Partie II : Les limites et les intérêts de l’introduction de l’action de groupe 28
Section 2 : Ecueils 53
II. Le choix de l’opt in 54
L’opt in est un système dans lequel une personne doit manifester son intention d’adhérer pour participer à une action de groupe. Cette action reposant sur un mandat exprès peut être qualifiée d’assignation collective. L’opt out est un système dans lequel une personne doit manifester son intention de s’exclure pour ne pas participer à une action de groupe. L’opt out permet d’aborder la catégorie de consommateurs concernée comme un groupe homogène, c’est la façon dont le droit étasunien aborde la question 199 . Ce système impose la fixation d’un délai d’exclusion s’accompagnant d’une mesure de publicité.
197 Laurent Béteille et Richard Yung, Sénat : Rapport d’information au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale par le groupe de travail sur l’action de groupe, enregistré à la Présidence du Sénat le 26 mai 2010, Site Internet du Sénat, trouvé le 27 juillet 2011 : http://www.senat.fr/rap/r09-‐499/r09-‐499_mono.html.
198 L’estimation de la FFSA repose notamment sur les hypothèses suivantes : 30 à 40 actions par an, plafond de litige de 4 000 euros, développement des garanties en responsabilité civile des professionnels, tous les secteurs concernés y compris les services publics.
Les projets et consultations s’intéressent plus à l’opt in, le consommateur devant avoir un rôle actif s’il veut obtenir réparation de son dommage. En France, la question est largement débattue. Certains pensent que l’opt out est la condition d’une action de groupe effective (CITER) et d’autre que l’opt in est plus sûr, notamment les parlementaires qui « privilégient l’opt in »200. L’opt in et l’opt out ont des avantages et des inconvénients. Elle permet au défendeur de savoir contre qui il se défend. Les membres du groupe à l’action sont représentés à une action car ils le désirent, ce qui peut ne pas être le cas dans une action avec l’opt out. En effet, il est probable qu’une personne n’ait pas compris qu’il fallait se manifester pour s’exclure de l’action. L’opt in permet une sanction plus redoutable, car l’entreprise est sanctionnée en fonction du nombre de personnes réellement lésées, mais l’opt out permet d’indemniser plus de personnes lésées et paraît ainsi plus juste. L’opt in permet d’être indemnisé sur la base d’un jugement de condamnation rendu, soit après fermeture d’une class action. Ainsi cela laisse aux personnes lésées un plus grand délai de réflexion. Dans le cadre de l’introduction des class actions, dès lors que l’opt in est privilégié, la question de l’information des victimes se pose afin de garantir l’efficacité de l’action de groupe. Cette information semble difficile en France du fait de l’interdiction du démarchage juridique201. Il faut alors repenser cette question. Cela sera peut-‐être impulsé par l’Union européenne. En effet, la Cour de Justice de l’Union européenne202 dans un arrêt rendu le 5 avril 2011 de la Grande Chambre a condamné la France dans une affaire visant la profession réglementée d’expert-‐comptable, mais cette jurisprudence vaut sûrement pour toutes les professions réglementées dont les avocats. En l’espèce l’interdiction par la France de tout démarchage publicitaire des experts-‐comptables a été sanctionnée sur le fondement de la directive 2006/123/CE. Ce qui ouvre peut-‐être la voie aux avocats pour informer les victimes de l’existence d’une action de groupe. Afin que l’information des victimes soit réalisée au mieux, il faut que la communication des décisions des autorités nationales de concurrence et des jugements des tribunaux soit améliorée. Cela s’inscrit dans le mouvement d’instauration des class actions, mais cela semble aussi élémentaire afin de garantir la sécurité juridique. En effet, de nombreux consommateurs ou PME victimes d’un cartel ou d’un abus de domination ne savent pas que les entreprises auteurs de telles pratiques ont pu être sanctionnées. Ainsi il semble nécessaire de démocratiser l’accès aux décisions des autorités publiques à travers des médias de communication traditionnels, tel la presse, Internet ou la télévision. Au niveau européen, il serait aussi nécessaire
200 Jean-‐Jacques Heyst, Rapport d’information sur les class actions, La confédération de la consommation du logement et du cadre de la vie (CLCV), Paris, Sénat, n°249, 14 mars 2006, p. 32.
201 Loi n°71-‐1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, article 66-‐4 : « Sera puni des peines [*sanctions pénales*] prévues à l'article 72 quiconque se sera livré au démarchage en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique. Toute publicité aux mêmes fins est subordonnée au respect de conditions fixées par le décret visé à l'article 66-‐6. »
d’améliorer le Règlement 1/2003 en créant un forum d’information centralisant les décisions des autorités nationales de concurrence et des tribunaux nationaux ainsi que des procédures d’action collective accessible quel que soit le pays de résidence. Cella permettrait aux victimes d’être mieux informées et cela les encourageraient peut-‐être à agir, car mises à l’écart de ces données, elles souvent réticentes à agir en justice. Le choix de l’opt in est ici envisagé comme un écueil car il ne permet pas d’accéder à une action efficace. Il semble nécessaire pour l’effectivité du droit, même si cela comporte des risques, de choisir l’opt out. En effet, tout comporte un risque, « de même que
vivre, c’est par définition être en risque »203.