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Un champ révélé dans le cadre de l’article 106 § 2 TFUE

Un champ révélé dans le cadre de l’article 106 § 2 TFUE

47. Les services d’intérêt économique général renvoient à des activités d’une grande hétérogénéité, dans les domaines tels que la santé publique173, de l’énergie174, des transports175, de l’environnement176, de la sécurité sociale177, des postes178, de certaines activités bancaires179, de l’audiovisuel180, ou encore du conseil en matière fiscale181. Dans la mesure où l’Union dispose d’une compétence exclusive dans « l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur182 », l’on pourrait admettre que les entreprises chargées de la gestion d’un SIEG sont régies par cette compétence au termes de l’article 106 § 2 TFUE. La réalité est pourtant plus complexe. Pour G. GODIVEAU, « Si l’on s’en tient au droit spécifique des SIEG, il apparaît à géométrie variable : alors que

173 Trib., 7 novembre 2012, CBI contre Commission, aff. T-137/10, EU:T:2012:584.

174 CJCE, 27 avril 1994, Commune d’Almelo et autres contre NV Energiebedrijf Ijsselmij, aff. C-393/92,

Rec. p. I-1477.

175 CJCE, 24 juillet 2003, Altmark Trans GmbH, aff. C-280/00, Rec. p. I-7747.

176 CJCE, 25 juin 1998, Chemische Afvalstoffen Dusseldorp BV e.a. contre Minister van Volkshuisvesting,

Ruimtelijke Ordening en Milieubeheer, aff. C-203/96, Rec. p. I-4075.

177 CJCE, 23 avril 1991, Klaus Höfner et Fritz Elser et Macrotron GmBH, aff. C-41/90, Rec. p. I-197.

178 CJCE, 19 mai 1993, Procédure Pénale contre Paul Corbeau, aff. C-320/91, Rec. p. I-2563.

179 CJCE, 15 mars 1994, Banco Exterior de Espan&a SA et Ayuntamiento de Valencia, aff. C-387/92, Rec. p. I-877.

180 CJCE, 18 juin 1991, Elliniki Radiophonia Tiléorassi AE e.a., aff. C-260/89, Rec. p. I-2925.

181 CJCE, 30 mars 2006 Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti Srl e.a., aff. C-451/03, Rec. p. I-2941.

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l’article 106, § 2, relève en principe d’une compétence partagée, certains espaces de compétence exclusive semblent pouvoir être identifiés183 ». Bien que cette lecture puisse surprendre – la politique de concurrence au sein de laquelle est rangé l’article 106 § 2 TFUE suppose une compétence exclusive de l’Union –, elle révèle toute la difficulté à appréhender les SIEG par la seule analyse du droit primaire. La notion de SIEG n’est en effet pas exclusive à la politique de concurrence contrairement aux notions d’aide d’État, d’entente, ou d’abus de position dominante. L’affaire Commission contre Belgique184 relative à une entrave à la libre circulation des capitaux dans le domaine de l’énergie en constitue une illustration (contentieux sur les golden shares). La Cour de justice juge que le contrôle par l’État de l’affectation et du changement de destination des actifs pour certaines installations gazières matérialisé par des obligations de service public doit être appréhendé dans le champ de la libre circulation des capitaux et considère comme superflu le recours à l’article 106 § 2 TFUE185.

48. Que la notion de SIEG ne soit pas exclusive de la politique de concurrence résulte d’une lente construction jurisprudentielle sur la délimitation du champ et des fonctions de l’article 106 § 2 TFUE. Délaissant toute interprétation exégétique, et après en avoir établi les conditions d’applicabilité (Section 2), la Cour de justice lui a dénié une quelconque autonomie en le consacrant comme un instrument de renvoi et de limitation à l’application des règles du droit de l’Union (Section 1). En ce sens, c’est donc le contentieux de l’article 106 § 2 TFUE qui a permis de « révéler » le champ des SIEG. L’enjeu est ici d’importance pour se saisir de la notion d’obligation de service public : en tant que représentation matérielle des SIEG – mais pas uniquement186 –, l’identification du champ des SIEG est indispensable la construction de la notion juridique de l’obligation de service public.

183 GODIVEAU (G.), « La place des services d’intérêt économique général (SIEG) parmi les valeurs de l’Union européenne », in POTVIN-SOLIS (L.) (dir.), Les valeurs communes dans l’Union européenne, Coll. Colloques Jean Monnet, Bruxelles, Bruylant, 2014, pp. 379-413.

184 CJCE, 4 juin 2002, Commission contre Belgique, aff. C-503/99, Rec. p. I-4809.

185 Ibid., pt. 56.

Section 1. UN INSTRUMENT DE RENVOI ET DE LIMITATION AUX

TRAITÉS

49. L’affaire Port de Merter a pu, un temps, accréditer l’idée d’une autonomie de l’article 106 § 2 TFUE par rapport aux règles générales énoncées dans le traité187. Les décisions ultérieures rendues par la Cour de justice ont toutefois infirmé cette possibilité en affirmant qu’« il résulte des termes clairs de l’article 106, paragraphes 1 et 2, TFUE que celui-ci n’a pas de portée autonome, en ce sens qu’il doit être lu en combinaison avec les autres règles pertinentes du traité FUE188 ». L’absence d’autonomie de cet article suppose de rechercher les justifications de son intégration au sein des règles communes de concurrence (§1). S’il est le fruit d’un compromis d’ordre politique lors de la négociation du traité CEE, l’article 106 § 2 TFUE nécessite pourtant d’être combiné à d’autres articles, ce qui explique que son application ait débordé au-delà de la politique de concurrence (§2).

§1. LES JUSTIFICATIONS DE L’ARTICLE 106 TFUE AU SEIN DES RÈGLES COMMUNES DE CONCURRENCE

50. L’article 3 du traité CEE conférait à la Communauté pour mission d’établir « un régime assurant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché commun189 ». Cet objectif général fut concrétisé par la mise en place au sein des règles de concurrence de plusieurs articles portant sur les rapports entre entreprises190, les pratiques de dumping191, et les aides d’État192. L’article 90 du traité CEE, devenu ultérieurement 86 CE, puis 106 § 2 TFUE apparaît comme le fruit d’un compromis entre la France et la République fédérale d’Allemagne permettant d’admettre des dérogations aux exigences concurrentielles (A) au regard de la spécificité de certaines entreprises titulaires de droit spéciaux ou exclusifs (B).

187 CJCE, 14 juillet 1971, Hein, aff. 10/71, Rec. p. 723. La Cour ne s’est pas intéressée, avant de rejeter l’effet direct de l’actuel 106 § 2 TFUE, au lien de rattachement des faits avec les autres dispositions des traités. Elle a immédiatement recherché si l’actuel 106 § 2 TFUE pouvait être invoqué. L’absence d’effet direct ne permet pour autant pas de conclure avec certitude que la Cour a entendu donner une autonomie à cette disposition par rapport aux autres règles des traités.

188 CJCE, ord., 3 février 2015, Equitalia Nord SpA contre CLR di Camelliti Serafino & C. Snc, aff. C-68/14, EU:C:2015:57, pt. 21.

189 TCEE, art. 3 sous f).

190 Ibid., art. 85 et s.

191 Ibid., 91 et s. (supprimé depuis).

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A. Le compromis recherché par le traité CEE

51. Le contexte de la négociation de l’article 90 TCEE met en évidence une divergence entre la République fédérale d’Allemagne (RFA) et la France sur la question des monopoles. Les ordolibéraux allemands sont fermement hostiles à l’instauration et la pérennisation des monopoles, dont l’Allemagne a subi les effets jusqu’à la fin de la république de Weimar (1918-1933), connue comme « le pays des cartels193 », à l’image de la Cour suprême du Reich de 1897 validant les contrats établissant des cartels194 et de la tolérance des juges de première instance en matière de contrats restrictifs de concurrence195. Le pouvoir détenu par les entreprises en situation de monopole est d’ailleurs tel qu’une loi sur du 2 novembre 1923 visant à lutter (sans les interdire) contre les cartels n’a produit aucun effet196. Cette conclusion est observée par certains des fondateurs de la pensée ordolibérale allemande ; Franz BÖHM, fort d’une expérience au ministère de l’économie dans le département des cartels et d’une thèse consacrée aux monopoles197, et Alexander RÜSTOW, impuissant à endiguer les monopoles lors de son passage au même ministère de l’économie198. Se développe alors une véritable défiance des ordolibéraux vis à vis des monopoles199 octroyant aux entreprises un pouvoir de marché, c’est à dire une « capacité à s’extraire de toute concurrence sans subir des pertes mais avec profitabilité200 », « conduisant au totalitarisme, en ce qu’il permettrait à des opérateurs inefficaces de s’octroyer des profits au détriment des consommateurs201 ». Cette position est ralliée par Alfred MÜLLER-ARMACK, chef de la

193 COMMUN(P.), Les ordolibéraux. Histoire d’un libéralisme à l’allemande, Coll. Penseurs de la Liberté, Paris, Les belles lettres, 2016, p. 86 ; BOSCO (D.), PRIETO (C.), Droit européen de la concurrence, Coll. Droit de l’Union européenne – Manuels, Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 88, et les références citées. Les auteurs soulignent qu’autour de 1929, 3000 cartels sont estimés.

194 MONGOUACHON (C.), « Les débats sur la constitution économique en Allemagne », R.F.D.C., n°90, avril 2012, pp. 303-337.

195 COMMUN (P.), Les ordolibéraux. Histoire d’un libéralisme à l’allemande, op. cit., p. 88.

196 BOSCO (D.), PRIETO (C.), Droit européen de la concurrence, op. cit., pp. 87 et 88 : les auteurs expliquent que cette loi a obligé tout cartel à être enregistré et à faire l’objet d’un suivi par des experts. Cependant, le contrôle a été neutralisé dans les faits compte tenu du pouvoir discrétionnaire détenu par le politique, qui s’est laissé convaincre par les industriels de la nécessité des cartels en vue d’éviter une fragilisation de l’économie allemande par la concurrence internationale.

197 BÖHM (F.), Wettbewerb und Monopolkampf. Eine Untersuchung zur Frage des wirtschaftsordnung, Sinzheim, Nomos, 2010 (réédition).

198 COMMUN (P.), Les ordolibéraux. Histoire d’un libéralisme à l’allemande, op. cit., p. 169.

199 ZIANI(S.), Du service public à l’obligation de service public, Coll. Bibl. de droit public, Paris, L.G.D.J., Tome 285, 2015, pp. 296-300, spéc. p. 297.

200 PRIETO (C.), « Loyauté du commerce et droit européen de la concurrence », R.A.E., n°2, 2011, pp. 299-312.

201 MONGOUACHON (C.), Abus de position dominante et secteur public, Coll. Competition Law, Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 48 et 49.

délégation allemande durant les négociations du traité de Rome, et proche conseiller du ministre de l’économie Ludwig ERHARD. Cela explique que la lutte contre les monopoles, en particulier consécutifs aux ententes, est très présente durant ces négociations du traité CEE202. Inversement, les français ne vouent pas une telle opposition aux monopoles. Des économistes réputés tels que Jacques RUEFF et Louis BAUDIN considèrent que les monopoles permettent d’assurer un optimum de concentration, c’est à dire des avantages technologiques ou encore des économies substantielles203. Par ailleurs, pour reprendre une observation du Pr. BRACONNIER, le monopole est le mode de gestion privilégié des services publics en France, auquel elle est attachée204 et dont la remise en cause inconditionnelle est inenvisageable. Cette position explique le dépôt par la France, au cours des travaux menés par P.-H. Spaak, d’une proposition auprès du « groupe du marché commun205 » visant à protéger certains monopoles intitulée « Entreprises publiques – Services publics – Monopoles d’État»206.

52. L’article 90 du traité CEE est le résultat de cette divergence entre la France et la RFA sur la place des monopoles dans la construction de la CEE. Elle s’est soldée par un compromis aux termes duquel les monopoles de fait donnant lieu à un abus de position dominante ou à une des formes d’ententes sont prohibés. Dans la continuité, le rôle des États en faveur des monopoles n’est pas non plus éludé. Selon les ordolibéraux en effet, et en particulier Alexander RÜSTOW, « en fournissant à un groupe de producteurs donnés, des subventions étatiques et des avantages publics dont les coûts devaient être portés par la collectivité des consommateurs et des autres producteurs, l'État favorisait la naissance des monopoles207 ». L’article 106 § 1 TFUE (ex 90 § 1 CEE) selon lequel « Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux

202 MÜLLER-ARMACK a par exemple souhaité que les ententes soient soumises à une procédure d’enregistrement, voy. WARLOUZET (L.), Le choix de la CEE par la France, Paris, I.G.P.E., 2011. Cela fait écho à la loi allemande du 2 novembre 1923 mentionnée qui a prévu la même obligation pour les cartels.

203 COMMUN (P.), Les ordolibéraux. Histoire d’un libéralisme à l’allemande, op. cit., p. 160.

204 BRACONNIER (S.), Droit des services publics, Coll. Thémis, Paris, P.U.F., 2007, p. 71.

205 BRACQ (S.), « Quelles bases juridiques pour la régulation des services d’intérêt économique général ? »,

R.T.D. eur., n°3, 14 novembre 2011, pp. 517 et s. : pour un aperçu historique des travaux préparatoires sur

l’article 106 TFUE. Le Groupe marché commun est un ensemble de personnes qualifiées n’exerçant pas de fonction politique et qui a été chargé de la rédaction du traité.

206 Archives historiques du Conseil (conservées à l’Institut universitaire européen de Florence), MAE 14F/57, CM3 NEGO 153, 224, 237, 266.

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règles des traités, notamment à celles prévues aux articles 18 et 101 à 109 inclus » est le résultat de cette doctrine. Au contraire, l’article 106 § 2 TFUE (ex 90 § 2 CEE) selon lequel « Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie » a cherché à satisfaire la position française en faveur des monopoles pour les services publics.

53. À l’issue de la négociation, l’article 90 CEE est inséré dans la section de la politique de concurrence consacrée aux règles applicables aux entreprises. Cet article se cantonne de régir le comportement de l’entreprise sur le marché et ne s’applique pas a contrario aux mesures étatiques prises par l’État membre. Le modèle de la gestion des services publics par monopole en France est donc préservé puisque les principales entreprises publiques françaises chargées d’un service public disposent à cette période d’un monopole de droit, essentiellement pour les activités de réseau208, et non des monopoles de fait. L’article 90 est en conséquence un article destiné à préserver les monopoles octroyés par les États à des entreprises en échange de la gestion d’un service public209. Et s’il est vrai que l’article 37 CEE (actuel 37 TFUE) prévoit l’obligation d’aménagement des monopoles et de l’interdiction d’édicter toute nouvelle mesure contraire au principe de non-discrimination dans le cadre de la libre circulation des marchandises, l’impact d’une telle obligation se révèle en réalité limité en ce qui concerne les services publics : l’activité des entreprises qui en ont la charge est pour l’essentiel en dehors du champ d’application de la libre circulation des marchandises210.

208 SNCF a été créé par le décret-loi du 31 août 1937 relatif à l’approbation et la publication de la convention du 31 août 1937 réorganisant le régime des chemins de fer, J.O.R.F. du 01 septembre 1937, pp. 10065 et s., en regroupant les six grandes compagnies ferroviaires sous la forme d’une société anonyme et non pas d’un EPIC comme cela est le cas depuis la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs,

J.O.R.F. du 30 décembre 1982, pp. 4004 et s. ; EDF et GDF ont été créés par la Loi n° 46-628 du 8 avril 1946

sur la nationalisation de l’électricité du gaz, J.O.R.F. du 9 avril 1946, pp. 2951 et s., qui leur a octroyé un monopole. Enfin, les télécommunications et les postes ont été fournies par un service de l’État, en l’occurrence le ministère des travaux publics (devenu en 1959 un ministère à part entière), qui a détenu également un monopole. Le monopole des postes est ancien, il permettait au Roi de contrôler les missives envoyées sur son territoire. L’apparition des télégraphes et des télécommunications a donné lieu à un élargissement du monopole.

209 CHUNG (C.-M.), The Application of EC Law to Public Enterprises: article 90 of the Treaty of Rome, Oxford, Oxford University, 1995, p. 41.

210 CJCE, 10 décembre 1968, Commission contre Italie, aff. 7/68, Rec. p. 619 : « que par marchandises au sens de cette disposition, il faut entendre les produits appréciables en argent et susceptibles, comme tels, de former l’objet de transaction commerciales ». Le juge préfèrera au besoin se référer à une nomenclature établie

54. Les expressions de monopoles et de services publics utilisées dans les travaux préparatoires n’ont pas été reprises dans la version finale du traité. Les terminologies de « droits exclusifs ou spéciaux » et de « service d’intérêt économique général » ont été préférées. Si le contexte de la négociation de l’article 90 CEE (actuel 106 TFUE) montre que les services publics n’ont été appréhendés qu’à travers les monopoles211, les précisions apportées sur les notions de droit exclusifs et spéciaux ont pourtant produit des effets au-delà des seuls monopoles, participant à l’identification du champ de la notion de SIEG.

B. Une disposition destinée à assurer le contrôle de droits spéciaux ou exclusifs 55. Les notions de « droits spéciaux » et « droits exclusifs » contenues à l’article 106 § 1 TFUE ne sont pas définies par les traités212. Si elles ont été conçues en référence à la situation de monopole213 - ce qu’illustrent les premières décisions de la Cour de justice214 - elles ne sont pas formellement circonscrites à celle-ci. Bien qu’il soit plébiscité, le monopole n’est pas l’unique mode de gestion des SIEG215. Les notions de « droits spéciaux » et « droits exclusifs » présentent l’intérêt de s’adapter à d’autres formes de l’intervention publique affectant la concurrence216. La distinction entre les deux terminologies est en revanche plus énigmatique et a amené la Cour dans l’arrêt France contre Commission217 à annuler partiellement la directive 88/301/CEE relative à la concurrence dans les marchés de terminaux de télécommunications prise sur le fondement de l’actuel article 106 § 3 TFUE au motif qu’ « il convient de constater que ni les dispositions de la directive ni ses

par la Commission, voy. CJCE, 23 octobre 1997, Commission contre Italie, aff. C-158/94, Rec. p. I-5789, pt. 17, dans laquelle la Cour souligne que l’électricité constitue une marchandise au sens de la nomenclature combinée de la Communauté [Union] (servant à établir la tarif douanier commun).

211 COLLIARD (C.-A.), « Le régime des entreprises publiques », in GANSHOFVANDERMEERSCH (W.-J.) (dir.), Droit des communautés européennes, Bruxelles, Larcier, 1969, p. 858.

212 Pour une présentation, DUBOUIS (L.), BLUMANN (Cl.), Droit matériel de l’Union européenne, Coll. Domat –Droit public, Paris, Montchrestien, 6ème ed., 2012, pp. 652-654.

213 COLLIARD (C.-A.), « Le régime des entreprises publiques », art. cit.

214 CJCE, Hein, préc. : monopole d’exploitation de services portuaires ; CJCE, 30 avril 1974, Sacchi, aff. 155/73, Rec. p. 411 : un monopole d’émissions de télévision ; CJCE, Belgische Radio en Televisie et société

belge des auteurs, compositeurs et éditeurs contre SV SABAM et NV Fonior (dit aussi BRT I), aff. 127/73, Rec.

p. 313.

215 Le rapporteur public VEROT dans l’affaire APREI l’a d’ailleurs souligné en affirmant que « le monopole n’est pas toujours nécessaire à l’organisation d’un service public » ; concl. R.P. VÉROT (C.), 22 février 2007,

APREI, n°264541.

216 CHUNG (C.-M.), The Application of EC Law to Public Enterprises: article 90 of the Treaty of Rome, op. cit., pp. 18-19.

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considérants ne précisent le type de droits qui est concrètement visé et en quoi l’existence de ces droits serait contraire aux différentes dispositions du traité218 ».

56. Ce manque de précision a été comblé dans la directive 90/388/CEE dans laquelle la Commission présente les droits spéciaux ou exclusifs comme « les droits octroyés par un État membre ou une autorité publique à un ou plusieurs organismes publics ou privés au moyen de tout instrument législatif, réglementaire ou administratif leur réservant la fourniture d'un service ou l'exploitation d'une activité déterminée219 ». Présentées comme synonymes, les deux notions sont le reflet d’une même situation dont l’avocat général JACOBS a précisé que lorsque l’exploitation du réseau est octroyée à une entreprise, celle-ci est titulaire d’un droit exclusif tandis que lorsqu’elle est octroyée à plusieurs entreprises, celles-ci sont titulaires de droits spéciaux220. Reprise par la suite221 et emportant le consensus de la majorité de la doctrine222, cette lecture a le mérite de distinguer les termes de manière simple et claire.

57. Souhaitant adopter une approche dépassant le seul cadre des télécommunications, la Commission a de nouveau proposé une définition des termes dans la directive 2006/111/CE relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques, ainsi qu’à la transparence financière dans certaines entreprises. Les droits exclusifs y sont définis comme « des droits accordés par un État membre à une entreprise au moyen de tout instrument législatif, règlementaire et administratif qui, lui réservent le droit de fournir un service ou d’exercer une activité sur un territoire donné223 », et les droits

218 Ibid., pt. 45.

219 Dir. 90/388/CEE de la Commission du 28 juin 1990 relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunication, J.O.C.E. n° L 192 du 24 juillet 1990, pp. 10-16, art. 1 § 1. PLATTEAU (K.), « Article 90 EEC Treaty after the Court Judgment in the Telecommunications Terminal Equipment Case »,

E.C.L.R., 1991, pp. 105-112.

220 Concl. A.G. JACOBS (F.-G.), 20 mai 1992, Espagne, Belgique et Italie contre Commission, aff. C-271, 281, et 289/90, Rec. p. I-5833, pt. 50.

221 Dir. 94/46/CE de la Commission du 13 octobre 1994 modifiant les directives 88/301/CEE et 90/388/CEE en ce qui concerne en particulier les communications par satellite, J.O.U.E. n° L 268 du 19 octobre 1994, pp. 15-21, art. 1.

222 MIGUEL PAIS ANTUNES (L.), « L’article 90 du Traité CEE », R.T.D. eur., n°2, 14 juin 1991, pp. 187

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