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Jardin partagé et lien social

Comme cela a déjà été souligné dans le chapitre précédent, le « lien social » est très largement évoqué dans les réponses à l’enquête exploratoire par questionnaire à propos des objectifs des jardins partagés402. Il est cité spontanément par plus d’un

tiers des répondant.e.s en réponse à la question « quel.s est.sont l'.les objectif.s du jardin partagé ? » Les entretiens et discussions informelles avec les jardinier.e.s ainsi que l’observation de plusieurs situations de présentation des jardins par leurs membres corroborent ce résultat. La « création de lien social », « positivement marquée dans l’air du temps »403 apparaît comme une visée revendiquée de

l’activité de jardinage urbain partagé. Cette redondance entre en adéquation avec l’omniprésence du lien social dans les discours sur la ville. Les médias, le personnel politique, mais aussi les professionnel.le.s de la planification urbaine évoquent très régulièrement cette notion qui, utilisée aussi dans la recherche en sciences humaines, bénéficie d’une aura de scientificité lui permettant de promouvoir des idéaux de cohésion et de solidarité sans susciter d’ironie ou de scepticisme404. Une

recherche menée par Philippe Genestier dans la base de données du Centre National de la Recherche Scientifique montre que 342 articles écrits les vingt dernières années contiennent l’expression « lien social » dans leur titre405. Ce même

chercheur souligne également que pour une simple recherche en librairie apparaissent presque une centaine d’ouvrages récents qui comportent l’expression dans leur titre406. L’analyse des prises de parole gouvernementale depuis les années

1990 fait aussi émerger la même tendance407.

Cette notion se voit donc mobilisée dans des registres et par des interlocuteur.rice.s différent.e.s, ce qui la rend d'autant plus délicate à employer qu'elle constitue une

402 Il s’agit même souvent de l’entière expression « création de lien social ».

403 GENESTIER Philippe, « L’expression « lien social » : un syntagme omniprésent, révélateur

d’une évolution paradigmatique », in., Espaces et Sociétés n°126 Les lieux des liens sociaux, Paris, Érès, 2006, p. 27.

404 Ibid., p. 28. 405 Ibid., p. 20. 406 Ibid., p. 20. 407 Ibid., p. 21.

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catégorie à la fois scientifique et indigène, utilisée par les sociologues et par les enquêté.e.s du fait de sa forte présence dans les discours publics. De plus, bien que largement cité, le lien social n'est pas pour autant défini. Si Pierre-Yves Cusset y voit « l’ensemble des relations personnelles, des normes des valeurs et des règles communes qui relient les individus »408, selon les interlocuteur.rice.s, le lien social

peut recouvrir des modes de relations très différents. Il convient donc, avant d'aller plus loin, d’expliciter d'une part ce que recouvre le lien social et d'autre part la façon dont il s'articule avec les représentations associées aux jardins partagés. En effet, la récurrence du terme « lien social » dans les discours municipaux, associatifs et médiatiques à propos des jardins partagés a contribué à mon intérêt pour ces jardins en début de thèse, me semblant révélatrice d'un processus social à approfondir. J'ai par la suite découvert que les jardinier.e.s eux.elles-mêmes sont très nombreux.ses à employer cette catégorie de « lien social » et à la citer comme objectif du dispositif jardin partagé. Ce chapitre intermédiaire s'intéressera dans un premier temps au lien social du point de vue des sociologues. Il s'agira de présenter différentes approches théoriques du lien social, depuis les recherches d'Émile Durkheim jusqu'aux sociologues contemporain.e.s. Les divers positionnements évoqués, sans être exhaustifs, permettront de focaliser l'attention sur plusieurs aspects de cette notion409. Dans un deuxième temps, le lien social sera approché à travers les

discours des enquêté.e.s jardinier.e.s qui le mobilisent largement. L'objectif de ce chapitre intermédiaire est donc de parvenir à confronter les catégories scientifique et indigène du lien social afin d'aboutir à des éléments de définition fixés pour la suite du travail.

Plan du chapitre

i1. A. Perspectives sociologiques de la notion de lien social

i1. B. Mise en scène d’une image de marque des jardins : discours du lien social

408 CUSSET Pierre-Yves, 2006, op. cit., p. 21.

409 Afin de respecter la pensée des auteurs cités, le vocabulaire de chacun sera utilisé. Néanmoins,

pour la suite de ce travail, je privilégierai le terme d'acteur.rice qui s'accorde avec mon propre positionnement théorique.

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i1. A. Perspectives sociologiques de la notion de lien social410

i1. A. 1. Premières approches : deux manières de « faire société »

« Des individus sont liés les uns aux autres qui, sans cela, seraient indépendants ; au lieu de se développer séparément, ils concertent leurs efforts; ils sont solidaires et d’une solidarité qui n’agit pas seulement dans les courts instants où les services s’échangent, mais qui s’étend bien au-delà. » 411

Les prémices de la sociologie centrent les interrogations autour du « faire société ». L’utilisation de l’expression « lien social » n’est alors pas aussi généralisée qu’aujourd’hui. Les questionnements convergent néanmoins : il s’agit de comprendre, devant les mutations de la modernité - et en particulier, les conséquences de la révolution industrielle - qui autonomisent l’individu412,

comment celui-ci peut continuer à se sentir membre d'une société cohérente et solidaire. Les philosophes des Lumières avaient déjà posé les prémisses de cette réflexion, s’appuyant sur une forme de contrat passé entre la société et l’individu, lequel se devrait de restituer une partie de ce qu’il aurait reçu du collectif tout en restant aussi libre qu’auparavant413. La sociologie naissante s’attache à définir la

société par le type de solidarité qui règne entre ses membres.

Ainsi, à la fin du XIXèmesiècle, Émile Durkheim s’interroge sur le fait que « tout

en devenant plus autonome, l'individu dépende plus étroitement de la société »414.

Faisant sienne la question de la solidarité, il distingue les sociétés à solidarité mécanique de celles à solidarité organique apparues avec la modernité. La solidarité mécanique se construit sur un vif sentiment d’appartenance et sur l’adhésion de tous ses membres à une conscience collective forte reposant sur des valeurs partagées. Les individus, peu différenciés, évoluent ainsi en parfaite cohésion. À l’inverse, la

410 Une part importante des notions mobilisées dans ce chapitre intermédiaire est issue du séminaire

de Serge Paugam Formes inégales de l’intégration suivi à l’EHESS de novembre 2012 à mars 2013.

411 DURKHEIM Émile, De la division du travail social, Paris, Alcan, 1893, p. 63.

412 Bien que j’utilise le terme d’acteur.rice, j’emploierai dans cette partie le même lexique que les

auteurs mobilisés afin de ne pas trahir leurs pensées.

413 Voir notamment ROUSSEAU Jean-Jacques, Du contrat social, Paris, Flammarion, 2001, p. 57. 414 DURKHEIM, Émile, De la division du travail social, Paris, Presses Universitaires de France,

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solidarité organique est constituée d’individus fonctionnant en complémentarité, à la manière des organes du corps humain. Cette complémentarité est une conséquence de la division du travail social, qui intervient lorsque le groupe s’agrandit : à la densité morphologique s’ajoute la densité morale et la cohabitation d’individus peu différenciés devient impossible. Il leur est donc indispensable de se spécialiser. Ces individus modernes, plus mobiles, plus intelligents, tendent à s’émanciper de l’emprise du groupe, et à amoindrir la solidité des liens qui les y lient. Ces liens perdurent malgré tout car la diversification rend les individus membres d’un système au sein duquel ils sont complémentaires et donc interdépendants. Émile Durkheim illustre également la différenciation des sociétés à solidarité mécanique et organique par le domaine du droit, la réponse à une transgression entraînant des réponses différentes selon le type de solidarité. Dans les sociétés à solidarité mécanique, la transgression d’une règle entraîne l’exercice d’un droit répressif, qui vise à punir l’individu déviant, « criminel parce qu'il froisse la conscience commune »415 afin de rétablir les normes du groupe416. Les sociétés

à solidarité organique, quant à elles, sanctionnent la transgression par l’exercice d’un droit restitutif, qui corrige la déviance et favorise la réintégration du déviant dans le système social417.

L'approche de la société par la différenciation en deux modèles de solidarité apparaît aussi chez Ferdinand Tönnies qui l'exprime par l'opposition entre la communauté (Gemeinschaft) et la société (Gesellschaft). L’idée de communauté implique un fonctionnement proche de la solidarité mécanique d’Émile Durkheim, ses membres sont peu différenciés et leurs consciences agrégées ensemble. La communauté se développe à partir du cercle familial418 et répond à une forme de

volonté que Ferdinand Tönnies décrit comme organique, basée sur les habitudes et la mémoire419. Le travail se fait en commun420à l’exclusion de toute dimension de

415 Ibid., p. 48. 416 Ibid., p. 53.. 417 Ibid., p. 83.

418 TÖNNIES Ferdinand, Communauté et société. Catégories fondamentales de la sociologie pure,

Paris, Presses Universitaires de France, 2010 (1887), p. 11.

419 Ibid., p. 13. 420 Ibid., p. 15.

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propriété individuelle421. La société, en revanche, repose sur des liens plus faibles

et éphémères, essentiellement motivés par l’intérêt422. Les rapports entre individus

y sont de l’ordre du contrat et mus par une volonté réfléchie, rationnelle. Ferdinand Tönnies, comme Émile Durkheim, ne considère pas le rapport entre les deux types de sociétés décrits comme une succession nécessairement historique. Les deux modèles de communauté et de société peuvent être amenés à coexister. Leurs différences sont imputables avant tout à une évolution morphologique : selon l’auteur, un groupe grandissant a tendance à spécialiser ses membres et à transformer les liens qui les unissent afin d’en permettre la subsistance.

La représentation dichotomique du « faire société » se retrouve à nouveau chez Max Weber pour qui elle se partage entre la communalisation et la sociation. La communalisation repose sur un sentiment d’appartenance profondément subjectif qui, avec le développement de la civilisation, tend à s'amoindrir, laissant place à un autre type de relationnel, motivé rationnellement, la sociation :

« Au fur et à mesure que se multiplient les possibilités offertes par la vie, l'individu supporte de plus en plus difficilement d'être lié aux formes de vie strictes et indifférenciées que la communauté prescrit et il désire de plus en plus faire sa vie individuellement et jouir à son gré des profits que lui permettent ses capacités propres »423.

Les motivations de l'action et des relations humaines aboutissent chez Max Weber à une typologie de l'action. Celle-ci se répartit en quatre types idéaux : le type traditionnel (l’action suit la tradition), le type affectuel (l’action est déterminée par le lien affectif à autrui), le type rationnel en valeur (l’action permet à l’acteur d’être en cohérence avec ses valeurs), et le type rationnel en finalité (l’action vise un but spécifique avantageux pour l’acteur). Les deux premiers types, traditionnel et affectuel, sont liés à la communalisation, basée sur la volonté organique, un fort sentiment d’appartenance, un esprit communautaire424. En revanche, les deux types

rationnels, en valeur et en finalité, dénotent une volonté réfléchie, qui s’affranchit

421 Ibid., p. 27. 422 Ibid., p. 45.

423 WEBER Max, Économie et société, Paris, Pocket, 1995 (1921), p. 109. 424 Ibid., p. 79.

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de l’esprit du groupe425. Ils sont associés à la sociation. Max Weber, tout comme

Ferdinand Tönnies et Émile Durkheim, tend ainsi à expliciter ce qui unit les hommes – ce que l’on peut considérer comme lien social en tant qu’ensemble des relations entre les membres d’une société ainsi que les normes qui font cette société – selon deux modèles différenciés, reposant sur des formes de solidarité opposées. La taille du groupe social serait significative dans l’explication du modèle de fonctionnement d’une société : un groupe plus large étant associé, chez les trois auteurs, à une spécialisation et à une individualité plus forte. Chez d'autres auteurs, cette spécialisation croissante réside dans la multiplication des appartenances, il ne s'agit pas alors de lien social mais de liens sociaux.

i1. A. 2. Du lien social aux liens sociaux : la multi-appartenance

« Quatre types de liens sont complémentaires et entrecroisés. Ils constituent le tissu social qui enveloppe l'individu. Lorsque ce dernier décline son identité, il peut faire référence aussi bien à sa nationalité (lien de citoyenneté), à sa profession (lien de participation organique), à ses groupes d'appartenance (lien de participation élective), à ses origines familiales (lien de filiation) »426

Pour Georg Simmel, le fait de « faire société » est déterminé par ce qu’il désigne comme l’action réciproque des individus. Étudiant les formes d’action réciproque427, qu’elle soit durable ou éphémère, complexe ou élémentaire, il conclut

qu’elle est fonction de la taille du groupe. Ici encore, la morphologie sociale détermine le type d'interactions en place. Comme les auteurs présentés ci-dessus, Georg Simmel considère que plus un groupe est grand, plus il est nécessaire que ses membres mettent en place des règles afin de maintenir la cohésion. La vie moderne, et en particulier les processus d’urbanisation et d’industrialisation, ont pour Georg Simmel transformé des modes de relations précédemment basés sur une proximité

425 Ibid., p. 78.

426 Entretien avec Serge Paugam, ENS Lyon, http://ses.ens-lyon.fr/le-lien-social-entretien-avec-

serge-paugam-158136.kjsp (consulté le 30/07/2015).

427 LETONTURIER Éric, « Sociologie des réseaux sociaux et psychologie sociale : Tarde, Simmel

et Élias » in., Hermès, la revue n°41 Psychologie sociale et communication, Paris, CNRS Éditions, 2005, p. 44. Voir aussi SIMMEL Georg, Sociologie, Paris, Presses Universitaires de France, 1999 (1908), p. 414.

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géographique. L’appartenance à une communauté n’est alors plus la résultante d’une assignation (communauté héritée) mais d’une démarche de l’individu visant à servir ses intérêts (communauté acquise). La modernité a donc participé à reconfigurer les liens sociaux. Si cette perspective est proche de celles décrites par Émile Durkheim, Ferdinand Tönnies et Max Weber, l’originalité de Georg Simmel réside dans son approche par les cercles sociaux – c’est-à-dire les groupes d’appartenance distincts - dont l’imbrication conditionne la société, mais détermine aussi ce qui fait un individu. Dans une communauté traditionnelle, tout comme chez un individu jeune et non émancipé, les cercles sociaux sont plutôt resserrés. Déterminés par la proximité géographique, ils tendent à se superposer, dénotant un faible degré d’autonomie. En revanche, une communauté dite « d’intérêts » se définit par une diversification des cercles sociaux qui la composent. Plus vastes, les cercles sont affranchis de leur inscription géographique, et peuvent se croiser sans se superposer chez un même individu, qui sera ainsi défini par l’entrecroisement unique de ses appartenances428. L’individu urbain, en particulier, est amené, selon

Georg Simmel, à faire partie d’un grand nombre de cercles sociaux distincts. Il peut ainsi satisfaire les mêmes besoins que dans une communauté traditionnelle, selon des modalités différentes engendrées par la pluralité de ses appartenances.

Norbert Élias s’intéresse, tout comme Georg Simmel, à la multiplicité des appartenances constituant les individus. Il substitue à la représentation des différents cercles sociaux l’image du filet qui induit une définition différente du lien social. Le filet figure l’entrecroisement des relations humaines, il est la somme de tous les rapports sociaux attachés entre eux. Chaque modification du filet impacte chacun des fils. Réciproquement, la transformation d’un seul fil a des répercussions sur l’ensemble du filet. Ainsi, si chacun des liens entre un individu et les autres est unique, il peut potentiellement avoir des conséquences sur l’ensemble du réseau au sein duquel est inscrit cet individu. De même, un bouleversement de ce réseau modifiera chacune des relations entre l’individu et les autres membres. Il est à souligner que pour Norbert Élias, les liens sociaux ne prennent pas place exclusivement entre les individus eux-mêmes mais également entre les individus et

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l’ensemble des symboles qu’ils sont susceptibles de charger d’une connotation affective (comme par exemple les drapeaux dans une forme de lien à la patrie)429.

La métaphore du filet utilisée par Norbert Élias pour décrire les relations à l’intérieur des sociétés humaines se transforme chez Serge Paugam en corde tressée de quatre fils qui désignent les différents domaines d’exercice du lien social. Selon l’auteur, les différents types de liens sociaux permettent à la société de répondre aux besoins des individus en protection et en reconnaissance. La protection recouvre l’ensemble des ressources potentiellement mobilisables par l’individu pour surmonter les difficultés qu’il peut éventuellement rencontrer dans son parcours de vie430. La reconnaissance est un processus par lequel l’individu, à

travers une interaction avec autrui, est reconnu en tant qu’être digne de valeur431.

Dans les sociétés traditionnelles, les solidarités prennent place au niveau familial. L’individu, fortement intégré à l’intérieur de sa famille, lui est lié pour sa protection et pour sa reconnaissance. La modernité, et en particulier la mise en place de systèmes collectifs de solidarité et de redistribution comme l’affiliation à un régime général d’assurances sociales ont rendu caduque le lien à la famille dans le cadre de la protection face aux aléas de la vie. Protégé à titre personnel, l’individu s’est autonomisé et a pu multiplier les liens faibles au détriment des liens forts432. La

multi-appartenance diversifiée, a quant à elle conduit les individus à rechercher la reconnaissance comme un « enjeu autonome », tributaire des échanges de la vie sociale pour être satisfaite433.

Les quatre types de liens sociaux apportant la protection et la reconnaissance aux individus interviennent dans différents domaines de la vie sociale.

Le lien de filiationest la relation à la famille, qu’elle soit biologique ou adoptive. Aux fondations des relations sociales dès l’enfance, la qualité de ce lien impacte fortement les capacités relationnelles et affectives futures.

429 ÉLIAS Norbert, Qu'est-ce que la sociologie ? La Tour d'Aigues, Éditions de l'Aube, 1991 (1970),

p. 164.

430 PAUGAM Serge, Le lien social, Paris, Presses Universitaires de France, 2009, p. 63. 431 Ibid., p. 63.

432 Mark Granovetter propose une théorie de ces liens faibles (weak ties) dont l'efficacité serait plus

forte que celle des liens forts pour plusieurs situations étudiées empiriquement, notamment la diffusion d'informations professionnelles, voir GRANOVETTER Mark, « The Strength of Weak Ties » in., American Journal of Sociology vol. 78, 1973, p. 1373.

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Le lien de participation élective recouvre toutes les formes de socialisation hors de la famille basées sur le choix de groupes d’appartenance, qu’ils soient amicaux, associatifs, religieux, culturels…

Le lien de participation organiqueest lié à l’intégration au sein du milieu scolaire et professionnel. Il induit un rapport au travail, à l’emploi, mais aussi au régime de protections sociales déterminé par le statut professionnel.

Enfin, le lien de citoyenneté, considéré comme surplombant, réside dans le sentiment d’appartenance à une nation, ainsi que l’adhésion au principe des droits et des devoirs liés à cette appartenance. Ces quatre liens sont complémentaires et forment ensemble le lien social dans sa globalité. Ils ne sont pas forcément tous aussi solides les uns que les autres. Ainsi, la rupture d’un lien peut entraîner le surinvestissement d’un autre en compensation, ce qui ne constitue pas en soi un processus dangereux pour l’individu. En revanche, la rupture cumulative de plusieurs liens peut être dommageable pour l’individu puisqu’elle entraîne un risque de déficit de la protection et de la reconnaissance nécessaires à son équilibre. C’est ce que Serge Paugam désigne sous le terme de disqualification sociale : l’individu se trouve « à la fois vulnérable face à l’avenir et accablé par le poids du regard négatif qu’autrui porte sur lui »434.

L'approche des liens sociaux proposée par Serge Paugam me semble être très pertinente dans le cadre de ce travail de thèse. C'est en effet accompagnée de cet outillage théorique que j'ai pu examiner le jardin partagé comme dispositif de création de lien social tel qu'il est décrit dans les discours municipaux, associatifs et des jardinier.e.s eux.elles-mêmes. L'attention portée par l'auteur aux besoins sociaux est féconde et se rapproche des préoccupations intervenant dans la planification urbaine présidant à la mise en place de jardins partagés. De même, la définition du lien de participation élective correspond aux descriptions que font les jardinier.e.s de leur engagement au jardin partagé. Cet engagement semble d'ailleurs venir compenser d'autres types de liens affaiblis pour certain.e.s des jardinier.e.s : le lien de participation organique, mis à mal par le départ à la retraite, ou encore le

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