pas d’´evolution de la fraction FCOdk H2avec la distance au centre Galactique. Par contre les

nuages `a plus haute latitude au-dessus du plan Galactique ont tendance `a pr´esenter des fractions de gaz sombre mol´eculaire plus ´elev´ees, et ce principalement en raison de leur caract`ere plus diffus.

Les simulations num´eriques mod´elisant la formation et de photo-dissociation du H2 et du CO dans le milieu

interstellaire pr´edisent g´en´eralement des intensit´es d’´emission CO trop faibles aux faibles densit´es de colonne par

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Transitions de phases dans le milieu interstellaire 72

2012; Smith et al. 2014). Cet effet est discut´e dans les articlesIetII. Les diff´erents r´esultats pr´esent´es ici, sur les seuils de la transition Hi-H2et H2-CO, sur la relation entre la masse de gaz du DNM et de H2 vu en CO, et

sur l’´evolution des fractions de gaz sombre en fonction de l’environnement, pourront aider au d´eveloppement des mod`eles de formation et de photo-dissociation du H2et du CO, et `a comprendre pourquoi les mol´ecules CO sont 935

notablement plus abondantes ou ´emissives en CO (au moins 10 fois plus) dans le milieu interstellaire diffus que dans les simulations modernes.

Astronomy & Astrophysics manuscript no. tau16_paper2_v4 ESO 2016c December 4, 2016

Cosmic-rays, gas, and dust in nearby anticentre clouds :

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