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Les chapelles gothiques

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 177-184)

DE MEHUN-SUR-YEVRE LA COLLEGIALE

3. Les chapelles gothiques

A la fin du Moyen Age, deux chapelles latérales ont été ajoutées à l’église (pl. 45) : l’une, détruite au XIXe siècle, se situait sur le flanc nord de la nef (pl. 35) et l’autre se trouve à la jonction de la nef et du chevet, au sud (pl. 36).

L’ancienne chapelle nord

Seul subsiste aujourd’hui le comblement de l’arcade brisée de la chapelle latérale nord (pl. 35, 35, 37). Perceptible à l’intérieur comme à l’extérieur de l’édifice, la condamnation est accompagnée par les arrachements de la voûte et fournit une indication précieuse sur le niveau primitif du sol de cette adjonction (fig. 205, 206). On remarque également que les chaînages des deux contreforts de la nef, très restaurés en cet endroit, ont été arrachés pour le montage des piédroits de l’arcade.

Il reste difficile de préciser les dimensions de cet oratoire qui fut démoli entre 1808 et 1837 638 (fig. 159). La question de sa datation demeure donc ouverte mais les moulurations prismatiques de l’arcade d’entrée ne permettent guère de la placer avant la fin du XIVe siècle.

Il faut rappeler ici la proximité immédiate de l’inscription funéraire de Pierre Gilain († 1400) et de son épouse, située dans la troisième travée de la nef 639 (fig. 180). Bien qu’elle ait très probablement été remontée et qu’on ne connaisse pas sa position originelle, on peut être tenté de la rapprocher de la chapelle. Dans une position extérieure et difficile à lire, ce texte ne visait probablement pas à matérialiser la sépulture dans le cimetière mais plutôt à l’intérieur de l’église. L’inscription rappelait d’ailleurs clairement aux célébrants d’assurer la commémoration des défunts 640. Les traces de pic qui l’ont mutilée sont des indices supplémentaires pour conclure qu’elle fut plus tard recouverte par un enduit, lors d’une restauration ancienne de la collégiale.

En fonction de la proximité des deux éléments, tant dans l’édifice actuel que

638 Voir supra, p. 162 n. 607.

639 Voir supra, p. 160-161.

640 DEBIAIS 2004 : vol. 1, 72.

dans leur chronologie absolue, on peut émettre l’hypothèse que l’inscription était placée primitivement dans la chapelle, sans qu’on puisse en conclure que l’oratoire fut fondé par ou pour les époux Gilain, le frère de la défunte, Jehan Charlemaigne, n’en faisant aucune mention.

La chapelle méridionale

A sa jonction avec la nef, le chevet est doté, sur le flanc sud, d’une chapelle de plan quadrangulaire à deux contreforts angulaires et dont les murs ouest et est sont aveugles (pl. 34, 36, 38). Au sud, le pignon découvert masquant la toiture en bâtière présente une grande baie de style flamboyant surmontée par une console désaxée vers le château et un oculus aérant le comble (fig. 207). A l’intérieur, la chapelle communique avec le déambulatoire par une large arcade à mouluration prismatique qui entraîne une perturbation dans l’organisation du voûtement (fig. 208). Les surfaces murales, là encore totalement enduites, ne présentent aucune articulation à l’exception des culots historiés sur lesquels reposent les ogives (fig. 209).

Cette chapelle occupe ainsi une place privilégiée, tant vis-à-vis de l’espace liturgique que dans sa position face au château, à l’intérieur de l’espace canonial. Une telle situation était évidemment réservée à un personnage important du chapitre. Les armes présentes sur la clef de voûte attestent en effet qu’il s’agit d’une fondation de Regnault Thierry, chirurgien du roi puis doyen du chapitre de Mehun-sur-Yèvre, remontant à 1466 641. Cette datation se trouve d’ailleurs pleinement confirmée par les traits de l’architecture de la chapelle. Il semble donc qu’il y ait lieu de rejeter l’hypothèse selon laquelle la chapelle avait été primitivement bâtie pour accueillir la sépulture de Charles VII642.

4. Le chevet

Désaxé vers le sud par rapport à la nef, le chevet de Mehun-sur-Yèvre affecte un plan nettement refermé vers l’ouest (pl. 34). L’abside est précédée

641 TAUSSERAT 1922 : 115-116.

642 A. D. Cher : 36 J 29.

par deux travées trapézoïdales dont l’élargissement a entraîné l’irrégularité du déambulatoire, délimité de la partie centrale par un rond-point de piles quadrangulaires. Outre la sacristie, au nord, à rattacher aux travaux du

XIXe siècle 643, et la chapelle gothique au sud, face au château (fig. 173, 174), le couloir annulaire dessert trois chapelles rayonnantes : au sud et dans l’axe, elles possèdent un plan semi-circulaire alors que la troisième, au nord, adopte un plan singulier puisqu’on rencontre cette fois une première abside nettement outrepassée sur laquelle s’ouvre une absidiole semi-circulaire orientée (fig. 175).

L’abside

L’abside est délimitée de la nef par une arcade élancée entre deux piliers cruciformes très irréguliers soutenant latéralement les arcades d’entrée du déambulatoire (fig. 210). Au-dessus, le mur forme un pignon renforcé par les deux pilastres occidentaux des piles cruciformes. La charpente et le berceau lambrissé empêchent actuellement toute lecture des parties hautes de son élévation (pl. 37). On devine cependant une ouverture, peut-être circulaire, qui se situait au-dessus de l’arcade sud : bien qu’elle soit partiellement cachée par l’entrait, elle est visible à l’extérieur, depuis la terrasse du déambulatoire, et était sans doute destinée à accéder aux combles de la chapelle gothique avant la restauration des toitures (fig. 211).

Le rond-point est constitué par six piles quadrangulaires dépourvues de toute ornementation et soutenant des arcades surhaussées (pl. 39). Au-dessus prend place un niveau de fenêtres hautes à ébrasement simple assurant un éclairage direct. L’abside est voûtée par un cul-de-four précédé par un berceau en plein-cintre pour la travée trapézoïdale (fig. 212).

La restauration désastreuse qui a visé à refaire tous les joints au ciment et à les tirer à la truelle a considérablement affecté la lisibilité des maçonneries

643 La sacristie figure déjà sur le plan de 1886 (Méd. Patrimoine : M.H. 9417). Il s’agit d’une salle quadrangulaire éclairée par deux fenêtres sur le mur nord et communicant avec l’église par une porte dans la première travée nord du déambulatoire. Surmontant un garage ouvert par deux portes sur ses faces nord et ouest, le bâtiment, accolé à la chapelle rayonnante nord et revenant contre le mur nord de la nef, est couvert par une toiture en appentis masquant de

de l’édifice. Seuls les piles du rond-point et les claveaux des arcs sont visibles (pl. 39). Le reste des maçonneries est masqué par des enduits couvrant totalement le mur. Plusieurs irrégularités peuvent néanmoins être observées.

Les piles présentent un rétrécissement à la retombée des arcs 644 au-dessus desquels le mur semble se désépaissir légèrement mais aucune articulation ne vient perturber les surfaces murales (fig. 212).

A l’extérieur, la construction est plus lisible même si elle a subi une réfection de son jointoiement 645. La maçonnerie, plutôt soignée, présente un petit appareil assez régulier (fig. 213). Les baies à ébrasement simple présentent des cintres à double rouleau et claveaux cunéiformes 646 (pl. 40).

Une archivolte à billettes retournée en cordon et passant sur de petits pilastres en moyen appareil règne sur toute l’abside (fig. 214). Un second cordon à damiers court également au-dessus des archivoltes. L’ensemble est sommé par une corniche soutenue par des modillons à copeaux (fig. 215, 216).

Le déambulatoire et les chapelles rayonnantes

A cause de la forme en fer-à-cheval de l’abside, le déambulatoire est très irrégulier et présente une largeur sensiblement moins importante au sud (environ 2,40 m) qu’au nord où il connaît un élargissement près de la chapelle rayonnante (environ 2,75 m) (pl. 34). Alors qu’à l’extérieur il ne présente aucune articulation avec les absidioles (fig. 175, 217), il possède à l’intérieur des pilastres rythmant son pourtour et permettant de soutenir un voûtement mal défini entre arêtes et berceau à pénétrations se fondant à la tête des arcades de l’abside (fig. 212, 218). Le couloir est éclairé par deux baies en plein-cintre à ébrasement simple (pl. 40, fig. 219, 220), une troisième, du côté nord, ayant été bouchée, pour la construction de la sacristie (pl. 34, fig. 221). Il ouvre aujourd’hui vers le sud-est par une porte (fig. 219). Il est donc parfaitement lisible de l’extérieur même si, dans l’ensemble, la volumétrie du chevet est assez mal équilibrée (pl. 38). En l’absence d’articulation de la partie inférieure

l’extérieur la baie condamnée qui éclairait la deuxième travée nord du déambulatoire.

644 DESHOULIERES 1931 : 333.

645 L’accès sur la terrasse du déambulatoire a été facilité par les services municipaux de Mehun-sur-Yèvre en août 2004.

646 Les piédroits du second rouleau présentent des impostes à cartouche.

du chevet, les chapelles font l’effet de tourelles accolées au déambulatoire. Du côté sud, elles sont très rapprochées, ce qui a permis de les chaîner aux piédroits de la baie du déambulatoire (fig. 222). Du côté nord, en revanche, l’angle n’est pas marqué par la maçonnerie et on ne voit qu’une simple ondulation du mur (fig. 217). Enfin, la toiture en croupe ronde des absidioles masque la terrasse du déambulatoire, qui reste en contrebas (pl. 37) : il n’y a donc pas d’élévation pyramidale pourtant habituellement répandue dans ce type de chevet (fig. 223).

L’irrégularité des chapelles rayonnantes de Mehun-sur-Yèvre est d’ailleurs le point le plus curieux du plan de l’église. L’absidiole nord, qui présente un plan particulier (pl. 34), a parfois été utilisée comme argument de datation du chevet ou de modèle pour des dispositions postérieures 647. Composée de deux hémicycles perpendiculaires dont la liaison est renforcée par un gros contrefort taluté 648 (fig. 224), l’abside principale forme une excroissance outrepassée sur le flanc nord de la construction (pl. 35) alors que l’absidiole secondaire affecte les mêmes proportions que les chapelles axiale et sud (pl. 38, fig. 225). L’épaisseur des murs varie également : 0,80 m pour l’absidiole secondaire dont le niveau est commun au reste du chevet contre 1,20 m pour le corps principal dont la hauteur dépasse nettement l’ensemble (pl. 34). La liaison des toitures entre la chapelle nord, dont la corniche à modillons se distingue du reste des parties orientales de l’édifice, est assurée par de petites surfaces de bardeaux (fig. 226).

Les absidioles axiale et sud présentent un plan semi-circulaire se rapprochant presque, à l’intérieur, de la forme d’un fer-à-cheval (pl. 34).

Éclairée chacune par une unique baie plein-cintre à ébrasement simple, aucun élément ne vient perturber la continuité de leurs surfaces murales. Couvertes par un cul-de-four, elles se trouvent dans un renfoncement créé par les pilastres et le voûtement du déambulatoire (fig. 219, 227, 228).

647 OTTAWAY 1986 : 248.HEYWOOD 1996 : 114.

648 Appareillé sur toute sa hauteur, ce contrefort très massif semble devoir être attribué à la fin du Moyen Age : il est simplement plaqué à la jonction des deux absidioles, le chevet ayant peut-être montré des signes de faiblesse.

A l’instar du déambulatoire et de l’abside, l’intérieur est totalement enduit à l’exception des arcs et des baies dont le rejointoiement et les restaurations abusives ont gommé une grande part des indices archéologiques, tels les mortiers, les joints ou les traces de taille. A l’extérieur, néanmoins, plusieurs éléments importants doivent être remarqués. Au sol, le plan de la construction est très irrégulier (pl. 34), laissant à penser que les fondations se trouvent en partie déblayées (fig. 223, 224). Elles forment un socle légèrement saillant comme pour le mur nord de la nef ou la chapelle méridionale (fig. 192, 207). Les maçonneries présentent jusqu’à deux retraits irréguliers sur la chapelle d’axe avant l’élévation proprement dite. Sur les absidioles axiales et nord, deux ouvertures quadrangulaires chanfreinées sont condamnées à un niveau incompatible avec le sol de l’édifice (fig. 229). De même, on devine une ouverture en plein-cintre sur la section nord du déambulatoire (fig. 230). Enfin, on peut observer deux ouvertures condamnées : une porte sur la chapelle rayonnante nord (fig. 231) 649 et une baie gothique trilobée sur le côté sud de la chapelle axiale (fig. 232).

649 Sans doute postérieure à la construction du chevet, la fonction de cette porte ne saurait être précisée : on peut néanmoins émettre l’hypothèse de la desserte d’une zone privilégiée du cimetière canonial ou d’un bâtiment à usage de la communauté.

3. Analyse archéologique

1. Etat de la recherche

La description de l’église de Mehun-sur-Yèvre traduit son caractère hétérogène, déjà maintes fois constaté. La bibliographie se rapportant à l’ancienne collégiale reste cependant relativement succincte car elle est essentiellement constituée d’articles brefs et de notices.

La rareté des mentions écrites a concouru à focaliser l’attention sur le parti architectural de l’église dès la fin du XIXe siècle 650. L’étude la plus pertinente de l’édifice est celle de François Deshoulières qui a subdivisé la construction en quatre phases distinctes 651. Sa lecture archéologique et les datations proposées ont été largement partagées (fig. 172). Ainsi, le chevet bâti sur une crypte condamnée en 1828 et le mur sud de la nef appartiendraient à une première campagne remontant au début du XIe siècle 652. Le mur nord et l’extension de la nef vers l’ouest auraient été réalisés vers 1100. Le clocher-porche aurait entraîné la reprise de la partie occidentale du mur nord de la nef après 1150 653. Enfin, la chapelle latérale située au sud du chevet et le contrefort de l’absidiole nord auraient été ajoutés au XVe siècle. L’archaïsme de la construction – désaxement du plan vers le sud 654, dessin outrepassé des absidioles 655 dépourvues de contreforts et dressées à la manière de tours 656, petit appareil cubique 657, chaînages de pierres plates 658, cordons de silex 659,

650 BUHOT DE KERSERS 1891 : 286-304.

651 DESHOULIERES 1931 : 329-338. Repris dans : DESHOULIERES 1932 : 163-166.

652 BUHOT DE KERSERS 1891 : 294. HUBERT 1952 : 71, n° 96. ESCOUBE 1973 : 15-19. BON

2004 : 59. Pour d’autres, l’église remonterait au milieu du XIe siècle. FERNIE 1993 : 125.

CAMUS 1999 : 51.

653 FAVIERE 1967 : 102. MILLIARD, PARE 1997 : 59. JUIN 1999 : 38. Philippe Bon préfère quant à lui attribuer l’agrandissement de la nef et la construction du clocher-porche à Mahaut, dans la première moitié du XIIIe siècle. BON 2004 : 64.

654 BUHOT DE KERSERS : 293. DESHOULIERES 1931 : 337-338.

655 CROZET 1932 : 82-84. ESCOUBE 1973 : 16.

656 BUHOT DE KERSERS 1891 : 290. DESHOULIERES 1931 : 336. CROZET 1932 : 82-84. CAMUS

1999 : 51.

657 DESHOULIERES 1931 : 334. CROZET 1932 : 82-84.

658 CROZET 1932 : 82-84.

659 CROZET 1932 : 74. PLAT 1939 : 44.

tailles en arêtes de poisson, claveaux allongés, arcs fourrés 660, remplois de sarcophages 661, absence de décoration sculptée 662 – a notamment été souligné par René Crozet pour qui l’adoption du chevet à déambulatoire et chapelles rayonnantes en Berry relevait d’une influence ligérienne 663.

Malgré l’unanimité de ces points de vue et l’argumentaire développé, la singularité du plan de l’absidiole nord a parfois focalisé l’attention et servi à dater le chevet de Mehun-sur-Yèvre aux environs de 1100. John Ottaway a considéré qu’il s’agissait du résultat d’une influence directe de la seconde abbatiale de la Trinité de Fécamp, consacrée en 1099 664. Pour d’autres, cette particularité qui pourrait s’expliquer par la transformation d’une tour de défense 665, aurait été reprise au chevet de la cathédrale de Norwich 666.

Les observations faites tant en plan qu’en élévation permettent de proposer la chronologie relative suivante : mur sud de la nef, chevet, agrandissement de la nef, tour-porche puis adjonction des chapelles gothiques.

On tentera ici d’établir la chronologie absolue des phases les plus anciennes, c’est-à-dire celles concernant le chevet, tout en émettant des hypothèses de restitution.

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