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Charbonneau, J et N Tran (2012) « Les Haïtiens au Québec et le don de

2. RECUEIL DE LA PRODUCTION SCIENTIFIQUE

2.2.6. Charbonneau, J et N Tran (2012) « Les Haïtiens au Québec et le don de

Tran (dir.), Les enjeux du don de sang dans le monde. Entre altruisme et solidarités, universalisme et gestion des risques : 331-356. Rennes, Presses de l’E.H.E.S.P.

Le don de sang au Québec est un don volontaire, gratuit et anonyme, encadré par des règles définies pour protéger les personnes qui doivent subir une transfusion sanguine, ainsi que les donneurs. Au cours des décennies, les critères d’interdiction de donner se sont modifiés, au fil de la découverte de nouvelles maladies transmissibles par le sang. Au tournant des années 1980, durant l’affaire du sang contaminé, les autorités sanitaires canadiennes ont invité certains groupes à s’abstenir volontairement de donner du sang. Les homosexuels ont été les plus actifs pour dénoncer le fait qu’on ne voulait plus de leur sang. Ils le sont encore d’ailleurs. Mais ils n’étaient pas les seuls concernés. Parmi les « 4H » identifiés par les autorités sanitaires en 1983, on retrouvait les héroïnomanes, les hémophiles et les Haïtiens. Même s’ils étaient moins présents que les homosexuels sur la scène publique, les Haïtiens ont été profondément affectés par ces événements.

On sait maintenant qu’il est préférable d’utiliser le sang phénotypé qui provient de la même communauté que le donneur dans le cas de certaines maladies, tel que pour l’anémie falciforme qui affecte des populations spécifiques. L’anémie falciforme est une maladie génétique, héritée des deux parents porteurs du gène mutant, qui crée une malformation des globules rouges et cause plusieurs complications. Cette maladie requiert de fréquentes transfusions et il est préférable, d’un point de vue clinique, d’effectuer des transfusions avec un sang phénotypiquement semblable, afin de réduire les risques reliés à une allo-immunisation. La compatibilité entre phénotypes est souvent retrouvée dans une même communauté ethnique (Price et al., 2009). L’augmentation des dons de sang de la communauté noire serait la meilleure façon de trouver des donneurs compatibles avec les patients atteints d’anémie falciforme (Grossman et al., 2005). Cette maladie est en effet, en grande majorité présente chez les populations noires. On retrouve certaines personnes qui peuvent aussi en être affectées, mais en nombre très limité, dans les communautés méditerranéennes du Moyen-Orient (Bailey, 2000). Dans ces circonstances, les agences responsables de l’approvisionnement en sang, comme Héma- Québec, cherchent à convaincre les membres de certaines communautés, tels les Haïtiens, de donner du sang en plus grand nombre.

C’est en reprenant le fil de l’histoire des Haïtiens au Québec, que nous proposons de réinterpréter la question des pratiques de don de sang de la communauté haïtienne-québécoise. Pour atteindre cet objectif, nous utilisons une grande diversité de sources. Les données statistiques officielles et

celles issues d’enquêtes inédites permettront de faire le portrait de la population haïtienne au Québec, surtout installée dans la région de Montréal. Pour présenter l’histoire de la communauté haïtienne et de ses associations, nous utilisons les travaux des historiens qui s’y sont intéressés ainsi que ceux des sociologues et anthropologues, qui ont été nombreux, depuis les années 1980, à réaliser des enquêtes auprès des Haïtiens de Montréal et en particulier des plus jeunes, ceux qui sont nés ici, de parents immigrants ou qui sont arrivés au pays en bas âge.

Quatre sources alimenteront la présentation du rapport des Haïtiens au don de sang : 1) la documentation produite dans le cadre de la Commission d’enquête sur l’approvisionnement en sang au Canada (Commission Krever) et, en particulier, les témoignages de trois représentants haïtiens devant cette Commission; 2) les données d’une enquête qualitative réalisée en 2009-2010 sur le rapport des communautés ethnoculturelles à Montréal au don de sang, qui a permis, entre autres, de rencontrer sept informateurs de la communauté haïtienne (donneurs et représentants associatifs); 3) les conclusions d’un rapport d’audit commandé par Héma-Québec en 2009 et 4) des données statistiques fournies par Héma-Québec sur le don de sang et les communautés noires, à partir de la base de données sur les donneurs de sang (Progesa) et d’autres données recueillies lors des collectes de sang. C’est à partir de l’ensemble de ces sources que nous engagerons, en conclusion, notre réflexion sur les espoirs et les difficultés du recrutement de donneurs de sang au sein de la communauté haïtienne au Québec.

La population haïtienne du Québec

Lors du recensement de 2006, 91 435 personnes se sont déclarées d’origine ethnique haïtienne (Gouvernement du Québec, 2010). Elles représentent 52,5 % de la population noire au Québec. Il y a plus de femmes que d’hommes parmi ce groupe et sa structure d’âge est plus jeune que celle de l’ensemble de la population québécoise. La très grande majorité des personnes d’origine haïtienne résident dans la région métropolitaine de Montréal. Plus des deux tiers habitent l’île de Montréal, principalement dans le nord et l’est de l’Île (voir Tableau 1). En comparaison, les Noirs anglophones caribéens habitent plutôt l’ouest de Montréal.

Tableau 1 - Caractéristiques de la population d’origine haïtienne au Québec en 2006 Population haïtienne au Québec Moyenne québécoise (%) (%) Genre Hommes 46,0 Femmes 54,0 Structure d’âge Moins de 15 ans 27,4 16,8 De 15 à 24 ans 17,3 12,7

25 à 54 ans 40,6 43,9 Plus de 55 ans 14,7 26,6 Répartition géographique RMR Montréal 93,8 Montréal 67,1 Laval 13,4 Montérégie 9,5 Villeray/St-Michel/ParcExt. 19,9 Montréal-Nord 19,4 Riv.desPrairies/P.auxTrembles 16,0

Source : Gouvernement du Québec, MICC (2010), « Portrait statistique de la population d’origine haïtienne au Québec ».

La taille de la population d’origine haïtienne offre déjà un indice indiquant qu’elle forme une communauté avec laquelle il faut compter dans le portrait social diversifié de Montréal. Dans le champ des études ethniques, les auteurs s’entendent pour dire qu’une communauté se définit en référence à un double mouvement, de l’interne et par l’externe : de l’interne, à l’aide de différents marqueurs auxquels vont se référer les membres potentiels de cette communauté et par l’externe, par le regard extérieur des autres communautés, du groupe majoritaire, quand cette communauté est aussi une minorité dans la société de référence, et par les institutions de celle-ci. Cette approche dite « constructiviste » (Juteau, 1999; Labelle, 1994; Martiniello, 1995; Poutignat et Streiff-Fenart, 1995), héritée de Weber (1971 [1921-1922]), rappelle que ces différents éléments invoqués pour définir la frontière entre « eux et nous » (Barth, 1969), peuvent changer avec le temps et que la frontière elle-même peut se déplacer et être plus ou moins étanche. Qu’apprend-on de l’histoire de l’immigration haïtienne au Québec et de ses rapports avec la majorité blanche québécoise et ses institutions, ainsi qu’avec les autres communautés noires, qui peut nous aider à définir les contours de cette communauté et à interpréter son rapport à la question du don de sang?

Trois vagues d’immigration

D'après les statistiques officielles, il y avait 5 225 membres des communautés noires au Québec en 1971 (Dejean, 1978). En 2006, les Noirs forment la minorité visible la plus nombreuse : 188 100 personnes ont déclaré y appartenir (Statistique Canada, 2008). La population immigrée en provenance d’Haïti est arrivée en trois vagues d’immigration (Icart, 2006; Labelle et al., 2001). En 1968, Haïti ne faisait pas partie des quinze principaux pays d'immigration au Québec (Dejean, 1978); ce pays passait au 1e rang au milieu des années 1970, devant la France, les États-Unis et le Liban. En 2010, Haïti se situait au 4e rang des pays d’immigration au Québec, en hausse par rapport aux dernières années (ISQ, 2011). Dans le Tableau 2, nous présentons les dynamiques de l’immigration de cette population au Québec.

Tableau 2 - Dynamiques de l’immigration de la population d’origine haïtienne au Québec Période d’immigration (%) Avant 1981 30,2 1981 à 1990 25,6 1991 à 2000 28,8 2001 à 2006 15,3

Rang, parmi les principaux pays d’immigration (Rang)

1969 10e

Années 1970 1e

2006-2010 6e

2010 4e

Sources : Dejean, 1978; Institut de la statistique du Québec, 2011.

Les pionniers arrivèrent dans les années 1940 et 1950 à la faveur d’études universitaires et de mariages avec des Québécois. Une vingtaine de familles haïtiennes étaient présentes au Québec à la fin des années 1950. Cette élite haïtienne était considérée plus cultivée que l’élite québécoise. On disait même qu’elle parlait mieux le français (Icart, 2006).

1e vague : l’exil de l’élite

Haïti devient le premier pays d’immigration au Québec à la suite de deux événements : le décollage économique du Québec et la dictature de Duvalier père, qui s’abattait sur Haïti à partir de 1957, poussant à l’exil des milliers de professionnels. Au Québec, on cherchait des professionnels pour le nouvel appareil public issu de la Révolution tranquille (Leblanc, 1991). C'est par centaines qu'arrivèrent médecins, infirmières, enseignants, techniciens et autres spécialistes formés en Haïti. Ils étaient francophones, catholiques, éduqués et détenaient les expertises recherchées. Ces immigrants étaient issus de l’élite intellectuelle (Ledoyen, 1992; gouvernement du Québec, 2005). Tant que l’appareil public a pu accueillir cette nouvelle main-d’œuvre, les immigrants haïtiens ont eu de la facilité à s’intégrer à la société québécoise. Avec les difficultés économiques qui pointeront bientôt à l’horizon, l’absence d’entrepreneurs et de réseaux d’entraide économique au sein de la communauté affaiblira sa capacité à venir en aide aux immigrants de la 2e vague, qui présentent des caractéristiques socioéconomiques distinctes (gouvernement du Québec, 2005).

2e vague : une nouvelle répression en Haïti

Jusqu’au début des années 1970, il était très facile d’obtenir un visa de résidence. Entre 1967 et 1972, le nombre de visiteurs ayant demandé la résidence sans avoir à quitter le Canada était très élevé. Plusieurs fraudeurs en auraient profité (Dejean, 1978). En novembre 1972, le gouvernement canadien interdit aux visiteurs de postuler pour le statut d'immigrant à partir du Canada, tout en

préservant un droit d'appeler de la décision d'expulsion et de rester au Canada jusqu'à l’audition. Mais le 15 août 1973, la loi C-197 supprime ce droit d'appel. Près de 1500 Haïtiens travailleurs non professionnels, arrivés à Montréal entre novembre 1972 et août 1973 faisaient face à l'expulsion. 55 % d’entre eux obtiendront finalement leur visa de résidence (Dejean, 1978; Morin, 1993). Si Icart souligne la très grande solidarité des Québécois dans cette épreuve, il affirme que cela « a aussi marqué le point culminant de la rupture de la belle unanimité qui avait régné entre les Haïtiens du Québec et leurs représentants, interlocuteurs officiels du gouvernement canadien. » (2006 : p. 51).

Pourtant, durant la même période, de nouveaux événements en Haïti provoquent une seconde vague d’immigration vers le Québec. En 1971, Jean-Claude Duvalier remplace son père et la répression frappe, non plus les seuls intellectuels, mais aussi les paysans et ouvriers (Leblanc, 1991; Labelle et al., 2001). Le Québec a alors besoin de main-d'œuvre non spécialisée pour remplacer les travailleurs d’origine grecque et italienne qui délaissent le secteur du textile. Les ouvriers haïtiens prendront la relève; ils arrivent par milliers (en moyenne, 2 000 par année durant les années 70). Ces immigrants, plus jeunes que ceux de la vague d’immigration précédente, sont faiblement scolarisés et moins qualifiés et ils trouvent surtout des emplois exigeants et mal payés. Ils arrivent dans un contexte de ralentissement de l’économie canadienne, en 1974, qui sera suivi par une récession, en 1981. À leur arrivée, ces immigrants parlent majoritairement le créole et non le français.

En 1976, le gouvernement du Canada adopte la Loi sur l’immigration C-24. Le nombre de personnes à admettre était maintenant fixé annuellement et chaque catégorie d’admission devait dorénavant faire l’objet d’une planification en fonction des besoins conjoncturels du marché de l’emploi. À une approche favorable à l’immigration francophone, succède une approche restrictive dans le contexte de la crise économique (Labelle et al., 1983).

3e vague : la réunification familiale

Durant les années 1980, ce sont les parents venus rejoindre la famille à Montréal et un certain nombre de réfugiés qui migrent d’Haïti. Ces nouveaux arrivants, environ 2 000 en 1989 et 1990, s’insèrent dans une communauté haïtienne bien structurée, particulièrement dans les quartiers du nord-est de Montréal (Saint-Michel et Rivière-des-Prairies, Montréal-Nord, Saint-Léonard et Anjou) (Leblanc, 1991).

Comme le suggèrent Portes et Zhou (1993), l’intégration des immigrants est conditionnée par trois séries de facteurs : les politiques gouvernementales qui leur sont spécifiquement adressées, la qualité de l’accueil par la société civile et les dynamiques propres à chacune des communautés. Nous venons de constater l’importance de facteurs structurels, tels que les politiques d’immigration et la conjoncture économique dans la transformation du rapport entre la communauté haïtienne et la société québécoise. Nous verrons maintenant que l’identité haïtienne-québécoise s’est elle-même définie, à l’interne, à travers des marqueurs spécifiques.

De la population d’origine haïtienne à la communauté haïtienne

Icart (2006) parle de la « face lumineuse » de la présence haïtienne au Québec en montrant que, grâce au savoir-faire et aux compétences des immigrants haïtiens, le Québec, est devenu, dès 1980, l’un des principaux pôles de production scientifique et littéraire de toute la diaspora haïtienne. La moitié des immigrants arrivés au tournant des années 1970 se sont destinés à l’enseignement et plusieurs médecins haïtiens se sont illustrés dans leur domaine. La culture crée un point de rapprochement entre Haïtiens et Québécois. Les Haïtiens, en particulier ceux de la première vague d’immigration, parlent le français. Ils partagent donc la langue de la majorité. Le français s’avère en fait la langue maternelle de plus de la moitié des membres de la communauté haïtienne et c’est la langue la plus souvent parlée à la maison et au travail (gouvernement du Québec, 2010).

Pour les plus anciennes cohortes d’immigrants, le partage d’une foi chrétienne bien vivante a aussi contribué à créer des liens avec la majorité. De plus, selon Morin (1993), beaucoup d’Haïtiens ont spontanément adhéré au Parti québécois et voté oui au référendum sur l’indépendance du Québec. Selon cet auteur, cette « idylle entre révoltés francophones » (p. 154) explique que les Haïtiens aient été fascinés par le projet nationaliste (voir aussi Williams, 1998). Ils se seraient d’ailleurs « sentis concernés positivement par le vote de la loi 101 » (p. 155) qui fera du français la langue officielle du Québec et restreindra les droits des communautés anglophones.

Selon Ledoyen (1992) l’appartenance culturelle des Haïtiens demeure centrée sur le groupe national d’origine, sur Haïti. Les Haïtiens se définissent davantage en référence à leur pays d’origine, ou le pays de leurs ancêtres, qu’au sein d’une grande communauté noire, bien que des différences importantes soient observées d’une génération à l’autre. Selon Labelle et al. (2001), Haïti demeure un lieu symbolique central dans la pensée des Haïtiens et les réseaux familiaux demeurent actifs. 96 % des membres de la communauté haïtienne-québécoise déclarent cependant appartenir à la communauté noire (gouvernement du Québec, MICC, 2010), mais les divisions historiques et culturelles ont toujours été présentes entre Noirs francophones et anglophones, qui ne vivent pas dans les mêmes quartiers. Selon Labelle et al. (2001), la langue a été un des plus importants obstacles à l’établissement de liens forts au sein d’une même communauté. L’adoption de la loi 101 a été très mal reçue chez les Noirs anglophones. À l’inverse, seuls les Haïtiens ont été directement ciblés lors de l’affaire du sang contaminé. Selon Labelle, la promotion d’une « identité noire », chère à la communauté noire anglophone n’a jamais fait l’unanimité au sein de la communauté haïtienne. Les Caribéens anglophones sont davantage liés aux communautés des États-Unis et ils réfèrent plus systématiquement au même discours de racisme et de discrimination.

La communauté haïtienne possède ses propres associations depuis le début des années 1970. Selon Potvin (1997), jusqu’au départ de Duvalier en 1986, la communauté haïtienne-québécoise vivait dans l’espoir du retour en Haïti; les activités des associations visaient à soutenir les familles restées au pays. Leurs leaders, issus de la première vague d’immigration et de la petite bourgeoisie haïtienne étaient, jusqu’alors, peu sensibilisés aux problèmes d’insertion économique des Haïtiens au Québec. Tous les auteurs consultés rappellent l’importance des divisions de classes sociales au

sein de la communauté haïtienne. Selon Potvin, cette division classiste sépare les vagues d’immigration, voire les générations d’Haïtiens-Québécois.

Au milieu des années 1980, les responsables communautaires prennent acte des difficultés grandissantes d’intégration des jeunes haïtiens au Québec. « Ils vont réaliser l’écart qui les sépare, notamment sur l’importance que prend le racisme dans l’expérience des jeunes » (Potvin, 1997: p. 87-88). Ceci explique le virage des associations, au début des 1990, vers des activités qui visent à régler les problèmes d’accueil des nouveaux immigrants et des problèmes d’insertion, de discrimination et de racisme auxquels font face les jeunes. Dans les années 1990, on notait la présence d’une cinquantaine d’associations haïtiennes au Québec (Labelle et al., 2001). C’est à travers ces associations que se nouent ponctuellement des liens avec des organisations anglophones montréalaises ou canadiennes autour d’enjeux qui affectent toutes les communautés noires. Quels sont donc ces enjeux?

La communauté haïtienne : après trois vagues d’immigration et quelques générations…

Selon la proposition de Portes et Zhou (1993), la qualité de l’accueil par la société civile est le troisième facteur à prendre en compte pour juger des succès et des difficultés des immigrants. Celle-ci peut se mesurer en référence aux diverses modalités de l’insertion en emploi. On sait, par exemple, que les taux d’activité et d’emploi de la population haïtienne sont supérieurs à la moyenne. Le taux de chômage de la population haïtienne est cependant plus élevé et son revenu moyen est inférieur à la moyenne.

Il est, par ailleurs, important de rappeler que si, en 2006, 70 % des personnes de 15 ans et plus qui ont déclaré une origine haïtienne étaient nées à l’extérieur du Québec, déjà, 26,4 % faisaient partie de la 2e génération, née au Québec (gouvernement du Québec, 2010)5. Rappelons, que parmi les Haïtiens de la 2e vague d’immigration, on comptait aussi une forte proportion de jeunes. Avant l’emploi, le premier milieu d’accueil est d’ailleurs celui de l’école. Diverses enquêtes ont été réalisées auprès de membres de la communauté haïtienne, des années 1980 jusqu’aux années 20006. Elles se sont intéressées au cheminement scolaire des jeunes haïtiens et à leurs rapports avec les autres groupes à l’école, puis à leur insertion en emploi.

En 1989, Tchoryk-Pelletier publie les résultats d’une enquête réalisée au Cégep7 St-Laurent sur les difficultés d’adaptation des cégépiens des minorités ethnoculturelles8. Les résultats montrent que

5Il n’est pas toujours facile de s’y retrouver dans les enquêtes. Plusieurs décrivent la situation des jeunes nés au Québec, de parents qui ont immigré d’Haïti. Mais était-ce des parents de la 1e ou de la 2e vague? Cela peut faire la différence, dans une communauté où les distinctions entre les classes sociales sont si importantes. Dans d’autres cas, on parle bien des Haïtiens de la 2e vague, arrivés très jeunes au pays.

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Labelle et al. (1993 et 2001); Laperrière (1998); Ledoyen (1992); McAndrew et al. (2006) (2008) et (2009); Morin (1993); Potvin (1997); Tchoryk-Pelletier (1989).

7Les cégeps (collèges d’enseignement général et professionnel) ont vu le jour au Québec durant la Révolution tranquille, dans le cadre du renouvellement du système d’enseignement (Rapport Parent, 1963). Évoluent ainsi, dans un même établissement, des jeunes en formation technique (parcours de trois ans destinant au marché du travail) et en formation préuniversitaire (deux ans préparatoires à l’université, non terminal en principe).

8 Des données sont recueillies sur l’ensemble des collégiens haïtiens (196/3551), en plus d’un sondage réalisé auprès de 99 d’entre eux (sur 513 participants au sondage). Les trois quarts des Haïtiens du Cégep St-Laurent sont au Québec depuis plus de 5 ans, mais presque tous sont nés en Haïti.

les élèves haïtiens ont le taux d’échec le plus élevé, tant par rapport aux autres minorités, que par rapport à la majorité. Ils ont le rendement le plus faible, dès le premier trimestre, ce qui fait dire à l’auteur : « les difficultés scolaires que vivent les élèves haïtiens aux niveaux primaires et secondaires […] semblent se perpétuer, d’une certaine façon, au niveau collégial » (p. 60). En 1992, Ledoyen confirme ces résultats9. Le taux d’abandon des cégépiens haïtiens est deux fois plus élevé (32 %) que dans le groupe de référence (17 %). Dans l’enquête de Ledoyen, 96 % des jeunes Haïtiens interrogés sont nés en Haïti et 89 % ont déclaré le créole comme leur langue maternelle. Ce point n’est pas anodin. Dans un document publié en 2005, le Gouvernement du Québec reconnaît que :

« […] le système scolaire a mis un certain temps à réaliser que la majorité de jeunes Haïtiens entrés au Québec dans les années 1970 n’étaient pas francophones, comme ceux de la première vague d’immigrants haïtiens, mais créolophones et qu’ils avaient besoin de classes d’accueil et d’autres services de francisation. » (p. 5)

Selon Laperrière (1992), les adolescents haïtiens font alors le constat d’une exclusion grandissante

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