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Chapitre II : Conception d’un réseau d’échangeurs de chaleur sous contraintes

1. Choix d’un algorithme existant

1.6. Choix de l’algorithme de Barbaro et Bagajewicz

On note une variété dans les approches employées. Si certaines sont basées sur les équations thermodynamiques, d’autres sont plus opérationnelles et construisent le HEN d’un point de vue mathématique. La méthode de résolution employée dépend de la formulation du problème. Pour des formulations basées sur la thermodynamique et l’équilibre des bilans, une formulation à base de MILP ou MINLP est observée. En revanche, si la conception du HEN est vue comme le dimensionnement d’une superstructure, on retrouve dans la majorité des références des algorithmes génétiques parfois couplés à une méthode du recuit simulé.

Le problème de conception d'un réseau d'échangeurs est NP-complet, ce qui implique que le temps de résolution croît de façon exponentielle et non polynomiale avec le nombre de variables. Si la taille du procédé étudié peut se révéler limitante, il appartient aux scientifiques de poser le problème de façon à minimiser le nombre de variables pour un nombre de flux donné. Le temps de résolution peut aussi devenir très important si certaines options sont activées. C’est le cas notamment du "split" de flux, qui consiste à autoriser un flux à se diviser pour échanger de façon parallèle avec deux ou plusieurs autres flux. La recombinaison en sortie des échangeurs peut se faire à température identique ou non, ajoutant davantage de complexité. Si le nombre de "split" nécessaire à un optimum économique est faible, les utilités chaudes et froides doivent souvent échanger avec plusieurs flux.

L’algorithme retenu est celui développé par Barbaro et Bagajewicz en 2005. Le choix de cet algorithme faisant appel à une programmation mathématique MILP (Mixed Integer Linear Programming) est justifié par la possibilité de diviser les flux, de placer des échangeurs en série sur un flux mais aussi par le mélange non-isothermique des flux. Par ailleurs, il s'agit d'une formulation basée sur la physique des échanges thermiques et les bilans énergétiques, ce qui permet d'envisager des évolutions. L’optimisation concerne aussi bien le coût d’investissement que le coût opératoire, le coût des utilités et celui des échangeurs. La surface de chaque échangeur est calculée à l’aide de la différence de température logarithmique entre

deux flux, seule étape non linéaire, qui sera traitée en amont de la résolution du problème par l’algorithme en fonction de la discrétisation en température et des intervalles obtenus.

Il s’agit d’un algorithme récent basé sur la méthode de la cascade énergétique (Transshipment model), qui comporte de nombreuses fonctionnalités parmi lesquelles :

- Le "split" des flux : chaque flux peut être subdivisé pour échanger avec plusieurs flux en parallèle,

- La prise en compte de remélange d’un flux à des températures différentes, - La possibilité de by-pass,

- La possibilité d’avoir plusieurs échangeurs entre deux flux, - La possibilité d'interdire des échanges entre flux.

La formulation mathématique comporte 105 équations qui peuvent être associées pour former des groupes fonctionnels. Ces groupes sont détaillés ci-dessous.

Equations Fonctions

1 - 10 Bilans thermiques : Dimensionnent les utilités et assurent l’équilibre des charges thermiques, y compris pour les flux à mélange non-isotherme.

11 - 25

Recensement des échangeurs de chaleur sur les flux chauds : Etablit l’absence ou la présence, et le cas échéant la température de début et de fin, d’un échangeur entre deux flux sur un intervalle de température donné.

26 - 36 Recensement des échangeurs de chaleur sur les flux froids : Idem que ci- dessus.

37 - 42

Comptage / Limitation : le nombre d’échangeurs reliant deux flux est compté et limité par 1 si les échanges multiples sont interdits, par une valeur maximale dans le cas contraire.

43 - 56

Cohérence des échanges thermiques : lors d’échanges multiples entre deux flux, il est nécessaire d’identifier précisément les puissances thermiques échangées dans chacun des échangeurs.

57 - 80

Continuité des débits massiques : Introduction de variables binaires et continues pour calculer les débits dans les échangeurs, garant de la précision lors du calcul de surface des échangeurs.

81 - 88

Contraintes sur les différences de température : les différences de température à l’entrée et à la sortie des échangeurs doivent respecter le pincement choisi par flux pour garantir la faisabilité du HEN.

89 - 102 Contraintes sur les différences de température : idem pour les cas où des échanges multiples entre flux sont autorisés.

103 - 104 Comptage des échangeurs: nécessaire pour le calcul des coûts d’investissement

105 Fonction objectif à minimiser

L’algorithme repose sur une discrétisation en température. Le recensement des échangeurs de chaleur nécessite deux étapes, qui se déroulent simultanément lors de la résolution. Premièrement, il faut identifier la présence d’un échangeur entre chaque couple possible de fluide froid et chaud, sur chacun des intervalles. Les variables binaires comporteront donc 3 indices : un pour le flux froid, un pour le flux chaud et enfin un pour la zone étudiée. Une valeur de 1 correspond à l’existence d’une unité d’échangeur. Deuxièmement, Il faut reconstituer les échangeurs complets, c'est-à-dire identifier et compter les intervalles consécutifs sur lesquels un même couple de flux échange.

S’il y a une discontinuité au niveau des intervalles pour un même couple de flux, cela signifie que plusieurs échangeurs doivent être installés entre ces deux flux. Une option permet d’autoriser ou non ces échanges multiples. La figure II - 6 illustre un cas d’échange multiple entre le flux chaud i1 et le flux froid j1, ce dernier devant échanger avec un autre flux chaud i2

pour satisfaire l’intégralité de ses besoins de chaud.

Il est possible aussi qu’un échange ne s’effectue pas sur la totalité d’un intervalle de température. Compte tenu d’une discrétisation en température et non en puissance, il est même fortement improbable que la puissance d’un flux froid dans n’importe quel intervalle de température corresponde à la puissance d’un flux chaud dans un autre intervalle de température. Dès lors, des variables continues servent à situer précisément les extrémités des échangeurs dans les intervalles de discrétisation (Figure II - 6).

C'est une figure-clé qui illustre les nombreuses problématiques liés à la modélisation et à la génération d'un échangeur de chaleur entre deux flux (ou plus).

Elle présente un échange de chaleur entre un flux froid j1, au milieu, et deux flux

chauds i1 et i2, de part et d'autre. La discrétisation en intervalles de température est propre à

chaque flux; les puissances thermiques par intervalle étant dépendantes du débit calorifique, elles sont aussi différentes. L'échangeur 1 est placé entre les intervalles 1-6 du flux i1 et 1-5 du

flux j1. On remarque que la puissance du dernier intervalle n'est pas entièrement exploitée.

Cette utilisation partielle doit être finement modélisée, notamment pour permettre le début d'un second échangeur. La discrétisation en intervalles est complétée par l'introduction de variables continues permettant de balayer chaque intervalle.

Figure II - 6 : Echange multiple entre deux flux (Barbaro, 2003)

Ainsi, l'échangeur 2 vient exploiter la puissance thermique des intervalles 6-8 du flux i1 en se positionnant à la sortie de l'échangeur 1. Ces variables continues sont utilisées

pour déterminer précisément le début et la fin des échangeurs, afin de calculer les puissances échangées et les températures aux bornes des échangeurs. Il est aussi possible d'installer plusieurs échangeurs entre deux mêmes flux.

Des fonctions de contrôle (Eq 57 – 80) sont ensuite ajoutées pour contrôler les débits dans les échangeurs. Que ce soit lors d’un "split" de flux pour un échange avec plusieurs flux en parallèle ou lorsqu’un échangeur ne commence pas au début d’un intervalle de température, le calcul du débit réel traversant l’échangeur est crucial pour calculer avec précision la puissance thermique échangée, puis la surface et au final le coût de cet échange.

Un principe fondamental de la méthode du pincement est de ne pas se baser uniquement sur des bilans de puissance, mais de prendre en compte les niveaux de

température, pour valoriser les rejets thermiques au plus haut niveau possible et ainsi maximiser les possibilités de récupération. Pour garantir un haut niveau de performance, d’autres fonctions de contrôle (81 – 102) sont utilisées pour garantir les écarts de température aux extrémités des échangeurs. L’écart de température entre le flux chaud et le flux froid doit non seulement être positif, mais au moins égal au pincement défini par la nature des deux flux en jeu.

Enfin, deux fonctions assignent une taille maximale aux échangeurs de chaleur tandis que la dernière équation est la fonction objectif à minimiser. C'est la somme des prix de chacun des échangeurs, des coûts d’investissement des utilités et des coûts opératoires des utilités dépendant du type d’énergie utilisée.