Chapitre I - Etat de l’art: Toitures végétalisées, services écosystémiques et Technosol
Partie 1: Toiture végétalisée et services écosystémiques
I. Un champ d’étude pluridisciplinaire - Une toiture, des services rendus
Les services écosystémiques rendus par l’implantation d’une toiture végétalisée sont multiples et
touchent à de nombreuses problématiques liées à l’eau, l’alimentation, la biodiversité, le climat etc. De
ce fait, ces toitures constituent un champ étude multidisciplinaire, faisant appel pour leur conception à
de nombreuses disciplines : l’ingénierie, la biologie et notamment l’écologie, l’architecture, l’urbanisme
et la géographie comme ont pu le montrer Blank et co-auteurs (2013) lors d’une revue bibliométrique.
0 50 100 150 200 250 300 No m b re d e p u b li ca ti o n s
TV TV & TP TV & Sol
n = 1584 : TV
n = 60: TV et agriculture urbaine/production alimentaire (TP) n = 65 : TV et sol
Le Tableau 3 résume l’ensemble des services pouvant être attendus d’une toiture végétalisée
productive, la classification étant celle du Millenium Ecosystem Assessment
9. Ces services ont un
impact à différentes échelles : local comme la réduction de température, qui peut également être vu à
l’échelle d’un quartier ou d’une ville en fonction de l’importance du développement des toitures. Bien
qu’important, voir essentiel dans certains projets d’agricultures urbaines sur les toits, les services
culturels ne seront pas traités dans cette revue bibliographique car ils se situent hors du périmètre de
cette thèse.
Type de service Services attendus d’une toiture végétalisée productive
Service d’approvisionnement Production de biomasse alimentaire
Service de régulation Réduction du ruissellement et des crues
Atténuation de la pollution de l’air
Atténuation de la température locale
Isolation du bâti
Stockage de carbone et émission évité (transport)
Recyclage de nutriment et valorisation de résidus urbains
Réduction du bruit
Service de support Biodiversité
Service culturel Tourisme
Pédagogique/Education
Paysager
Tableau 3 : Services écosystémiques pouvant être attendus d’une toiture végétalisée productive
Une discipline émergente.
Si le potentiel de l’agriculture urbaine pour engendrer des services écosystémiques a fait l’objet de
récents articles dont des revues (Haase et al. 2014; Lin et al. 2015; Aerts et al. 2016; Russo et al. 2017;
Wilhelm and Smith 2017), peu d’études se sont attachées à des mesures quantitatives. Ainsi, dans une
revue de la littérature sur l’agriculture urbaine et péri-urbaine, Wilhelm et Smith (2017) n’ont trouvé
que 15 articles (soit 4,7% des articles cités) portant sur les services écosystémiques. Parmi ces 15
articles, seulement cinq ont une approche quantitative (dont un seul sur les toits productifs). Une seule
étude considère plusieurs services écosystémiques à la fois (Aloisio et al. 2016).
Seules 11 études de cas sont aujourd’hui publiées sur des toitures productives à base de sol (Tableau
4). Ces études portent majoritairement sur la fonction de production et la gestion des cultures
(fertilisation, 7 études). Trois études traitent de la rétention d’eau par ces toitures et de la qualité des
eaux de drainage. Deux études abordent la séquestration de carbone et l’analyse de cycle de vie. Ce très
faible corpus bibliographique nous pousse à élargir cet état de l’art à l’ensemble des toitures
végétalisées, productives ou non de biomasses alimentaires. Nous distinguerons dès lors les toitures dite
productives (i.e. de biomasses alimentaires) et non productives.
Dans la bibliographie sur les toitures végétalisées, les différents services écosystémiques pouvant être
attendus (Tableau 3) ont été très inégalement traités. Comme le montrent Harada et co-auteurs (2017)
la majorité des articles se sont concentrés sur des questions liées à l’hydrologie, à la thermique du toit,
aux plantes et d’autres sujets tel que les analyses de cycles de vies ou la planification urbaine. Un seul
service écosystémique est étudié dans la plupart des cas (Lata et al. 2017). Comme souligné par Czemiel
Berndtsson (2010), beaucoup d’auteurs se focalisent uniquement sur leur discipline ne permettant pas
d’avoir une vision globale. Ainsi, la notion de multifonctionnalité des toitures végétalisées n’a été
directement mise en avant qu’en 2015 par Lundholm (2015). Dans cette étude, l’auteur met en évidence
une relation positive entre les services rendus par une toiture et la diversité végétale qui y est présente.
De facto, il introduit la notion de « trade-off » ou compromis entre composantes biotiques et abiotiques
constitutives d’un toit vert vis-à-vis des services rendus. Ces compromis, déjà évoqués (Czemiel
Berndtsson 2010) n’ont été étudiés que très récemment (Aloisio et al. 2016; Dusza et al. 2017). A l’aide
d’une expérimentation sous serre, Dusza et al (2017) ont fait varier deux composantes biotiques d’une
toiture verte : les plantes via leurs taxons et le substrat au travers de sa nature et sa profondeur. Leurs
résultats montrent l’impact de chacune des composantes mais également de leurs interactions sur les
services rendus. De telles études sont rares et manquent pour permettre une vision intégrative des
toitures comme écosystème à part entière.
Tableau 4 : Etude de cas existants dans des revues à comité de lecture sur des systèmes de production en toiture à base de sol. (a) : (Aloisio et al. 2016); (b) : (Eksi et al. 2015); (c) : (Elstein et al. 2008) ; (d) : (Kong et al. 2015) ; (e) : (Orsini et al. 2014) ; (f) : (Sanyé-Mengual et al. 2015) ; (g) : (Whittinghill et al. 2013) et (h) : (Whittinghill et al. 2016b) ; (i) : (Whittinghill et al. 2014) ; (j) : (Whittinghill et al. 2015) et (k) : (Whittinghill et al. 2016a). ACV = Analyse de cycle de vie.
Réf. Objet de l’article Type/composition substrat
Fertilisation (F) & irrigation (I) Epaisseur du sol (cm) Temps d’étude Lieu d’expérimentation
(a) Effet du substrat et du type de plante sur (i) rétention d’eau, (ii) pertes en P et N eaux de drainage et (iii) production
Mix extensif ; Substrat « GaiaSoil » ; Terreau. I 11 45j New-York (USA)
(b) Impact du taux de matière organique sur la production Billes d’argiles expansées et sable en mélange avec un compost de jardin
F & I 12,5 6 mois Michigan University (USA)
(c) Potentiel de production et de rétention en eau de système sur substrat et en hydroponie
Terreau F & I 10,2 1 mois Toiture de Virginia Technology
(USA)
(d) Fertilisation d’un toit potager Substrat de toiture intensive F & I 11 2 mois Columbia University (USA)
(e) Comparaison du potentiel de production de différents systèmes de cultures
Terre végétale et compost F & I 20 21 mois Bologne (Italie)
(f) ACV de différents systèmes de cultures Terre végétale et compost F & I 20 21 mois Bologne (Italie)
(g) Evaluation du potentiel de production Billes d’argiles expansées [50%], sable [35%] et
compost de feuilles [15%]
F & I 10,5 3 ans Michigan University (USA)
(h) Test de différents mulch et fertilisation Substrat « XeroFlor » F & I 12,7 2 ans Michigan University (USA)
(i) Stockage de carbone par différents types de végétalisation (9 au sol et sur les toits ; dont un productif de biomasse alimentaire)
Substrat de toiture végétalisée « Renewed Earth, Kalamazoo »
F & I 10,5 3 ans Michigan University (USA)
(j) Comparaison de la quantité et de la qualité de l’eau entre différents types de toitures végétalisées : sedum, prairie et productif
Substrat de toiture végétalisée « Renewed Earth, Kalamazoo »
F & I 10,5 3 ans Michigan University (USA)
(k) Qualité de l’eau en provenance d’une ferme urbaine en toiture Rooflite F & I 20-25 8 mois Brooklyn Grange, New-York