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Chevauchement clinique et moléculaire dans deux syndromes de restriction de

2 TRAVAIL EXPERIMENTAL

2.2 Chevauchement clinique et moléculaire dans deux syndromes de restriction de

2.2.1 Syndrome de Temple et syndrome de Silver-Russell

Dans ce second projet, nous nous sommes intéressés aux mécanismes sous-tendant le chevauchement clinique entre les syndromes de Temple (TS) et de Silver-Russell qui avait déjà été mis en évidence sur des petites séries de patients (Poole et al. 2013; Azzi et al. 2015a; Kagami et al. 2017). En effet, plusieurs équipes ont identifié des anomalies de la région 14q32.2 chez des patients adressés pour une suspicion clinique de SRS, avec un score clinique de Netchine-Harbison (NH-CSS) de plus de 4 sur 6. Nous avons donc voulu décrire précisément les caractéristiques cliniques communes entre les deux syndromes et leurs spécificités. Pour ce faire, nous avons étudié les présentations cliniques des patients pour lesquels une disomie uniparentale maternelle du chromosome 14 (n = 8), une perte de méthylation du centre d’empreinte MEG3/DLK1:IG-DMR (n = 17) ou une délétion de la région 14q32.2 (n = 3) avaient été identifiées dans le laboratoire. Nous avons ainsi pu montrer que 72,7% de ces patients avaient un score NH-CSS d’au moins 4 sur 6 compatible avec un diagnostic clinique de SRS. Les patients avec TS présentaient également une hypotonie néonatale, une prise de poids importante dans la petite enfance, un décalage des acquisitions fréquent mais modéré et une puberté précoce de manière très fréquente, bien que ces caractéristiques cliniques soient également présentes chez les patients avec SRS.

Enfin, l’étude systématique de la méthylation de dix autres ICR a mis en évidence une proportion très importante autour de % d’anomalies de la méthylation ML)D à au moins un des autres ICR étudiés chez les patients avec une perte de méthylation du centre d’empreinte

MEG3/DLK1:IG-DMR. Nous n’avons cependant pas identifié d’anomalies génétiques au niveau des ICR ou de facteurs agissant en trans pouvant interférer dans la mise en place ou le maintien de la méthylation chez ces patients. Les chevauchements cliniques entre les différents syndromes pourraient être expliqués par ces anomalies multiples de la méthylation.

2.2.1.1 Discussion

Par cette étude, nous avons confirmé le chevauchement clinique entre ces deux syndromes par la proportion importante (72,7%) de patients avec un score clinique positif pour le diagnostic de SRS au sein d’une cohorte de patients avec un TS. De plus, contrairement aux précédents travaux publiés, nous avons retrouvé une majorité de patients porteurs d’une anomalie épigénétique (hypométhylation de MEG3/DLK1:IG-DMR, 60%) par rapport aux disomies uniparentales maternelles du chromosome 14 ou aux délétions (Ioannides et al. 2014; Kagami et al. 2017). Ces différences tiennent probablement aux différentes stratégies de diagnostic utilisées par les équipes. En effet, notre laboratoire de diagnostic étant l’un des seuls en France actuellement à étudier la méthylation de MEG3/DLK1:IG-DMR, nous avons peut-être une surreprésentation de ces diagnostics, puisque les délétions et les disomie maternelles peuvent être identifiées avec des techniques de génétique conventionnelle dans d’autres laboratoires. Du fait de l’important chevauchement clinique entre le SRS et le TS, il semble opportun de réaliser une analyse de la méthylation de MEG3/DLK1:IG-DMR en seconde intention chez un patient suspect de SRS et sans anomalie des chromosomes 7 et 11 (Wakeling et al. 2016). Enfin, nous avons identifié une proportion importante (60%) de patients avec des anomalies multiples de la méthylation ML)D dans d’autres centres d’empreinte chez les patients avec une perte de méthylation du centre d’empreinte MEG3/DLK1:IG-DMR en 14q32.2. Ces résultats suggèrent donc une possible anomalie de la régulation en cis ou en trans que nous n’avons pas identifiée pour l’instant dans cette cohorte. Néanmoins, il serait intéressant de rechercher des mutations des facteurs impliqués dans le maintien post-zygotique de la méthylation chez les mères des patients avec ML)D, de même que d’évaluer leur histoire obstétricale (fausses couches précoces, môles hydatiformes, hypofertilité, recours à la procréation médicalement assistée et type de protocole utilisé).

Récemment, nous sommes allés plus loin dans la mise en évidence de profils d’expression géniques comparables chez des patients porteurs d’anomalies dans différentes régions soumises à empreinte parentale (Abi Habib et al. 2019). En premier lieu, nous avons pu confirmer qu’en cas d’anomalie de la méthylation de MEG3/DLK1:IG-DMR chez les patients avec un TS, il existait une expression biallélique des gènes de la région 14q32.2 (normalement exprimés uniquement à partir de l’allèle maternel). De plus, nous avons mis en évidence une baisse d’expression d’IGF2 dans les fibroblastes des patients avec anomalie de la méthylation de MEG3/DLK1:IG-DMR, alors que la méthylation de la région 11p15 était normale (figure 32A. . L’effet des ARN non codants à expression maternelle de la région q . sur l’expression d’IGF2 a été confirmé dans des fibroblastes contrôles par des expériences de small interfering (si)RNA et de surexpression de ces gènes (figure 33). Ainsi, la surexpression de MEG3 et MEG8 (dans les fibroblastes des

patients avec TS) était capable d’induire in vitro une baisse d’expression d’IGF2, tandis que leur inactivation (séparément et conjointement) induisait une augmentation de l’expression d’IGF2.

Figure 32. A. Baisse d'expression d'IGF2 ou B. de SNURF dans les fibroblastes de patients avec syndrome de Temple (TS14), syndrome de Silver-Russell SRS ou les deux syndromes hypométhylation d’H19/IGF2:IG-DMR et de MEG3/DLK1:IG-d’H19/IGF2:IG-DMR) par rapport aux contrôles. Les données sont représentées en moyenne ± erreur standard, pour 5 différents passages, chez 4 patients avec TS14, 5 patients SRS et un patient SRS/TS14 comparés à 5 contrôles (Abi Habib et al. 2019).

Figure 33. Modifications de l'expression d'IGF2 dans des fibroblastes contrôles après surexpression (à gauche) et inactivation par siRNA (droite) de MEG3 et MEG8 dans des fibroblastes de contrôle. Les données sont représentées en moyenne ± erreur standard, pour 4 expériences de transfection indépendantes (Abi Habib et al. 2019).

De plus, ce travail a montré un impact de MEG3 et MEG8 sur SNURF, qui est un gène exprimé à partir de l’allèle paternel dans la région q -q13 impliquée dans le syndrome de Prader-Willi (SPW) (figure 32B). Ces résultats ont donc confirmé in vitro les observations cliniques qui mettent en avant un chevauchement clinique entre les patients avec TS et SPW (Kagami et al.

2017). Enfin, une analyse par RNAseq à partir de fibroblastes de ces patients SRS ou TS retrouvait des profils d’expression comparables entre les patients avec SRS ou TS. Les baisses communes d’expression portaient majoritairement sur des gènes impliqués dans la croissance et l’inflammation Publication dans son intégralité en Annexe (Abi Habib et al. 2019).

Ces deux études, ont permis de caractériser le chevauchement clinique et moléculaire entre les syndromes de Temple et de Silver-Russell de manière objective et en particulier de mettre en évidence l’atteinte de l’expression d’IGF2 dans les deux syndromes. Ces résultats sont donc en faveur de proposer une prise en charge commune aux patients atteints de ces deux syndromes, tout en étant conscient de certaines de leurs spécificités. Les notions de MLID et d’)GN sont donc explorées ici de manière indépendante, mais ce sont deux processus qui peuvent contribuer au chevauchement phénotypique des différentes maladies liées à l’empreinte parentale. Ils renforcent ainsi les connaissances sur le réseau des gènes soumis à empreinte parentale. En effet, ces résultats sont concordants avec certains travaux effectués chez le porc qui ont mis en évidence une colocalisation d’Igf2 avec d’autres gènes soumis { empreinte, et principalement Dlk1 dans les hépatocytes (Lahbib-Mansais et al. 2016). De plus, ce travail a montré que les défauts d’expression des gènes soumis à empreinte observés dans les deux syndromes perturbaient de façon comparable l’expression de gènes non soumis { empreinte. Les mécanismes biologiques qui contrôlent cette régulation et leur dynamique seront essentiels { découvrir pour envisager d’éventuels avancées thérapeutiques chez les patients dont la pathologie implique la régulation de ces gènes. Une piste privilégiée { l’heure actuelle est l’implication des ARN non codants dans cette régulation. La difficulté d’étude de ces facteurs est la non spécificité des séquences (principalement pour les miR) qui rendent cependant l’étude et l’interprétation de leur expression complexe.

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