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L’essai de compression isotrope permet de déterminer le module élastique

d'incompressibilité isotrope Kd (dans le cas drainé), ainsi que le point de transition

entre les régimes de déformation élastique et plastique.

La préparation des échantillons consiste à tasser les grains dans la membrane, cette dernière étant au préalable équipée du capteur de déformation radiale, un extensomètre de type cantilever permettant de mesurer cette déformation dans deux directions orthogonales; pour les tests mécaniques sur les billes de verre, l’extensomètre était hors service, et la mesure de déformation radiale est donc manquante. Une fois la cellule montée, les pistons sont équipés des deux capteurs de déformation de type LVDT pour la mesure de la déformation axiale; pour le sable de la Durance, on a donc mesuré les deux déformations axiale et radiale.

Le champ de contraintes imposé est axisymétrique et défini par la contrainte axiale a,

la pression de confinement Pc et la pression de pore Pp. Ce chargement correspond à

un état de déformations défini par la déformation axiale a et la déformation radiale r.

Le point de transition de déformation élastique – plastique sera discuté dans le paragraphe suivant. Les résultats obtenus sont étudiés en termes de la contrainte moyenne effective de Terzaghi P' et de la contrainte déviatorique Q:

p c a P P P 3 2 '(1) c a P Q  (2)

auxquelles sont associées la déformation volumique v et la déformation déviatorique

Q:

r a v  

) ( 3 2 r a Q      (4)

Pour les billes de verre, la déformation radiale étant manquante, nous n’avons eu d’autre choix que de supposer une déformation isotrope dans échantillon au cours de

chargement hydrostatique et de poser r = a et v = 3a, Q=0.

a. Pression critique et modèle de Zhang et al.

La Figure 1 illustre le type de chemin de chargement hydrostatique appliqué pour les billes de verre et pour le sable de la Durance afin de déterminer les contraintes critiques. La vitesse de chargement imposée lors des chargements hydrostatiques est

de 0,1 MPa.min . -1

Figure 1: Chemins de chargement hydrostatique, vitesse de chargement : (a) pour les billes de verre, pression de pore P

1 . . min . 1 , 0 Pc MPa ap=1,0 MPa, (b)

et pour le sable de la Durance, pression de pore Pp=0,5 MPa.

La Figure 2 montre les résultats de compression isotrope et les conventions de détermination de la valeur de pression critique pour les billes de verre et pour le sable;

ces résultats sont également confronté aux prédictions du modèle de Zhang et al.,

Figure 2: (a) Courbe de compression isotrope en condition drainée pour deux

matériaux, contrainte effective initiale Pi (Pi=2 MPa pour les billes de verre; Pi=0,2

MPa pour le sable de la Durance), (b) Exemple de détermination du point de courbure maximal de la courbe de déformation volumique du sable de la Durance, (c)

Comparaison avec les résultats de Wong et al., 1997 et de Karner et al., 2005, (d)

Compressions isotropes de deux échantillons de sable de la Durance ayant des tailles de grain différentes.

Dans la Figure 2(a), on observe assez clairement la transition de régime de déformation élastique – plastique sur la courbe de déformation volumique des billes de verre. Dans la phase élastique, la déformation décroît de façon linéaire; au delà de la contrainte critique identifiée par l'initiation de la non-linéarité, on observe une très forte augmentation de la déformation. En utilisant comme critère de rupture l'initiation de la non-linéarité de la courbe de déformation volumique, on détermine comme

valeur de la pression critique P* = 29 MPa (ou P*-P =27,0 MPa, comme montré dans

la figure, où P =2 MPa est la pression effective initiale) pour les billes de verre.

i

i

On notera qu’en mécanique des roches, la pression critique P* à la rupture peut-être identifiée selon plusieurs critères (décrit dans la partie 1.2.c, Chapitre 1). A titre

par l'intersection entre la droite tangente à la réponse élastique (courbe de déformation linéaire) et celle représentative du comportement plastique du matériau.

En ce qui concerne le sable de la Durance, également Figure 2(a), il est nettement plus difficile d'identifier la pression critique car la zone de déformation linéaire est très réduite. Il faut donc utiliser un critère plus propice à ce type de comportement; afin

d’identifier une pression de transition de régime, on utilise la méthode de Mesri et

Vardhanabhuti 2009 (décrite dans la partie 1.2.c, Chapitre 1). La valeur de pression critique est assimilée au point de courbure maximale ou rayon minimum de courbure (Eq.(7), Chapitre 1). La Figure 2(b) illustre la détermination de P* = 9,8 MPa au point de courbure maximale, avec une incertitude de + /- 0,6 MPa liée au plateau de la courbure. On notera que lors des tests hydromécaniques avec mesure de perméabilité le chargement débutant à une pression de pore et à une pression de confinement plus

élevées (Pp = 0,5 MPa et Pc = 3 MPa), il est encore plus délicat d’identifier P* par le

critère classique.

On peut alors reporter les valeurs de P* déterminées pour les billes de verre et le sable de la Durance dans un graphique (P*, R) (produit de la porosité et du rayon moyen

des grains) afin de les comparer avec la courbe de Zhang et al., 1990 et les résultats de

Wong et al., 1997 et Karner et al., 2005 (voir Figure 2(c)). Dans cette figure, on constate que la valeur P* déterminée pour les billes de verre est en bon accord avec la

relation P* ~ (R)-3/2

. Il semble donc au premier abord qu'on puisse estimer la valeur de la pression de préconsolidation si l'on connait la taille des particules, la porosité du matériau, ainsi que certaines constantes propres à minéralogie du matériau. Cependant, en ce qui concerne le sable de la Durance, la prédiction du modèle est plus éloignée de la pression critique déterminée expérimentalement; la valeur prédite de 19 MPa est environ deux fois plus grande que la valeur mesurée. Cette différence s'explique par la nature grossière et anguleuse des grains de quartz du sable de la Durance, dont la

forme est très éloignée de celle considérée dans le modèle de Zhang et al., 1990

On notera que sur la base du modèle de Zhang, dans l’espoir d’augmenter la pression

de transition vers un niveau plus compatible avec la pression intermédiaire accessible avec la cellule, nous avons également réalisé des tests sur le sable de la Durance avec des tailles de grain plus petites. Une comparaison de l'influence de la taille des grains sur la déformation volumique est proposée dans la Figure 2(d); on constate alors une difficulté encore plus importante pour déterminer la pression critique, y compris avec le critère de courbure maximale. Nous ne sommes pas en mesure d'expliquer cet effet

de taille des particules pour le sable de la Durance et nous avons conservé une taille comparable à celle des billes de verre.

Selon Zhang et al., 1990(a, b) la pression critique P* correspondrait, à l'échelle

microcopique, à l’initiation de l’endommagement des particules par la propagation de microfissures préexistantes. Ce modèle est basé sur la théorie de contact de Hertz pour calculer le champ de contraintes intra-particulaire et sur la mécanique de propagation des fissures pour calculer la pression critique au moment où les fissures initiales commencent à se développer. Ce modèle a été testé et validé sur des billes de verre et

sur des grès poreux consolidés par Wong et al., 1997 et plus récemment sur un sable

de quartz ronds et grossiers par Karner et al., 2005. Pour le grès consolidé des Vosges

(Bleurswiller, porosité ~ 25%), Guéguen et Fortin 2005, ont de leur côté étudié le

comportement mécanique sous contrainte isotrope. Ils remarquent qu'à partir d'une valeur de pression P*, la réduction de volume est plus intense que dans la zone élastique, ce qui signifie que la microstructure commence à évoluer, réduisant très significativement la porosité. La pression P* correspond donc à une pression de début d'effondrement de la porosité associée à une fracturation intense des joints de grains et des grains eux-mêmes.

Mesri et Vardhanabhuti 2009 ont étudié des données de compression (essai de compression oedométrique) de plus d’une centaine de sables divers afin d'éclaircir les mécanismes de déformation à l'échelle des particules. Ils insistent sur les mécanismes (tels que le ‘serrage’) qui entraînent le blocage des particules pendant l'augmentation de la contrainte verticale et qui déterminent la relation entre l'indice des vides et la contrainte verticale effective. En plus des glissements et des rotation inter-particules, ils identifient trois niveaux d’endommagement des particules: le niveau I correspond à l’abrasion de leur surface, le niveau II traduit la rupture des aspérités de surface et le niveau III consiste en la fracturation des particules; ils déterminent alors trois types de comportement en compression ainsi que la limite d'écoulement lorsqu'il y a fracture et

séparation des particules. Le modèle de Zhang décrit uniquement le phénomène de

rupture des grains, et correspond donc au niveau III pour le sable naturel.

Pour mieux comprendre le comportement mécanique du sable de la Durance, on peut étudier la déformation du sable soit en échelle normale, soit en échelle semi-logarithmique (Figure 3).

Figure 3: Déformation volumique du sable de la Durance sous compression

hydrostatique représentée (a) en échelle normale et (b) en échelle semi-log.

Sur la Figure 3 (a), on constate: (1) il y a déjà une déformation significative du matériau sur le premier MPa qui peut rendre compte du réarrangement des grains dans échantillon accompagnant le tassement; (2) ensuite le matériau se déforme relativement linéairement jusqu'a la pression de ~8-10 MPa; (3) au delà on observe un changement de régime de déformation. La position du point minimum de rayon de courbure, mieux identifiable sur le graphique semi-log est comparable avec les

résultats de Mesri et Vardhanabhuti (Figure 7, Chapitre 1) sur le sable naturel.

b. Émissions acoustiques

Comme discuté précédemment, il est assez difficile d’estimer précisément la pression critique pour le sable de la Durance à partir des données mécaniques de contraintes- déformations. Il a été en effet nécessaire de définir un critère de courbure pour définir le P*. Avant d’utiliser ce critère pour l’ensemble des autres tests mécaniques, nous avons tenté de valider cette pression critique par un type de mesure servant à caractériser l’endommagement.

Nous avons donc réalisé un test de compression hydrostatique supplémentaire sur le dispositif expérimental triaxial du Laboratoire Géosciences et Environnement de l'Université de Cergy-Pontoise; contrairement au dispositif de l’IFPEN, ce dernier présente l'avantage de permettre l'enregistrement des émissions acoustiques (AE) pendant le chargement.

La procédure expérimentale suivie est aussi proche que possible que celle définie pour les tests hydrostatiques (K=1,0) réalisés à l'IFPEN, à exception que l’on a saturé

l'échantillon par de l'eau courante et que le taux de chargement est un peu plus

faible (0,06 MPa.min

a

.

-1

) du fait de la réponse plus lente des pompes.

Le transducteur piézo-électrique est placé à l'intérieur de la cellule triaxiale; il a été collé sur le piston métallique inférieur, le plus proche possible du contact avec l'échantillon. Il a été connecté au systéme Vallen AMSY-5 d'enregistrement d'émissions acoustiques afin d'analyser l'évolution de l'activité d'émissions acoustiques pendant le chargement hydrostatique.

Pour les roches consolidées à microstructure granulaire comme les grès, il a été souvent montré expérimentalement que lorsque la pression effective appliquée atteint la valeur de P*, les phénomènes de cataclase granulaire et d’effondrement de porosité

génèrent un accroissement d'émissions acoustiques (Zhang et al., 1990b ; Fortin et al.,

2009).

La Figure 4 montre les évolutions de la pression effective et de l’énergie d'émission acoustique en fonction du temps. Au cours de ce test sur le sable de la Durance, le nombre total des émissions acoustiques détectées a été très important; nous avons enregistré plus d’un million d'événements, ce qui est beaucoup plus élevé que ce que l’on observe habituellement dans des expériences similaires sur des roches siliclastiques consolidées (200.000 événements pour le grès de Vosges par exemple,

Fortin et al., 2009). « L'énergie » calculée par le système Vallen, correspond à l'amplitude du signal au carré (en Volts ) intégrée sur la durée du signal pour un événement (l'énergie libérée par seconde est donnée dans la

2

Figure 4 en V (microvolt ). Comme cela a été montré dans la

2

2

Figure 2(a), nous n'avons pas identifié

de transition nette sur la courbe de pression–déformation volumique pendant cette expérience (par conséquent cette courbe n'est pas présentée ici); par contre si on s’intéresse à présent à l'évolution temporelle de l'énergie acoustique libérée par seconde, on observe un point maximum sur la courbe (Figure 4(a)), et ce point correspond à une contrainte effective d'environ 10 MPa (reporté sur la courbe de chargement); cette pression qui signe le maximum d’énergie acoustique libérée pendant la compaction est très proche des 9,8 MPa estimés à partir du critère de courbure maximale. Ceci tend donc à valider le critère choisi pour estimer P* puisqu’il corrèle avec le maximum d’activité en émissions acoustiques.

Figure 4: (a) Pic d'énergie d'émissions acoustiques au cours de la compaction isotrope

du sable de la Durance, correspondant à une pression proche de 10 MPa, en accord avec le critère du rayon de courbure maximale, (b) représentation log-log de la fréquence d'énergie d’événements d’EA et pente de la partie linéaire dite "b-value", (c) évolution de la b-value au cours du chargement pour une fenêtre glissante de 104 événements.

On constate que ces émissions acoustiques mesurées sur le sable de la Durance sont très différentes de celles mesurées sur des roches consolidées comme les grès (Voir

Fortin et al., 2009). En effet, sur ce type de roche généralement, on observe communément une forte augmentation de l'activé AE à l’approche immédiate de la pression critique, mais aucune activité significative n’est vraiment mesurée avant P*. Au contraire, pour ce sable, nous avons observé que l’activité acoustique augmente de façon linéaire peu après le début du chargement (après 20 minutes, à une pression de confinement inférieure à 2 MPa). La raison de cette différence de comportement tient au fait que dans des matériaux non consolidés, les émissions acoustiques sont probablement associées non seulement à l’endommagement intragranulaire, mais également à de très nombreux événements de friction et de glissements au niveau des contacts de grains, alors que pour les roches consolidées, les émissions acoustiques

sont pour la plupart reliées à la fracturation des grains, les mécanismes de glissement étant limités par la cimentation inter-granulaire.

Les émissions acoustiques sont considérées comme des analogues à petite échelle de

l’activité sismique (Scholz 1968). Dans les expériences menées au laboratoire, les

distributions d'amplitude d’EA suivent généralement une relation similaire à la

fréquence de magnitude des tremblements de terre observés (Scholz 1968b, Main et

al., 1990). Ainsi, la relation normalement suivie est: logN( A)cb.logA, où N est le nombre d'événements d’EA avec une amplitude supérieure à A, c et b étant des constantes; b, la b-value prend ainsi son origine dans le domaine de la sismologie. Dans notre étude, nous utilisons l’énergie E des émissions acoustiques plutôt que l'amplitude maximale, sans correction due à la propagation géométrique et à l'atténuation intrinsèque. L'analyse de la distribution d'énergie conduit alors à l’équation suivante : E b d E N( ) .log log    (5)

où N est le nombre d'événements avec une énergie de signal supérieure à E et d et b sont des constantes; b est la pente (issue de la régression linéaire) dans la partie linéaire de la distribution en échelle logarithmique (Figure 4(b)).

Dans la Figure 4(c), l'évolution de la b-value pour le sable de la Durance est estimée à partir d’un très grand nombre d'événements enregistrés (plus de 1,7 millions événements). Une chute de la b-value d'environ 1,1 à 0,7 est nettement observée, suivie d'une augmentation en direction de la valeur initiale. Le minimum de la b-value

correspond approximativementà une pression de 61 MPa.

Ces fluctuations de la b-value ont été déjà observées par Main et al., 1990 dans les

roches consolidées comme les grès poreux et par Lockner et al., 1991 dans les granites

au cours des essais de compression. Ces auteurs ont interprété la baisse de la b-value comme un précurseur de la rupture et notre observation sur le sable de la Durance semble donc montrer un comportement similaire de la b-value.

Nous avons donc vérifié que la détermination de P* à partir du critère de courbure maximale est compatible avec un pic d'énergie libérée par les émissions acoustiques, et approximativement avec un minimum de la b-value (précurseur de l'écrasement des

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