• Aucun résultat trouvé

Changements temporels de la communauté crustacéenne sur la série 2004-

ETUDE RELATIVE AU ZOOPLANCTON

III. Changements temporels de la communauté crustacéenne sur la série 2004-

L’abondance moyenne annuelle du zooplancton crustacéen en 2019 (Figure 8) montre une tendance à la hausse contrairement aux années précédentes, avec 4,4 x 105 ind m-2 en 2019 contre

par exemple 2,8 x 105 ind m-2 en 2018. La valeur de 2019 a en effet été la plus élevée enregistrée

depuis 2004 et comparable à celles de 2005 et 2011 (avec 4,1 x 105 ind m-2). Toutes les autres

années, l’abondance moyenne annuelle était inférieure, la valeur la plus basse étant de 2,71 x 105 ind

m-2 en 2013.

Le changement par rapport aux années précédentes est notamment dû, en 2019, aux abondances majeures des deux groupes de copépodes, les calanoïdes et les cyclopoïdes. Les calanoïdes ont en effet enregistré une abondance plus élevée en 2019 comparée à 2018 (respectivement 2,4 x 105 ind m-2vs. 1,1 x 105 ind m-2) et surtout par rapport aux années précédentes

(la moyenne 2004-2018 étant de 1,2 x 105 ind m-2). Ces chiffres ont surtout été associés au

développement exceptionnel d’Eudiaptomus gracilis pendant les mois d’hiver.

Les cladocères, par contre, ont révélé une dynamique inverse et une tendance à la baisse pendant la période 2009-2013, qui semblait être stable depuis quelques années. Bien qu’en 2019 les effectifs de Daphnia sp. aient encore diminué, cela reste un cas isolé dans la dynamique interannuelle, et il est difficile pour l’instant de conclure que la population continue de diminuer.

Pour mieux comprendre les changements temporels de la communauté crustacéenne, la dynamique du compartiment phytoplanctonique est essentielle en tant que ressource principale pour le zooplancton herbivore, qui constitue, à son tour, une ressource pour le zooplancton prédateur (Figure 9). A l’échelle interannuelle, les effectifs totaux de microcrustacés semblent indépendants de la biomasse phytoplanctonique moyenne annuelle (Figure 9a), bien qu’on observe une correspondance plus marquée se dessiner entre les deux communautés à partir de 2013. En effet, en regardant plus dans le détail, une correspondance peut être observée entre les effectifs moyens annuels du zooplancton herbivore et la dynamique d’abondance des biomasses moyennes annuelles des classes algales de bonne qualité nutritionnelle, telles que les Diatomées et les Chrysophycées (Figure 9b). Cette correspondance s’estompe sur la période 2006-2011, période où on observe toutefois le maintien des effectifs de microcrustacés herbivores en dépit d’une diminution marquée des biomasses phytoplanctoniques. A cette époque la cyanobactérie Planktothrix rubescens était présente régulièrement dans le Lac du Bourget et caractérisée par des biomasses exceptionnelles, notamment celles enregistrées en 2008 et 2009. Bien que potentiellement toxique et moins riche du point de vue de la qualité nutritionnelle, cette espèce peut être utilisée en tant que ressource

109

notamment par les espèces zooplanctoniques de petite taille (Perga et al. 2012), et il est possible qu’elle ait soutenu la croissance et la reproduction des consommateurs herbivores.

La correspondance entre Diatomées, Chrysophycées et zooplancton herbivore se découple à nouveau en 2019, notamment à cause de la baisse des effectifs des consommateurs herbivores, mais qui ne correspond pas à une baisse de ressources nutritionnelles.

Figure 8 Abondances moyennes annuelles crustacés totaux, des calanides, des cyclopides, des cladocères et

110

Figure 9 Comparaison a. des biovolumes phytoplanctoniques et effectifs totaux de microcrustacés et b. des

biomasses de Diatomées et Chrysophycées et des effectifs de zooplancton herbivore au lac du Bourget de 2004 à 2019

Pour la première fois dans ce rapport, des indices fonctionnels (Villéger et al. 2008, Laliberté et Legendre 2010) sont proposés. Ils permettent de relier la dynamique des différents groupes taxonomiques (changement dans la diversité des espèces) aux traits fonctionnels qui déterminent les processus essentiels au maintien de l'écosystème. Pour le compartiment zooplanctonique, les indices fonctionnels ont été calculés en considérant les stratégies trophiques et l’utilisation des ressources (Krztoń et al. 2019).

La richesse fonctionnelle représente la quantité d'espace fonctionnel (ou niches écologiques) rempli par les différentes espèces, membres de la communauté. C’est une mesure de la capacité de la communauté zooplanctonique à exploiter différentes stratégies alimentaires (prédation, herbivorie, detritivorie). La dynamique pour la période 2004-2019 (Figure 10a) montre une tendance à la baisse pendant la première période, suivie par une augmentation caractérisée par plusieurs oscillations à partir de 2012.

111

Figure 10 Indices fonctionnels caractérisant la communauté zooplanctonique du lac du Bourget de 2004 à 2019

La dispersion fonctionnelle permet d’estimer la dispersion des traits parmi les espèces ; c’est une sorte de mesure « d’entropie fonctionnelle ». Plus les valeurs sont hautes, plus il y a dispersion des traits et perte d’efficacité fonctionnelle. On observe pour cet indice en effet une dynamique presque opposée à celle de la richesse fonctionnelle, et notamment une augmentation pendant la période 2004-2011, suivie par une diminution constante jusqu’à 2015 qui semble être stable pendant ces dernières années.

Ces indices fonctionnels étant calculé sur les traits trophiques caractérisant les différentes espèces, on peut les comparer avec la dynamique de la communauté phytoplanctonique et la disponibilité des ressources. On observe notamment le déclin de l’efficience fonctionnelle correspondre à la période de prolifération et bloom des cyanobactéries. La dominance de la communauté phytoplanctonique par les cyanobactéries a affecté la communauté des consommateurs en favorisant les organismes porteurs d’une stratégie trophique adéquate pour exploiter P. rubescens en tant que ressource nutritionnelle.

112

Une analyse en composantes principales des stratégies trophiques dominantes dans la communauté des microcrustacés de 2004 à 2019 montre en effet que l’herbivorie est largement prépondérante, et la plupart des organismes zooplanctoniques du lac du Bourget sont des consommateurs directs de la biomasse algale. On observe par contre une période limitée aux années 2012 et 2018 pendant laquelle la stratégie de prédation devient importante. Ces années ont été effectivement caractérisées par des pics de croissance des classes algales de bonne qualité nutritionnelle (Diatomées et Chrysophycées) correspondant à une phase de croissance du zooplancton herbivore (Figure 9b). La disponibilité de ressources adéquates permet aux consommateurs d’effectuer un lien trophique efficace vers les niveaux supérieurs et conduit vers une amélioration des caractéristiques fonctionnelles de la communauté zooplanctonique (Figure 11).

-0.5 0.0 0.5 -0 .4 -0 .2 0. 0 0. 2 0. 4 0. 6 PC1 P C 2 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Herb Pred

Herb

Pred

Figure 11 Analyse en composantes principales des stratégies trophiques dominantes dans la communauté des

microcrustacés du lac du Bourget de 2004 à 2019

IV. Conclusion

Si la dynamique du zooplancton a globalement reproduit celle des années précédentes, elle a aussi été remarquable en 2019 par les abondances exceptionnelles observées en hiver (janvier et décembre). Les groupes les plus abondants ont été les calanoïdes et les copépodes. Les calanoïdes ont montré une abondance très élevée en janvier et en décembre, alors que les copépodes ont été caractérisés en décembre par une abondance plus faible, notamment dûe au manque de développement des nauplii. Bien qu’en hiver l’abondance phytoplanctonique était encore faible, à ce moment la communauté algale était principalement composée de Cyclotella costei, une petite diatomée très riche en

113

nutriments essentiels pour la croissance des organismes zooplanctoniques, et qui en 2018 n’apparaissait qu’en mars. On peut avancer l’hypothèse que cette croissance exceptionnelle du zooplancton herbivore (calanoïdes et nauplii de copépodes) a donc été soutenue par la communauté de cette diatomée. Le pic hivernal a également suivi une période de développement de biomasse phytoplanctonique, et, à cette période de l’année, la communauté algale était à nouveau dominée par

Cyclotella costei. L’analyse des indices fonctionnels sur la période 2004-2018 a confirmé l’importance de la disponibilité des ressources nutritionnelles de bonne qualité (Diatomées et Chrysophycées) pour le maintien de l’efficience trophique au sein du réseau pélagique.

114

RECHERCHES PORTANT SUR LE PEUPLEMENT