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Caractères grecs

1 Les hydrates de gaz

1.3 Cinétique des hydrates

1.3.1 Mécanismes de formation

La formation d’hydrates en phase bulk correspond à une cristallisation en solution qui est la transformation d’un composé depuis sa forme dissoute vers une forme de solide cristallisé (sous l’effet d’une concentration de soluté dépassant la limite de solubilité). Le processus de formation des hydrates peut se décomposer en plusieurs étapes élémentaires simultanées (Herri. ,1996) :

• dissolution du gaz dans le liquide • germination primaire des cristaux • germination secondaire

• croissance cristalline • agglomération

Ces étapes sont gouvernées par des phénomènes physiques plus ou moins rapides. La figure 1.4 donne une vision globale simplifiée du processus de formation d’une particule d’hydrate en phase bulk après l’apparition des premiers cristaux. Ainsi, des phénomènes de transfert gaz/liquide dans la zone interfaciale, de diffusion/convection du soluté dans la zone de diffusion, d’adsorption et de réaction à la surface du cristal conduisent la formation des particules d’hydrate. La phase bulk est donc composée d’une phase liquide (eau + gaz dissous principalement) et de particules d’hydrate.

4/ 2 CH H O

D

= 9,673.10-6 cm².s-1

Figure 1.4 – Descriptif de la phase bulk la dissociation

La notion de dissociation des hydrates correspond à l’étape de destruction de la structure des hydrates et donc du relâchement de l’eau (soit liquide soit sous forme de glace) et du composé « encagés » dans cette structure. Comme pour tout phénomène transitoire, la notion de cinétique peut être introduite et étudiée (partie 1.3.3).

Schématiquement, et comme première approche de l’amorçage et du déroulement de la dissociation, un raisonnement simple peut être effectué sur la courbe d’équilibre de l’hydrate de méthane représenté sur la figure 1.5. Imaginons un système composé d’hydrates de gaz en phase bulk qui se trouve à un état d’équilibre (les conditions en pression et température de ce système vérifient celles de la courbe d’équilibre). La dissociation correspond au « franchissement » de la frontière entre la zone de stabilité et celle d’instabilité des hydrates. Quand le système se situe dans la zone d’instabilité (les conditions en pression et température le placent dans cette zone), les hydrates vont amorcer leur dissociation et l’étude d’une cinétique est alors possible. Cependant, une méthode pour amener le système dans cette zone d’instabilité doit être imaginée. Deux possibilités attireront notre attention : la dépressurisation isotherme et le réchauffage (voire un couplage des deux). En effet, et comme mis en évidence sur la figure 1.5, ces protocoles permettent aux hydrates de se dissocier en les mettant dans des conditions en pression et température pour lesquelles ils ne sont plus stables. Une première idée de la réaction du système à ces sollicitations est visible sur la courbe d’équilibre. Prenons comme exemple la dépressurisation. Le système, soumis à une

dépressurisation isotherme, se situe donc dans la zone d’instabilité mais, comme tout système naturel, cherche à rejoindre un état d’équilibre; pour ce faire, la température au cœur du système diminue, engendrant un transfert thermique entre la paroi externe du système (constante dans le temps) et le système, transfert qui va fournir de l’énergie au système afin que les hydrates se dissocient (de l’énergie est nécessaire pour l’étape de dissociation).

Figure 1.5 – Principe de dissociation sur la courbe d'équilibre de l'hydrate de méthane

Sur cette figure, la descente en température n’est pas parfaitement horizontale du fait qu’elle s’accompagne également d’une légère montée en pression liée à la dissociation et au fait que l’expérience est conduite en milieu fermé (de volume fixe): les hydrates en se dissociant relâchent le gaz encagé dans leur structure et engendrent donc une montée en pression.

Une fois cette dissociation amorcée, l’étude de sa cinétique apparaît comme un point indispensable dans la compréhension et la maîtrise de celle-ci.

1.3.2 Modèles cinétiques

Le terme de cinétique des hydrates de gaz décrit le processus dynamique de transition d’un état arbitraire à l’état d’équilibre correspondant. Ce processus transitoire est entièrement

dépendant du temps. Comme (Sloan. ,1998b) l’a montré, la précision des mesures

expérimentales et du modèle cinétique permet une augmentation d’au moins un ordre de grandeur de l’exactitude des résultats par rapport à ceux obtenus à l’aide des données thermodynamiques.

La plupart des études précédentes sur la cinétique des hydrates traitent des hydrates en phase

bulk. Les études les plus précises et complètes sur ce sujet ont été menées par l’équipe de

recherche de (Kim et al. ,1987). Les chercheurs de cette équipe ont mesuré expérimentalement le comportement dynamique des processus de formation et de dissociation

pour de nombreux hydrates de gaz, tels que les hydrates de méthane sI, les hydrates d’éthane sI, les hydrates de propane sII et les hydrates mixtes (gaz différents). Un modèle cinétique unifié, communément appelé modèle de Kim-Bishnoï, est proposé pour la formation et la dissociation et se base sur des résultats expérimentaux ainsi que sur leur connaissance des phénomènes physiques jouant un rôle dans ces processus. L’hypothèse fondamentale de ce modèle est de considérer la cinétique de réaction comme étape limitante: ce modèle est axé sur la zone de diffusion et la surface de la particule d’hydrate (figure partie). Le modèle de Kim-Bishnoï permet de déduire le facteur cinétique de formation (ou de dissociation)

γ

H des

hydrates en exprimant celui-ci selon les conditions de pression et de température (à travers la fugacité f et celle à l’équilibre fe du gaz) et de deux paramètres que sont la constante cinétique

kd et la surface de réaction AS ( ) H H d S e dn k A f f dt γ = − = − (1.29)

Ces deux paramètres sont mesurables pour le phénomène de dissociation. En ce qui concerne la formation, la caractérisation est bien plus difficile; en effet, ce terme englobe deux phénomènes bien distincts: la germination et la croissance; bien que le second soit bien connu, le premier est un processus stochastique et reste très difficile à caractériser avec les connaissances actuelles en cristallisation.

Pour la dissociation des hydrates de méthane, la constante cinétique en fonction de la température ainsi que de la surface de réaction a été calculé par (Kim et al. ,1987) et (Clarke et al. ,2001); pour la formation d’hydrate de méthane sI à partir d’une phase liquide et de gaz libre, (Englezos et al. ,1987) ont mesuré la constante cinétique pour la croissance cristalline, qui admet une faible corrélation avec la température (la faible précision des mesures en raison de la connaissance limitée du phénomène de nucléation en est la principale cause).

Au-delà de ce modèle, (Skovborg et al. ,1994) ont également proposé un modèle cinétique pour la formation d’hydrates. Basé sur l’hypothèse selon laquelle la formation d’hydrate est dominée par le transfert gaz/liquide au sein de la zone interfaciale (figure 1.4), le modèle lie le taux de croissance du cristal à la force motrice qu’est le transfert de masse à travers le film liquide. Simplement, ce modèle s’intéresse à la zone interfaciale et considère le transfert gaz/liquide comme l’étape limitante. Le modèle de (Skovborg et al. ,1994) et celui de Kim- Bishnoï diffèrent de par le point de vue (et d’observation) choisi et par le fait qu’ils ne considèrent pas le même phénomène comme étape limitante.

Le modèle de (Skovborg et al. ,1994) donne de meilleures estimations pour la formation d’hydrate pour de longues échelles de temps. Cependant, comme l’a noté (Sloan. ,1998b), le modèle admet de nombreuses limites: par exemple, il apparaît comme un ensemble de données expérimentales plus qu’un modèle théorique.

Dans cette étude, le modèle de Kim-Bishnoï est utilisé afin de décrire la cinétique de formation et de dissociation des hydrates de méthane (modèle le plus largement utilisé dans les études similaires). La raison principale de ce choix est le côté « universel » de ce modèle : c’est le seul unifié pour la formation et la dissociation des hydrates, les autres modèles connus ne s’attachent qu’à un des deux phénomènes. Au cours du processus de dissociation au sein d’un milieu poreux, il se peut que les conditions (température, pression, saturations) en un ou plusieurs endroits du milieu amènent à la formation d’hydrates ou que le système à un instant

t donné soit un système de formation et qu’à l’instant (t + T) devienne un système de

dissociation d’hydrates; ainsi, le modèle de Kim-Bishnoï permet de traiter ce caractère complexe et évolutif de ce processus. Les bases théoriques solides sur lesquelles se basent le modèle ont également amenées à ce choix, alors que les autres modèles ressemblent plus à un « fitting » sur des données expérimentales.

Bien que le modèle de Kim-Bishnoï soit largement utilisé pour la cinétique de dissociation des hydrates de gaz, quelques limites existent lorsqu’il s’agit de la cinétique de formation. La nucléation, étape très importante de ce processus, n’est pas prise en compte dans ce modèle; il ne peut donc être appliqué que lorsque cette étape n’est pas limitante. Ensuite, problème sans conséquence dans cette étude mais cependant bien existant, le modèle considère la formation d’hydrates à partir de gaz libre et d’une phase liquide uniquement, ne traitant pas le cas où de la glace est présente dans le système, voire remplace entièrement la phase liquide. La présence de gaz libre est capitale, le modèle faisant intervenir sa fugacité, calculée à partir d’une équation d’état.

Concernant la présence de glace dans le système, bien que peu intéressante ici au cours de la formation, elle joue un rôle non négligeable au cours de la dissociation des hydrates. Jusqu’à aujourd’hui, deux théories contradictoires existent sur le sujet. A la fin des années 80, (Davidson et al. ,1986) et (Yakushev et al. ,1991) ont découvert le phénomène de blindage des hydrates, selon lequel les hydrates peuvent exister hors équilibre (en-dessous de 0°C) lorsqu’une couche de glace vient enrober les particules d’hydrates. Ce phénomène aurait tendance à ralentir la cinétique de dissociation des hydrates. Des résultats de (Circone et al. ,2000) et (Lysne. ,1994) valident ces conclusions. Une étude récente de (Liang et al. ,2005) confirme également ce ralentissement dû à la glace tout en observant expérimentalement un

phénomène anormal d’inversion de cinétique pour des températures de l’ordre de 265 K. Cependant, en se référant au fait que la diffusivité thermique de la glace est supérieure à celle de l’eau, (Peters et al. ,2000) défendent l’hypothèse selon laquelle l’apparition de glace favorise la dissociation des hydrates. Si l’hydrate en se dissociant donne de la glace et du gaz, la diffusivité thermique augmentera.