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Chapitre 5 : Commotion cérébrale et effets à long terme

5.3 Encéphalopathie traumatique chronique

5.3.3 Changements neurophysiologiques

De nombreux changements macroscopiques et microscopiques au niveau du cerveau peuvent être décelés chez les patients atteints d’ETC et pourraient potentiellement guider le diagnostic. Au niveau macroscopique, plusieurs changements peuvent s’observer. Ces changements neurophysiologiques varient en fonction de la sévérité de la pathologie. De façon générale, avec la progression de la maladie, il est possible de voir une atrophie progressive globale de la masse de l’encéphale résultant de l’atteinte de plusieurs aires du cerveau. Gavett et al (131) décrivent que dans certains cas, les sujets présentent un

77 élargissement des parties antérieures et inférieures des ventricules latéraux. Pour des stades plus avancés, il peut y avoir présence de caractéristiques additionnelles telles que des fenestrations et des cavités au niveau du septum pellucidum, un élargissement plus marqué du ventricule latéral et du troisième ventricule, une atrophie des lobes temporaux, frontaux et des corps mamillaires et un amincissement du plancher thalamique et du corps calleux (131). Une étude menée par Schultz et al (132) montre des résultats importants à propos des changements macroscopiques et l’âge des premiers contacts à la tête. Dans cette étude menée auprès de 86 joueurs de football symptomatiques, les auteurs ont trouvé que la perte de volume thalamique du sportif avec ETC était associée avec le nombre d’année de jouées et un début de pratique du sport plus hâtif. Ces changements au niveau thalamique étaient également associés à des troubles de la mémoire visuelle, comportementaux et émotifs. Donc, plus le début du sport est débuté jeune et que sa carrière est longue, plus les diminutions au niveau du volume thalamique pourraient être importantes. Bien que la présence de changements macroscopiques puisse nous guider dans notre hypothèse clinique, ces changements seuls ne peuvent pas faire preuve suffisante pour le diagnostic d’ETC.

Pour ce qui est des changements microscopiques, plusieurs caractéristiques au niveau de l’encéphale peuvent ressembler aux atteintes retrouvées dans des pathologies neurodégénératives telles que l’Alzheimer, la démence, le parkinson ou la sclérose amyotrophique latérale. Ces caractéristiques sont répertoriées dans l’annexe VIII de l’annexe, tiré de l’étude de Safinia et al (18). La caractéristique microscopique la plus évidente et la plus répertoriée dans la littérature est la présence de tauopathie. Effectivement, suite à des traumatismes répétés au niveau de la tête, il est possible d’observer des désordres neurofibrillaires dans certaines régions encéphaliques formés par des agrégations de protéines tau hyperphosphorylés (18, 124, 131, 133). La protéine Tau joue un rôle important au niveau de la modulation de la stabilité des microtubules des axones neuronaux par son interaction avec la tubuline, la protéine structurelle des microtubules (134). Lors de l’apoptose des neurones dans les cas de tauopathie, les cellules neuronales passent par une étape d’agrégation anormale des protéines tau lors de la mort neuronale. Plusieurs études montrent que ces amas de protéines agglomérées se retrouvent

78 principalement dans le lobe frontal et pariétal de l’encéphale ainsi qu’au niveau de l’hippocampe.

McKee décrit 4 stades augmentant en sévérité dans son étude auprès de 68 sujets avec ETC (135). Le stade 1 consiste en une tauopathie qui est restreinte au niveau du fond des sillons du cortex frontal. Dans le stade 2, une accumulation diffuse de la protéine tau et un désordre neurofibrillaire se répand au niveau des multiples couches du cortex cérébral. Ensuite, dans le stade 3, la tauopathie se répartit plus globalement au niveau du cortex frontal, temporal, pariétal et insulaire en plus de toucher l’amygdale et l’hippocampe. Finalement, dans le stade 4, en plus des régions précédentes, la tauopathie implique le lobe médio-temporal et est accompagnée d’une perte neuronale (135). Tel que mentionné plus haut, la présence de tauopathie peut se retrouver dans d’autres pathologies neurodégénératives, faisant en sorte que la distinction entre ces dernières devient difficile. Hof et al (136), montrent cependant des caractéristiques distinctes des tauopathies chez les patients atteints de ETC. Effectivement, la présence d’agrégations de protéine tau se retrouve principalement dans les couches 2 et 3 du cortex cérébral comparativement à la maladie d’Alzheimer qui est présente dans les couches 3 et 4. Également, Mez et al (124) dans leur étude de cas auprès de 202 sujets montrent que la distribution est plus dense et non-uniforme dans les régions frontales, temporales et insulaires dans le cas d’ETC. Ces agglomérats se forment surtout à proximité de petits vaisseaux sanguins et des sillons et scissures de l’encéphale, principalement au niveau du bulbe olfactif, de l’hippocampe, de l’amygdale, du cortex entorhinal, des corps mamillaires, de la substance noire et du locus coeruleus (124). En comparaison, ces agrégations de protéines sont plus uniformément réparties au travers des régions corticales et de façon moins dense dans la maladie d’Alzheimer (126, 131, 133).

Bien que l’accumulation de la protéine tau soit la caractéristique la plus étudiée au sujet des ETC, d’autres agrégations protéiques sont retrouvées dans cette pathologie. Premièrement, la protéine de liaison à l’ADN TDP-43 jouant un rôle dans la régulation de la transcription et du développement neuronal est l’une des protéines que l’on retrouve également accumulée au niveau de l’encéphale et qui pourrait expliquer les déficits

79 moteurs que l’on retrouve dans l’ETC. Effectivement, McKee et al (137) ont étudié 12 sujets avec ETC et démontrent que 83% de ces sujets présentaient des accumulations de TDP-43 au niveau du cortex frontal et temporal, du lobe médio-temporal, des ganglions de la base, du diencéphale et du tronc cérébral. Également, une autre anormalité reliée aux protéines est le dépôt du peptide bêta-amyloïde qui peut être retrouvés dans des cas d’ETC, mais qui ne semble pas être un facteur distinctif des autres maladies neurodégénératives. Cette protéine joue un rôle dans la synaptogénèse, la migration neuronale ainsi que dans l’adhésion et la signalisation cellulaire. Une étude menée par Stein et al (138) auprès de 114 individus avec ETC montre qu’il y a des dépôts du peptide bêta-amyloïde et que ceci pourrait être associé à la sévérité des ETC. Effectivement, 52% des sujets étudiés présentaient cette caractéristique et les auteurs ont trouvé que ces dépôts de plaques de protéines étaient accélérés et significativement associés à la présence de ApoE4, une apparition de symptômes tardive ainsi qu’un âge de décès plus avancé. Bien que dans cette étude les sujets présentent l’accumulation du peptide Aβ, cette caractéristique n’est que présente dans une minorité de cas d’ETC et ne serait donc pas un facteur important dans le diagnostic.

Malgré toutes ces différentes caractéristiques retrouvées au niveau de l’encéphale d’ex sportifs, il est encore difficile d’associer ces caractéristiques aux ETC et de pouvoir confirmer le diagnostic. Cependant, ces changements restent tout de même très intéressants pour expliquer les différents symptômes et mieux guider le diagnostic.

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