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2.2. Gestion des risques

2.2.1. Quelques chiffres

Selon le journal l’Express du 30/11/2006, « galvanisés par la Loi Kouchner de 2002 sur les droits des malades, qui les place au cœur du dispositif de soins, ils ne tolèrent plus les à-peu-près, et encore moins les échecs. Chaque année les Français engagent plus de 10 000 procédures, contentieuses ou amiables via l’une des trois voies de recours : la justice civile ou pénale, l’Office d’Indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) ou l’Ordre des médecins. Les usagers se comportent comme des consommateurs… ».

De Vernejoul (De Vernejoul, Gottot et al. 1999) effectue une analyse rétrospective de 211 plaintes consécutives traitées ,avec une victime identifiée dans 192 cas soit 91%, à la Direction des Affaires Sanitaires (DASS) de Paris. Les dysfonctionnements constatés sont classés en cinq rubriques :



erreur de conduite clinique (pertinence des actes, qualification du personnel, conformité aux bonnes pratiques cliniques, aux conventions médicales et conditions d’utilisation des médicaments et dispositifs médicaux) : 63 %



organisation du service (surveillance, suivi médical, bonnes pratiques d’organisation, qualification du personnel) : 50 %



faute technique lors de la réalisation d’un acte invasif : 19 %



information du patient et de sa famille : 21%

ETAT DE L’ART – GESTION DES RISQUES

Les plaintes représentent le signal de dysfonctionnements et peuvent être considérées comme des indicateurs pertinents de risque. L’instruction des plaintes s’intègre dans le dispositif de sécurité sanitaire et nécessite une mise en place d’un système d’information exhaustif. La typologie de dysfonctionnements présentés correspond à celle constatées en établissement hospitalier au niveau du circuit des chimiothérapies. Ces erreurs, dues à la nature même des anticancéreux engendre des séquelles graves voire mortelles.

Dans l’étude nationale sur les événements liés aux soins (source Drees, Ministère de la Santé), seuls sont qualifiés d’ « erreurs médicales », les accidents qui résultent d’une faute imputable au praticien ou à la chaîne de soins. Les autres sont considérées comme des aléas thérapeutiques.

Il y a plus de 600 000 accidents médicaux

Dont 350 à 400 000 à l’hôpital

Dont 35 % sont considérés comme évitables

En 2006, les patients disposent d’une nouvelle voie de recours gratuite : les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation (CRCI) chargés de déterminer si le praticien a commis ou non une faute. Cette commission a examiné en 2006 plus de 3000 dossiers et le montant moyen d’indemnisation a été de 60 000 euros.

A l’AP- HP en 2006 :

11 millions d’euros d’indemnités aux patients et à leurs familles

1200 nouveaux dossiers

Coût moyen d’un dossier : 6247 euros, 533 euros de frais d’avocat

70 % des dossiers réglés de façon amiable

ETAT DE L’ART – GESTION DES RISQUES

Un patient décédé fin 2006 dans un hôpital de l’AP-HP suite à une injection accidentelle intrathécale de vinca-alcaloides, anticancéreux présentant une neurotoxicité centrale et périphérique, qui devait lui être administré par voie intra-veineuse. De telles erreurs de voie d’administration sont connues : 7 cas d’administrations accidentelles de vinca-alcaloides par cette voie ont été rapportés en France au système national de pharmacovigilance entre 2000 et fin 2006 (6 cas chez des adultes et un cas chez un enfant de 23 mois). Dans tous les cas, les patients sont décédés malgré une prise en charge adaptée (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé 2007). Le Laboratoire Lilly qui a commercialisé ces médicaments en a recensé une soixantaine en 20 ans.

Cet accident grave conforte la position de Reason qui indique qu’une vraie volonté de sensibilisation d’un établissement en matière de prévention des erreurs auprès des différents acteurs est absolument indispensable. En effet, il propose un modèle « Swiss cheese Model » (Figure 4) permettant de représenter les différentes causes de défaillances d’un système (défaillances latentes : défaillances organisationnelles, carences managériales… ou défaillances patentes: erreurs humaines) se cumulent et déclenchent l’accident. Selon le concept développé par J. Reason devant tout accident, il faut rechercher les causes et le contexte qui ont permis la survenue de l’erreur humaine génératrice de l’accident (Reason 1995; Reason 2000).

ETAT DE L’ART – GESTION DES RISQUES

Figure 4 : Schéma de Reason "Swiss Cheese Model"

Risques et barrières

Figure 5 : Risques et barrières successifs provoquant l’accident (Guey 2003)

Dans une publication récente (Reason 2004), Reason montre toute la complexité des facteurs déclenchant par leur combinaison et enchaînement des accidents considérés comme

catastrophiques. Ces accidents auraient pu être contrariés et même arrêtés en dernière minute si les acteurs de première ligne (médecins « juniors », infirmières …) avaient acquis un certain degré de connaissance des erreurs.

Il choisit dans cette publication de documenter un accident lié à l’administration de chimiothérapie par intrathécale (IT). Ce cas est quasiment le même que celui relaté il y a quelques mois à l’AP-HP. Il rappelle également qu’entre 1985 et 2004, 14 accidents de ce type sont survenus au Royaume-Uni.

STRUCTURES MANAGEMENT PROCEDURES FORMATION ACTEURS DE 1° LIGNE Incident

Accident

Évènement

ETAT DE L’ART – GESTION DES RISQUES

un protocole associant de la Vincristine IV, de l’Aracytine IT, du Methotrexate IT et du Dépomedrol R IT. Le pharmacien prépare 4 seringues étiquetées et les délivre dans deux sachets distincts : IV et IT donc celui-ci établit une barrière de sécurité. L’infirmière ouvre simultanément les deux sachets sur le chariot et ne lit pas les étiquettes des seringues par conséquent, elle détruit la barrière de sécurité et réalise une erreur de préparation du plan de travail. Enfin, le médecin, ayant un statut de faisant fonction d’interne, ne lit pas les étiquettes et administre avec difficulté trois seringues IT ceci pose le problème de l’attention indispensable à la lecture des étiquettes ainsi qu’à la nécessité d’avoir des médecins de statut supérieur et spécialistes réalisant ce type d’actes délicats. Enfin, l’infirmière découvre immédiatement la seringue restante contenant le Dépomédrol R IT non injecté. Dans ces deux cas, les patients sont décédés.

Ce qui semble important avec ces accidents est la connaissance réelle de ce type de risque par l’établissement. En effet dans le premier cas, il y avait au départ dans le protocole de chimiothérapie deux injections d’anticancéreux différents, l’une à administrer par voie intraveineuse et l’autre par voie intrathécale et ce sur deux jours différents ce qui obligeait le patient à se déplacer deux jours d’affilée. L’équipe médicale décide donc de modifier les jours d’administration de ce protocole et la pharmacie ne souhaitant pas être un « élément bloquant » donne son accord et devait étiqueter et emballer séparément les deux produits. Dans le formulaire médicamenteux ainsi que dans le guide des protocoles d’hématologie de l’établissement, ces consignes étaient également enregistrées. L’accident s’est tout de même produit. Le facteur humain est donc un facteur prépondérant de risque.

Les conclusions de Reason montrent que des procédures établies et validées ne suffisent pas. En effet, il est indispensable qu’une préparation mentale régulière destinée aux différents acteurs, permettant d’acquérir une grande connaissance dans la prévention de l’erreur, puisse être réalisée afin d’achever l’excellence d’une équipe. Par ailleurs, l’ensemble des équipes doit également réfléchir aux types de conditionnement, d’étiquetage, d’acheminement et d’administration pouvant garantir ce type de situations dangereuses.

Reason conclut en montrant que des procédures établies et validées ne suffisent pas. En effet, il est indispensable qu’une préparation mentale régulière destinée aux différents acteurs, permettant d’acquérir une grande connaissance dans la prévention de l’erreur, puisse être réalisée afin d’achever l’excellence d’une équipe.

ETAT DE L’ART – GESTION DES RISQUES

L’onco-hématologie est une spécialité particulièrement sensible au niveau du risque patient du fait de la marge thérapeutique étroite des anticancéreux et du fait des conséquences cliniques graves voire mortelles dans la plupart des cas.