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Chapitre 4: La stratégie méthodologique de la recherche

4.2 Le choix des personnes interviewées et le processus de recrutement

D’entrée de jeu, il est important d’établir deux choses. Premièrement, notons que nous avons choisi nos informateurs sur la seule base de leur désir de participer à cette étude. Nous pouvons ainsi dire tout de suite qu’il ne s’agit donc pas d’un mode d’échantillonnage qui permettrait de prétendre à une représentativité des personnes interviewées ou à une généralisation des résultats. Ce n’était d’ailleurs pas le but du présent travail de mémoire. Deuxièmement, alors que nous souhaitions interviewer uniquement des travailleurs sociaux, d’autres professionnels en relation d’aide qui interviennent également auprès des populations autochtones, notamment des psychologues, psychiatres et psychothérapeutes ont manifesté leur intérêt à l’égard de notre projet de recherche. Nous avons donc décidé d’élargir notre bassin d’informateurs de manière à ne pas privilégier uniquement une forme précise d’intervention.

Cela dit, bien qu’il s’agisse d’un échantillon de convenance, nous avions quand même quelques critères de sélection minimaux. Pour répondre à nos objectifs de recherche, le groupe de personnes interviewées devait d’abord et avant tout répondre à certaines caractéristiques minimales : être âgé d’au moins 18 ans, se considérer comme non- autochtone et exercer des activités d’intervention (formalisées ou non, individuelles, de groupe ou collective, cliniques ou de défense des droits) auprès des Premières Nations et/ou Inuits du Canada.

Le recrutement des participants a été fait par le biais d’une stratégie « boule de neige » comme le suggère Pires (1997) pour ce genre d’étude. Nous sommes d’abord entrée en contact avec des chercheurs actifs dans le domaine de l’intervention sociale en milieu autochtone Ceux-ci nous ont communiqué les coordonnées d’intervenants sociaux non- autochtones pratiquant auprès des Premières Nations et des Inuits. Quelques-uns d’entre eux ont accepté de participer à la recherche et nous ont ensuite suggéré des noms d’autres personnes susceptibles d’être intéressées à participer à l’étude. Cette technique nous a permis de constituer environ la moitié de notre corpus. L’une des personnes contactées, à défaut d’avoir les critères lui permettant de participer à l’étude, a plutôt diffusé notre appel de participation à travers son réseau professionnel national par l’entremise d’un courriel (Annexe 1). C’est donc par la méthode d’échantillonnage de volontaires (Ouellet et Saint-Jacques, 2000) que nous avons complété notre recrutement de participants. Comme son nom l’indique, cette méthode consiste à faire appel à des volontaires pour constituer l’échantillon (Beaud, 2006). À la suite de cette démarche, nous avons reçu plusieurs réponses de gens intéressés à participer à l’étude. Les participants retenus pour l’étude devaient répondre aux critères préalablement définis selon les critères présentés précédemment. De surcroît, ce moyen de recrutement nous a permis de rejoindre des intervenants sociaux non-autochtones qui pratiquent un peu partout au Canada et dans différents milieux professionnels. Toutefois, l’échantillon par « effet boule de neige » et l’échantillon de volontaires nous ont permis de rejoindre principalement des personnes qui partagent des caractéristiques similaires (Beaud, 2006; Ouellet et Saint-Jacques, 2000). C’est-à-dire, qu’ils se sentent concernés par les questionnements soulevés dans ce mémoire et qui ont déjà amorcé une réflexion critique sur leur posture professionnelle et identitaire.

Le parcours de vie personnel et professionnel est unique chez chacun de nos participants. En effet, les années de pratique en milieu varient de 3 mois à plus de 20 ans, et il y a deux dominantes qui ressortent: la moitié des participants ont en moyenne environ 4 ans d’expérience dans ce milieu et l’autre moitié ont plus de 10 ans d’expérience. Ils pratiquent tous dans des contextes assez différents. Amélie a une formation en psycho- éducation et travaille pour la DPJ qui dessert spécifiquement une communauté

autochtone, même si les bureaux sont situés hors réserve. Alexandra a une formation en travail social et exerce dans une communauté nordique au sein du service d’enfance- famille du CLSC local. Laura a également une formation en travail social et pratique dorénavant en tant que psychothérapeute en clinique privée urbaine. Catherine a une formation en psychologie et pratique en tant que psychologue pour une instance autochtone en plus d’être impliquée dans la recherche auprès des Inuits. Marie-Claude a un baccalauréat en travail social. Elle est actuellement travailleuse sociale dans un hôpital urbain qui dessert une forte population autochtone, mais à également travaillé pour la DPJ dans le Nord du Québec. Johanne est officiellement chercheuse, mais elle est très impliquée socialement auprès des Premières Nations ce qui l’amène parfois à jouer le rôle d’intervenante. Amanda est également formée en travail social et exerce dans un centre de réhabilitation ontarien où les clients autochtones viennent volontairement chercher de l’aide. France fait des consultations psychiatriques dans diverses communautés autochtones et est également impliquée dans des projets de recherche. Carmen a une maîtrise en travail social et fait maintenant de la formation auprès d’intervenants sociaux non-autochtones qui vont travailler en milieu autochtone en Colombie-Britannique. Robert, qui a aussi une maîtrise en travail social, est impliqué en tant que travailleur social à différents niveaux dans plusieurs communautés autochtones de la Colombie-Britannique. Victoria a pour sa part des formations multiples et travaille actuellement comme directrice du centre des services sociaux dans une communauté autochtone nordique. Ils sont donc tous issus de contextes de travail différents, mais ont comme point en commun le fait d’être des non-Autochtones qui travaillent comme intervenants sociaux auprès des populations autochtones. Ils sont tous de descendance euro-canadienne et nés au Canada; une seule participante a immigré au Canada. Si nous avons une forte majorité, presque une unanimité de participantes femmes, c’est tout simplement parce qu'elles constituent le genre dominant de la profession. Les hommes furent donc moins nombreux à répondre à l’appel puisque, proportionnellement, ils sont moins nombreux à pratiquer ce métier.

Dans un autre ordre d’idées, en recherche qualitative, on recommande souvent de décider du nombre d’entrevues à réaliser sur la base du principe de saturation empirique. Ce

concept désigne le phénomène par lequel le chercheur juge que les dernières données recueillies « n’apportent plus d’informations suffisamment nouvelles ou différentes pour justifier une augmentation du matériel empirique. » (Pires, 1997 : 157). Par conséquent, c’est lorsque le chercheur juge que la saturation est atteinte qu’il décide de mettre fin à la collecte de données, donc de ne pas ajouter de nouvelles entrevues à celles déjà réalisées. Dans nombre de mémoires d’étudiants, le principe de saturation est évoqué pour justifier le nombre d’entrevues réalisées. Ce n’est pas le cas ici. Le nombre d’entrevues a été décidé sur la base de motifs beaucoup plus terre-à-terre. En effet, n’ayant tout au plus qu’un an pour réaliser notre projet de mémoire, et donc que quelques mois pour procéder à nos entrevues et à leur analyse, il n’était pas réaliste d’envisager interviewer plus d’une dizaine d’informateurs. De surcroît, des contraintes liées à notre statut d’étudiante ne nous ont pas permis d’élaborer une méthodologie plus ambitieuse. Néanmoins, bien qu’il nous soit impossible de postuler dans cette recherche que la saturation empirique ait été atteinte, nous pouvons toutefois affirmer que nos participants évoluent dans des contextes assez diversifiés pour offrir un éventail de données variées (Flynn, 2010 : 42). Toutefois, il est évident que la technique privilégiée pour recruter les participants a fait en sorte que les individus interviewés partagent une vision relativement commune, ou du moins présentant des similarités, du travail auprès des Autochtones. Nous y reviendrons plus en détail dans la section consacrée aux limites de l’étude.