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1.4 Éléments de toxicocinétique des pyréthrines et des pyréthrinoïdes

1.4.2 Cinétique

Les premières données de cinétique humaine pour les pyréthrinoïdes ont été publiées en 1983 alors que Eadsforth et Baldwin (1983) avaient évalué l’excrétion urinaire des métabolites chez des individus exposés de façon volontaire par voie orale à de la 1 :1 cis :

trans-cyperméthrine. Les auteurs avaient rapporté que dans les 24 heures de collecte post-

exposition, l’excrétion du trans-DCCA se faisait dans une plus grande proportion que celle du cis-DCCA soit 78% versus 49%. Quelques années plus tard, Eadsforth et al. (1988) ont réalisé une étude semblable avec des conditions d’exposition modifiées qui permettaient, selon eux, d’atteindre un état d’équilibre dynamique. Ils ont rapporté alors un pourcentage de la dose orale retrouvée dans l’urine sous forme de métabolites de 72% de l’isomère

trans et 45% de l’isomère cis de la cyperméthrine dans les 24 heures suivant l’exposition.

Il est à noter que ces données de fraction de la dose d’exposition qui se retrouve dans l’urine ne permettent pas de déterminer la fraction d’absorption, puisque l’excrétion fécale chez ces volontaires n’a pas été documentée. L’excrétion fécale de plusieurs pyréthrinoïdes, sous forme de composé parent et de métabolites a seulement été observée chez les animaux (Kaneko et Miayamoto, 2001). Néanmoins, même si la fraction d’absorption et la fraction de la dose absorbée excrétée par voie urinaire ne peuvent pas être quantifiées par cette étude, il est tout de même possible de corréler la quantité excrétée dans les urines à celle qui a été ingérée. Il s’agit donc de savoir si l’isomère cis est excrété par voie urinaire dans une plus faible proportion parce que celui-ci est moins absorbé ou

bien parce que sa cinétique est plus lente et que l’excrétion n’est pas complète pendant la période d’observation (24 heures).

Les profils sériques de la cis- et trans- perméthrine obtenus pendant une période de neuf jours chez un individu ayant ingéré de façon volontaire environ 600 ml d’une émulsion de perméthrine à 20% (ratio cis : trans égal à 44 : 56) (Gotoh et al., 1998) permettent de trouver une réponse à cette question. Suite à l’admission à l’hôpital, les concentrations plasmatiques maximales des deux isomères ont été atteintes entre 3 et 4 h post-ingestion et la concentration maximale de l’isomère cis était en fait plus élevée que celle de l’isomère

trans. Ces données concordent avec les données obtenues par Anadon et al. (1991) qui

rapportaient que le pic plasmatique avait lieu environ 4 heures après l’administration de la dose chez le rat.

Gotoh et al. (1998) rapportent des demi-vies de distribution similaires pour la cis- et la

trans- perméthrine, mais aussi que l’élimination de l’isomère cis était considérablement

plus lente que celle de l’isomère trans. En effet, à l’analyse des profils, les concentrations plasmatiques des isomères cis- et trans- diminuaient de façon parallèle pendant les premières heures. Cependant, la concentration de l’isomère trans devenait rapidement non détectable dans les premières 24 heures alors que la concentration de l’isomère cis diminuait que très lentement et demeurait quantifiable pendant plus de neuf jours. Ces données suggèrent qu’il y a un stockage adipeux et un relargage graduel de la cis- perméthrine. Ceci concorde avec les données de distribution tissulaire publiées par Crawford et al. (1981) pour la cyperméthrine et de Kim et al. (2008) pour la deltaméthrine. Kim et al. (2008) rapportaient également un stockage non-négligeable dans la peau et les muscles.

Les autres éléments de cinétique disponibles chez l’humain ont trait à l’absorption par les voies autres qu’orale tel que décrit précédemment. Tomalik-Scharte et al. (2005) ont estimé que la fraction de la dose se retrouvant dans les urines après une période de collecte infinie suite à une application topique d’une crème (étendue du corps, pendant 12 h) ou d’une solution (cuir chevelu, pendant 45 minutes) de perméthrine serait environ 0,5%. Une autre étude chez des patients atteints de gale a également montré une absorption cutanée également d’environ 0,5% pour la perméthrine (van der Rhee et al., 1989). Selon les données de Eadsforth et Baldwin (1983), moins de 0,3 % de la dose cutanée appliquée sur l’avant-bras pendant 4 h se retrouverait dans les urines sous forme de métabolites.

Sur la base des observations faites par Eadsforth et al. (1988) notamment, on peut déduire qu’une forte proportion d’une dose absorbée de pyréthrinoïde est éventuellement excrétée par voie urinaire (au moins 45%). En effet, ces auteurs rapportaient que 72% d’une dose orale aiguë de trans-cyperméthrine et 45% d’une dose orale de cis-cyperméthrine (une molécule similaire à la perméthrine) se retrouvaient dans l’urine sous forme de DCCA dans les 24 heures suivant l’exposition,. Ainsi, la fraction absorbée d’une dose cutanée de pyréthrinoïdes devrait être de l’ordre de 1%.

Le taux d’absorption cutané serait donc très faible ce qui est cohérent avec les données publiées par Woollen et al. (1992) qui ont comparé l’excrétion urinaire des métabolites suite à une exposition orale ou cutanée à de la cyperméthrine. Considérant que Tomalik- Scharte et al. (2005) rapportent des fractions de dose excrétées dans les urines similaires suite à une exposition de 45 minutes sur le cuir chevelu et 12 heures sur la peau, on peut également déduire que l’absorption au cuir chevelu serait plus rapide. Il faut cependant

tenir compte que le véhicule différait et que l’éthanol dans la solution dans l’étude de Tomalik-Scharte et al. avait peut-être pour effet de favoriser l’absorption.

L’autre voie d’absorption possible est l’inhalation. Les seules données toxicocinétiques pour cette voie chez l’humain portent sur la cyfluthrine. Leng et al. (1997) ont exposé des volontaires pendant 1 heure à 160 µg/m3 de cyfluthrine. En moyenne, un total de 11,1 µg d’équivalents de cyfluthrine aurait été excrété; la quantité d’équivalents de cyfluthrine a été calculée à partir des quantités des métabolites acides cis-DCCA et trans-DCCA se retrouvant dans les urines. Considérant un taux respiratoire d’environ 0,7 m3/h, on peut déduire qu’au moins 10% de la dose aurait été absorbée (11,1 µg / (160 µg/ m3 x 0,7 m3) x

100%).

Malheureusement, dans la plupart des études chez des volontaires, ni le profil sanguin, ni l’excrétion fécale n’ont été mesurés ce qui rend impossible la détermination précise de la fraction de la dose absorbée excrétée dans les urines. Pour cette raison, seul un ordre de grandeur peut être établi pour les fractions d’absorption : au moins 50% d’une dose orale se retrouverait dans les urines, alors que ce pourcentage serait d’environ 10% lors de l’exposition par inhalation et environ 1% lors de l’exposition dermale. La vitesse d’absorption gastrique serait plus rapide que la vitesse d’absorption cutanée et l’isomère

trans serait éliminé environ 10 à 15 fois plus vite que l’isomère cis, possiblement dû à un

stockage adipeux de ce dernier et un relargage plus lent vers le sang. Ces différences pourraient aussi être attribuées en partie à un métabolisme plus efficace des isomères trans par rapport aux cis. L’annexe 4 présente un schéma conceptuel reliant ces différentes étapes de la toxicocinétique.

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