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6.   Analyse  des  données

6.1   Les  pédagogies  nouvelles    /    la  pédagogie  traditionnelle

6.1.2   Choix  pédagogiques

Durant les entretiens, nous pouvons relever que les motivations à utiliser la pédagogie d’expression ludocréative varient d’une personne à une autre. En effet, chez Marius et Rafaël, les motivations sont davantage liées à la recherche d’outils pour répondre aux besoins des élèves et sont en accord avec leurs propres valeurs. Pour reprendre ce que nous dit Rafaël, en travaillant dans le spécialisé, il s’est aperçu que les outils qu’il avait ne lui suffisaient pas :

« Par contre, je ne savais pas comment faire, je n’avais pas d’outils concrets. Donc on nous avait beaucoup parlé différenciation. On maîtrisait peut-être assez bien à l’époque ce concept de pédagogie différenciée, par contre, ça ne te disait absolument pas quels outils tu allais concrètement mettre en place auprès des élèves ». Marius ajoute : « J’ai réalisé que j’avais besoin d’outils spéciaux encore plus que dans les autres classes compte tenu des renforcements des difficultés on n’arrivait pas à toucher la remise en confiance des enfants et leur estime de soi, travailler leur estime de soi ». Avec une collègue, il a commencé à

explorer cette pédagogie en faisant des essais et en régulant. Puis, petit à petit, il a remarqué que les enfants évoluaient positivement : « Nous ne savions pas où nous allions et puis, petit à

petit, nous avons remarqué quelques changements, et nous avons remarqué qu’en laissant l’enfant s’exprimer, en ouvrant des possibilités d’expression, il évolue ».

                                                                                                               

2  Selon la définition du dictionnaire historique de la langue française (2010), « La secte a d’abord eu le sens de

« doctrine religieuse ou philosophique », puis celui de « compagnie, suite » […] Dans les années 1970-1980, le mot, sous l’influence de l’anglais « sect », désigne des organisations fermées, organisées, exerçant une influence psychologique forte sur leurs adeptes, pouvant les exploiter financièrement et se réclamant d’une pensée religieuse ou mystique étrangère aux grandes religions constituées ».  

En revanche, pour Margaret, sa motivation découle d’un intérêt à adopter une pédagogie commune à l’ensemble du pavillon de l’école : « Ma motivation n’est pas une motivation

personnelle, c’est une motivation de groupe. Je ne voulais pas mettre les pieds au mur pour ne pas vous freiner dans votre élan à vous. C’est pour ça que j’étais d’accord de pas dire non : « non je ne veux pas », mais dire : « voilà, mon intérêt dans la pédagogie étant petite ou pas, mon idée est que la filière 1 ait une pédagogie ». Je trouvais qu’on allait dans tous les sens, je trouvais que c’était bien si quelqu’un amène une pédagogie. C’est ça qui est important dans le pavillon d’avoir un noyau, et puis qu’il y a une suite pour les enfants ». Elle

souhaite ainsi que tout le monde tire à la même corde et que les plus jeunes élèves dont elle s’occupe baignent déjà dans la pédagogie d’expression ludocréative.

Louisa nous explique utiliser une fois par semaine la pédagogie d’expression ludocréative dans le cadre d’une activité de vocabulaire. Son intérêt à l’utiliser réside dans le fait qu’elle a pu constater des progrès chez les élèves, notamment parmi les élèves plus âgés : « Je pense

qu’elle peut apporter beaucoup aux enfants, surtout en voyant les résultats dans les classes où ils l’utilisent beaucoup plus ». Elle ajoute que la direction a joué également un rôle : « Et aussi ensuite c’est devenu un fil rouge de la pédagogie de l’endroit où je travaille, soutenu par la direction en fait ». Cependant, elle ne se voit pas utiliser uniquement cette pédagogie : « Il y a aussi une question d’habitude, de professionnalisme par rapport aux autres pédagogies que j’ai l’habitude d’utiliser et que j’utilise depuis quelques années déjà maintenant, qui montre aussi enfin qui permettent aussi aux élèves de progresser et voilà. Moi j’ai de la peine aussi à imaginer que la pédagogie elle fonctionne vraiment pour tous les élèves ». Elle ajoute qu’elle utiliserait la pédagogie d’expression ludocréative un peu plus

mais qu’elle garderait quand même toujours une pédagogie un peu alternée. De son côté, Margaret semble partager cet avis lorsqu’elle affirme que pour des petits enfants ce n’est pas adapté de l’appliquer à plein temps. Elle explique que pour elle beaucoup de pédagogies sont bonnes et qu’il faut s’inspirer d’un peu de tout. Elle serait prête à utiliser un peu plus la pédagogie d’expression ludocréative mais émet toutefois des réticences à l’utiliser pleinement car elle estime que les apprentissages formels ne sont pas assez travaillés: « Je pense qu’à ce

moment-là, je le fais certainement avec plaisir, mais pas aussi intense que vous. J’imaginerai, soyons fous, j’imaginerai faire ça le matin et l’après-midi pas du tout. Ben je prendrais ce qui a été fait le matin pour mettre ça sous une autre forme, écrite, maths, mais plus basé sur le scolaire, plus basé sur un apprentissage, ce que vous faites relativement peu ». Un des motifs

d’étonnement pour elle, est de concevoir que les retours émis pour les élèves doivent toujours être positifs : « Mais il y a des choses où ça ne fonctionne pas dans certaines choses. Ni dans

les consignes : qu’il faut toujours être positif. Ça c’est aussi un truc que je n’arrive pas moi, j’ai beau m’efforcer». De plus, elle relève sa difficulté à comprendre le lien entre la créativité

et les apprentissages. Elle perçoit davantage les temps d’expression comme des moments de transmissions de l’enseignant à l’élève : « Alors bien sûr quand je vois une pièce de théâtre,

bien sûr je le vois. Mais quand vous faites de la peinture ou même les rondes, je ne vois pas comment vous articulez ça sur du scolaire. Moi quand je dis on fait des danses, alors on fait des danses. Pour moi ce sont des danses, même si c’est ludique. C’est de la transmission… quelque chose du passé. C’est quelque chose de très compliqué, il y a comme un autre monde. Donc moi je ne vois pas ».

Pour Rafaël ce qui l’intéresse justement dans cette approche, c’est de pouvoir travailler toutes les sphères du développement de l’enfant sans cliver les apprentissages : « On ne clive pas les

choses, on ne fait pas un petit moment du récréatif où on apprend à peindre, on ne fait pas un autre moment de la géographie. Finalement, tout est intrinsèquement lié. Puis, on voit que les élèves, je trouve, progressent quand même dans chacune de ces sphères, que ce soit émotionnelle, relationnelle, cognitive, mathématique. Enfin, dans plein de domaines de compétences on les voit évoluer ». Il met en avant dans son récit l’importance de débuter par

le jeu et la créativité pour aboutir à la connaissance : « Nous, on essaie de partir vraiment

dans la démarche inverse : on part de l’impulse ludique, des aires d’expression, des questionnements qui émergent, des conflits cognitifs et pédagogiques qui émergent de ces temps-là, quand on transforme l’objet, quand on est en interaction avec l’autre, quand il y a un défi qui est posé par une consigne. Pour après, aller vers la connaissance et pas l’inverse ».

A l’inverse Louisa relève que pour certains élèves, tout ce qui est créatif peut induire de l’angoisse, malgré la régularité des activités proposées : « J’ai un élève maintenant dans ma

classe et pour qui tout ce qui est créatif est extrêmement angoissant et paniquant et il y a peu de sens à ce qu’il fait et même en le faisant régulièrement, chaque semaine, ça continue à être très très difficile malgré une consigne donnée il me fait une magnifique peinture en me disant qu’il a fait des traits de couleurs même si la consigne prêtait à plus de créativité ». Pour elle,

il s’agit alors de faire davantage appel aux connaissances pour amener les apprentissages : « Et voilà, avec des élèves comme ça, il y a besoin de moments très structurés, cadrants où il

n’y a pas besoin de faire appel à la créativité mais aux connaissances et qui permet d’être rassuré ».