• Aucun résultat trouvé

7 Physico-chimie atmosphérique

7.4 Chimie des oxydes d’azote

Les oxydes d'azote présents dans la stratosphère participent de manière importante au budget de l'ozone. Ils sont communément nommés et regroupés sous le terme générique de NOy. Cette famille se compose d'espèces plus ou moins réactives. L'espèce source de cette famille est l'oxyde nitreux (N2O). Elle est émise de manière naturelle et anthropogénique à la surface de notre planète, et est injectée principalement dans la stratosphère en région tropicale lors d'épisodes de convection profonde. Cette espèce est un gaz à effet de serre et prend une part non négligeable dans le bilan radiatif terrestre. Une fois dans la stratosphère l'oxyde nitreux est transporté vers les régions polaires de manière isentropique. Au cours de ce transport il est oxydé suivant les deux réactions ci-dessous avec production de monoxyde d'azote NO. La deuxième réaction est la réaction dominant la production des espèces très réactives de la sous famille des NOx : NO et NO2 [McElroy and McConnell, 1971].

N2O + O(1D) →N2 + O2

→2 NO

Ces NOx contrôlent le budget de l'ozone stratosphérique selon deux voies. Ils entrent dans la chaîne de destruction de l'ozone d'une part [McElroy et al., 1992; Brühl et al., 1998] et d'autre part ont un rôle modérateur auprès des espèces chlorées et du radical OH [Salawitch et

al., 1994; Wennberg et al., 1994]. Ces NOx sont en lien étroit avec les teneurs en acide nitrique (HNO3) qui en dessous de 30 km d'altitude est le principal réservoir de la famille des NOy et producteur de NOx. La répartition des espèces au sein de cette famille des NOy peut-être fortement modifiée en présence de nuages polaires stratosphériques. En effet l'acide nitrique participe à la croissance des particules des nuages polaires stratosphériques et réagit également de manière hétérogène à la surface des aérosols sulfatés et des PSC [McElroy et

al., 1992; Fahey et al., 1993].

De nombreuses études ont mis en évidence des différences non négligeables entre les contenus en oxyde d'azote simulés et mesurés en fonction de la latitude, l'heure locale de la mesure (jour, nuit, crépuscule) et de la saison [Sen et al., 1998; Gao et al., 1999; Payan et al., 1999; Wetzel et al., 2002; Stowasser et al., 2002, 2003]. Pour comprendre les écarts observés il est pertinent de pouvoir séparer la contribution chimique de la contribution dynamique sur la variabilité de ces oxydes d'azote. Au cours de ces 15 dernières années un grand nombre d’études chimiques ont été menées lors de différentes campagnes de mesures sous ballon stratosphérique auxquelles le LPMAA a participé. Le contenu des masses d'air de la basse stratosphère en oxydes d'azote a été étudié de manière systématique par comparaison de

114

mesures avec les modèles (REPROBUS et MIPLASMO). Ces travaux ont permis à la fois de mieux comprendre les mécanismes chimiques régissant la distribution des composés halogénés ou des oxydes d'azote, mais également d’apporter une expertise sur les biais liés aux différentes techniques de mesures utilisées sous ballon stratosphérique, et ce en fonction de la latitude.

C’est dans ce cadre que j’ai principalement travaillé en collaboration avec le Service d’Aéronomie (LATMOS) et le LPCE (LPC2E) autour de la modélisation des oxydes d’azote grâce à nos mesures des profils verticaux de rapport de mélange de NO, NO2 et HNO3, qui ont été inversés à partir des mesures des expériences LPMA et DOAS au coucher et au lever du soleil pendant l’été polaire Arctique. Il s’agit par exemple des mesures du vol LPMA17 qui ont permis d'échantillonner le cycle diurne de plusieurs espèces de la famille des NOy. Une comparaison de ces mesures avec les simulations du modèle Reprobus (Franck Lefèvre, Service d'Aéronomie) a montré que la conversion de NO (avec O3) en NO2 au coucher du soleil est surestimée par le modèle (cf. Figure 64).

Figure 64 : Comparaison des mesures LPMA17 à la montée (en haut) et au coucher du soleil (en bas) aux simulations du modèle de chimie et transport 3D Reprobus.

115

Nous avons poussé nos analyses plus avant en cherchant à nous affranchir des différences spatiales et temporelles existant entre les mesures et les modèles. Que ce soit pour la validation satellitaire ou pour la comparaison avec un modèle, il est nécessaire d’avoir la meilleure coïncidence possible entre les données à valider ou les sorties du modèle en ses différents points de grille et les données de validation. La méthode que nous avons mise en place pour palier aux problèmes de mauvaise coïncidence est décrite dans le paragraphe précédent.

Pour l’étude de la photochimie des NOy en été aux hautes latitudes [Dufour et al., 2005], cette méthode a été utilisée pour initialiser le modèle de chimie utilisé. C’est dans ce cadre que nous avons utilisé le modèle 1D (module chimique de Reprobus) que nous avons implanté au laboratoire. Le modèle 1D a été initialisé avec le modèle 3D et les mesures LPMA transporté dans le temps en utilisant ce même modèle 3D. Par exemple, pour initialiser le modèle à 16:00 afin de simuler les prédictions à 21:00 (pour laquelle on dispose d’une mesure), il faut soit disposer d’autres mesures (on en dispose mais pas au même endroit, cf. Figure 62), soit pouvoir estimer une valeur réaliste à partir des mesures dont on dispose à d’autres temps. Le modèle 3D représente assez bien le l’advection des espèces chimiques et il est donc utilisable pour « transporter » la concentration d’une espèce donnée d’un temps à un autre en appliquant un facteur correctif sur la mesure à un point et un temps particulier.

Les profils LPMAA ont seulement été transportés temporellement. Pour tester si le modèle reproduit bien la transition jour/nuit observée pour les NOx et les NOy lors du vol LPMA17 (comprenant un coucher et un lever de soleil), nous avons initialisé le modèle à 16:00 TU pour l’étude du coucher et à 1:00 TU pour celle du lever. En initialisant le modèle de chimie à l’aide des sorties du modèle de chimie-transport à 3 dimensions interpolées aux latitudes et longitudes sondées par l’instrument LPMA, nous avons montré que le modèle de chimie reproduit correctement les rapports NO/NO2 et NOx/NOy mais qu’il surestime les quantités d’ozone et sous-estime les quantités individuelles des NOy mesurés par LPMA (NO, NO2, HNO3). En revanche, lorsque le modèle est contraint par l’ozone et le NOy total mesurés par LPMA, c’est-à-dire lorsqu’il est initialisé par les profils LPMAA transportés aux heures d’initialisation, les rapports NO/NO2 et NOx/NOy ainsi que les quantités individuelles de NO, NO2 et HNO3 sont bien reproduites par le modèle (Figure 65).

Aux latitudes polaires en été, la partition des NOx et des NOy est principalement gouvernée par les réactions en phase gazeuse suivante :

NO + O3 → NO2 + O2

NO2 + hν → NO + O

HNO3 + hν → NO2 + OH

HNO3 + OH → NO3 + H2O

NO2 + OH + M → HNO3 + M

Nous avons montré que l’impact de la charge initiale en aérosols du modèle et donc des réactions hétérogènes (impliquant principalement N2O5 en été) sur les quantités de NO, NO2 et HNO3 n’était pas négligeable (entre 10 et 25 %). De plus, en ajustant la charge initiale en aérosols du modèle, la partition des NOx et des NOy est alors modélisée à mieux que 10 % par le modèle de chimie-transport Reprobus (Figure 66). La partition entre NO et NO2 étant, quant à elle, gouvernée uniquement par des réactions chimiques en phase gazeuse, la modification de la charge en aérosol n’a aucun effet sur elle.

116 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36 38 40 10-10 10-9 10-8 vmr al titu de ( km ) LPMA NO2 NO HNO3 Reprobus 1D initialisation LPMA (O3, NOy) NO2 NO HNO3

Figure 65 : Comparaison entre les profils de NO, NO2, HNO3 mesurés pendant le coucher de soleil et les profils correspondants, calculés avec le modèle de chimie Reprobus 1D contraint par l’ozone et le NOy total mesurés

par LPMA. 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36 38 40 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 1.4 NOx/NOy alt it u de (k m ) LPMA Reprobus 1D initialisation LPMA O 3, NO y) + charge en aérosol issue du CTM charge en aérosol issue des mesures [Deshler, 2003]

Figure 66 : Comparaison des profils verticaux de NOx/NOy obtenus au coucher pour deux charges initiales en aérosols différentes : la première est issue du CTM Reprobus et la seconde de mesures de concentrations

117