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Les cellules neuroépithéliales, exprimant le filament intermédiaire Nestine, forment le tube neural à l’origine du système ventriculaire et du canal spinal adulte. Ce sont les cellules souches neurales primitives desquelles dérivent toutes les populations progénitrices du système nerveux central. Le neuroépithélium est une monocouche pseudo-stratifiée (tube neural) dont les cellules, allongées, se situent à la surface apicale (ventriculaire) de la lame basale (Götz, 2005b). Ces cellules possèdent une polarité apicale/basale classique de cellules épithéliales et se divisent à la surface ventriculaire. La division symétrique de ces cellules souches permet l’augmentation de leur nombre ; elle est suivie de la génération par division asymétrique d’une cellule souche résidante dans la zone ventriculaire et d’une cellule progénitrice qui va migrer, éventuellement proliférer, avant de quitter le cycle cellulaire pour s’engager dans une voie de différenciation neuronale (Wodarz, 2003 ; Haubensak, 2004) (figure 13a). La neurogenèse a lieu à E10,5 chez la souris. Au cours de celle-ci, le neuroépithélium se stratifie. Les cellules neuroépithéliales donnent alors naissance aux cellules de la glie radiaire qui se distinguent des cellules neuroépithéliales par l’expression de marqueurs gliaux tels que Glast, Blast ou RC2, épitope correspondant à une modification post-traductionnelle de la nestine (Kriegstein, 2003 ; Tramontin, 2003 ; Anthony, 2004 ; Götz & Barde, 2005 ; Götz & Huttner, 2005). Les corps cellulaires (noyaux) des cellules radiaires en division se localisent dans la zone apicale, dénommée zone ventriculaire. Les progéniteurs basaux qui en dérivent définissent la zone

sous-ventriculaire. Les neurones issus de la division asymétriques des cellules progénitrices migrent vers les couches les plus basales du neuroépithélium en développement. Les cellules de la glie radiaire s’étendent de la surface apicale de la zone ventriculaire jusqu’aux couches neuronales de la lame basale (figure 13b). Elles conservent une polarité apicale/basale et entrent en mitose à la surface apicale de la zone ventriculaire, ou très proche de la lumière du ventricule (Kriegstein, 2003). Elles sont reconnues comme étant la population majeure de progéniteurs neuronaux dans le cerveau embryonnaire des mammifères (Anthony, 2004 ; Götz & Barde, 2005). Lors de la neurogenèse corticale, qui débute à E10 chez la souris, la glie radiaire permet aux neurones néo-synthétisés de migrer le long de son extension pour qu’ils colonisent les différentes couches corticales (Götz, 2002 ; 2003).

La zone ventriculaire (VZ) est un donc épithélium pseudo-stratifié qui contient les cellules souches neurales multipotentes. Lors du développement périnatal, l'anatomie de cette région germinale se modifie profondément. Les cellules de la glie radiaire, caractérisées par le marqueur RC2, un épitope de la nestine, sont nombreuses à la naissance. Alors que ces cellules persistent à l’âge adulte chez les oiseaux, les reptiles et les poissons, elles vont disparaîtrent chez les mammifères (Merckle & Alvarez-Buylla, 2006). Le développement post-natal de la zone ventriculaire va mener à leur disparition progressive en quinze jours environ, disparition qui coïncide avec l'apparition dans la région sous-ventriculaire d’astrocytes germinatifs, caractérisés par l'expression du marqueur GFAP (Tramontin, 2003). Ces astrocytes (cellules de type B) sont issus des cellules de la glie radiaire de la zone ventriculaire : ils représentent la source principale de cellules souches neurales adultes (Doetsch, 1999 ; Tramontin, 2003 ; Merkle, 2004 ; Garcia, 2004 ; Merckle & Alvarez-Buylla, 2006) (figure 13c et 13d). Chez l’adulte, la SVZ (également appelée zone sous-épendymaire), est physiquement séparée de la lumière du ventricule latéral par une monocouche de cellules épendymaires ciliées qui servent notamment à la circulation du liquide céphalo-rachidien.

Ces astrocytes germinatifs, capables de générer aussi bien les neurones que les cellules de la glie, sont principalement situés dans deux régions : la zone ventriculaire (ou sous-épendymaire) du mur du ventricule latéral et la zone sous-granulaire du gyrus dente de l’hippocampe. Les cellules souches du cerveau adulte sont donc des astrocytes germinatifs, non seulement de part leur expression de la protéine GFAP (Doetsch, 1997 ; 1999), mais également par leur morphologie et les ultra-structures telles que les granules de glycogène, les agrégats de

Figure 13 : Cellules souches neurales et lignages cellulaires au niveau des ventricules latéraux du cerveau de mammifère. (Merkle & Alvarez-Buylla, 2006)

(a) Aux stades précoces du développement, les cellules neuroépithéliales qui composent le tube neural possèdent un mode de division symétrique qui leur permet d’accroître le nombre de cellules souches neurales (en bleu). Certains types de neurones sont également produits après division asymétrique. (b) Dans le cerveau embryonnaire, les cellules de la glie radiaire de la zone ventriculaire génèrent après division asymétrique soit un neuroblaste (en rouge), soit un progéniteur (en vert). Les neuroblastes migrent le long des extensions cytoplasmiques des cellules de la glie radiaire. Les progéniteurs sont à l’origine des neurones du striatum et des oligodendrocytes.

(c) Les cellules de la glie radiaire subissent une modification au cours de la période néonatale. En réorganisant leur cytosquelette, une partie d’entre elles donne naissance à des cellules ciliées, les cellules épendymaires. Une autre partie génère les astrocytes germinatifs de l’adulte (cellules souches neurales adultes). Enfin, elles peuvent également engendrer progéniteurs intermédiaires à l’origine des oligodendrocytes et des inter-neurones du bulbe olfactif.

(d) Dans le cerveau adulte, les astrocytes germinatifs conservent souvent un phénotype radiaire. Ils sont en contact avec le ventricule et la lame basale des vaisseaux sanguins et génèrent des oligodendrocytes et les inter-neurones du bulbe olfactif.

filaments intermédiaires et les jonctions de type gap (Doetsch, 2003b). Ces caractéristiques astrocytaires entraînent une confusion avec les astrocytes différenciés non germinatifs. L’élimination conditionnelle des cellules exprimant la GFAP mène à une perte quasi complète de neurogenèse (Garcia, 2004).

Chez l’adulte, la SVZ (ou région sous-épendymaire) est une région germinale spécialisée qui s’étend le long du ventricule latéral et qui produit de nouveaux précurseurs de neurones. Ces neuroblastes (cellules de type A), migrent sur de longues distances (3 à 8 mm chez la souris) le long d’une voie de migration dite « rostrale » communément appelée RMS (Rostral Migratory Stream) jusqu’au bulbe olfactif où ils se différencieront en interneurones glomérulaires et périglomérulaires du bulbe olfactif (Doetsch & Alvarez-Buylla, 1996 ; Doetsch, 1997 ; 2003a). Les cellules souches neurales (cellules de type B), quasiment quiescentes, persistent dans la zone sous-ventriculaire par division asymétrique (Anderson, 2001). Ceci leur permet de s’auto-renouveller, tandis que les progéniteurs primaires (cellules de type C) se divisent symétriquement afin d’accroître leur nombre (Haubensak, 2004 ; Noctor, 2004). Les cellules souches adultes astrocytaires (cellules de type B) donnent naissance aux progéniteurs en prolifération (cellules de type C), qui produisent à leur tour les neuroblastes (cellules de type A) (Doetsch, 1999) (figure 14a). Les cellules de type C forment une population hétérogène dont une sous-population exprime le facteur de transcription Mash1, un marqueur des précurseurs de neurones et d’oligodendrocytes (Parras, 2004 ; 2007). Certaines cellules C expriment également Olig2, un autre facteur de transcription bHLH (basic Helix Loop Helix), requis pour la production des oligodendrocytes et des moto-neurones, et génèrent non pas des neuroblastes, mais des oligodendrocytes (Marshall, 2005 ; Menn, 2006), et probablement des astrocytes (Marshall, 2005).

La couche sous-granulaire de l’hippocampe (SGZ) est la seconde région où l’on observe la production de nouveaux neurones chez l’adulte. L’hippocampe est une structure bilatérale et symétrique, faisant partie du système limbique qui gère les émotions, les mécanismes d’apprentissage et de mémorisation. La SGZ est une fine couche germinale située entre le hile de l’hippocampe et la couche granulaire. Dans le gyrus dente, de nouveaux neurones sont générés à partir de la SGZ, migrent sur de courtes distances et se différencient en neurones granulaires. La neurogenèse dans l’hippocampe a été corrélée à des mécanismes d’apprentissage et de mémorisation (Gould, 1999a ; 1999b ; Kempermann, 1997 ; 1998; Kempermann & Gage, 1999).

(a)

(b)

Figure 14 : Organisation et types cellulaires des deux régions majeures de neurogenèse du cerveau adulte murin. (Doetsch, 2003b)

(a) Schéma d’une coupe coronale montrant la zone sous-ventriculaire (SVZ, en orange) adjacente au ventriculaire latéral (LV), bordé par les cellules épendymaires ciliées (E, en gris). Dans la région sous-ventriculaire, les astrocytes germinatifs GFAP+ (cellules B, en bleu), sont les cellules souches neurales adultes, capables d’auto-renouvellement et majoritairement quiescentes. Le long du mur ventriculaire, la SVZ contient des précurseurs neuronaux ou neuroblastes (cellules A, en rouge) qui forment un réseau de voies de migration qui se regroupent au niveau antérieur dorsal de la SVZ pour la quitter et former une seule et même voie, la RMS. Cette voie de migration achemine rostralement les cellules A vers le bulbe olfactif où elles se différencieront en interneurones. Dans la SVZ comme dans la RMS, ces neuroblastes sont engainés par des prolongements de cellules de type B qui forment des tubes à l’intérieur desquels les neuroblastes se déplacent. Les progéniteurs neuraux (cellules C, en vert) forment de petits groupes de cellules hautement proliférantes, dispersés le long de la SVZ et de la RMS.

(b) Schéma d’une coupe coronale montrant la zone sous-granulaire (SGZ) du gyrus dente (DG, en orange) de l’hippocampe. Les astrocytes GFAP+ (cellule de type B, en bleu) sont les cellules souches donnant naissance aux précurseurs intermédiaires (cellules D, en jaune) qui génèrent les neurones granulaires (G, en rouge).

Contrairement aux progéniteurs intermédiaires de la SVZ (cellules de type C) qui sont de grande taille et hautement mitotiques (Doetsch, 1997), les précurseurs de la SGZ de l'hippocampe (cellules de type D, figure 14b) sont petites et ne se divisent pas fréquemment (Seri, 2001). Ceci suggère que l'amplification des précurseurs transitoires du gyrus dente, et donc la production de nouveaux neurones, est probablement limitée.

MELK (Maternal Embryonic Leucine Zipper Kinase) est un marqueur des progéniteurs neuraux multipotent capables d’auto-renouvellement dans le cerveau en développement (Nakano, 2005). Au niveau du gyrus dente adulte de l'hippocampe, l'expression de MELK n'est pas détectable. MELK n’est donc pas présente dans toutes les cellules souches neurales, ni exigée pour le maintien de l'état multipotent. L’absence d’expression dans l’hippocampe adulte suggère cependant qu'il existe des différences entre cellules souches et/ou progénitrices de l'hippocampe et celle de la SVZ. Le gène MELK est fortement exprimé dans les progéniteurs en prolifération in vivo et contrôle la prolifération des progéniteurs neuraux multipotents in vitro (Nakano, 2005). Ces progéniteurs hautement prolifératifs ne sont pas trouvés dans l'hippocampe adulte (Seri, 2001). Récemment des différences dans la capacité à former des neurosphères entre les cellules dérivées du gyrus dente et celles dérivées des ventricules latéraux ont été démontrées (Seaberg & van der Kooy, 2002). Selon cette étude, des cellules souches peuvent être isolées à partir des régions sub-épendymaires adjacentes de l'hippocampe, mais le gyrus dente adulte en lui-même ne contient pas de cellules souches neurales résidantes. En effet, bien que le ventricule latéral ainsi que d'autres régions sub-épendymaires directement adjacentes à l'hippocampe contiennent des cellules souches neurales, seuls des progéniteurs neuronaux et gliaux distincts, aux capacités d'auto-renouvellement limitées, seraient présents dans le gyrus dente adulte. Ce qui suggère que ce sont des progéniteurs neuronaux, et non pas des cellules multipotentes, qui seraient la source des neurones du gyrus dente générés au cours de la vie adulte (Seaberg & van der Kooy, 2002).

Les cellules souches neurales (Gritti, 1996 ; Temple & Alvarez-Buylla, 1999) et certains progéniteurs plus restreints (Tropepe, 2000 ; Seaberg & van der Kooy, 2002) sont capables de former des neurosphères clonales in vitro. Ces neurosphères sont essentielles à l'étude des aspects fondamentaux de la biologie de ces cellules : prolifération, multipotence, auto-renouvellement, longévité. La prolifération est définie comme la capacité de produire une neurosphère clonale en réponse à EGF et FGF2 (Reynolds & Weiss, 1992) ; la multipotence comme la capacité d'une cellule à produire les trois lignées cellulaires neurales principales (neurones, astrocytes et oligodendrocytes) (Gage, 1995 ; Gritti, 1996 ; Reynolds & Weiss,

1996 ; McKay, 1997 ; Palmer, 1997) ; l'auto-renouvellement comme la capacité de cellules issues de neurosphères dissociées à produire des colonies secondaires (Gritti, 1996 ; Reynolds & Weiss, 1996 ; McKay, 1997); la longévité comme le maintien in vitro des trois premières caractéristiques sur une longue période, mais aussi le maintien de la cellule in vivo durant toute la vie de l'organisme (Seaberg, 2005). Le terme de cellule souche fait référence à une cellule possédant ces quatre propriétés, celui de progéniteur à une cellule qui possède au moins une de ces propriétés, et le terme de précurseur se reporte plus généralement à une population mixte (Seaberg, 2005). La distinction entre cellules souches et progénitrices n'est donc pas insignifiante. Des différences fondamentales existent certainement entre une cellule qui persiste tout au long de la vie d'un organisme (et pendant de longues périodes de culture) en conservant ses capacités de proliférer, de s'auto-renouveler et de produire les trois lignées neurales majeures et une cellule qui ne possède ces propriétés in vitro ou in vivo seulement pendant un temps donné (Seaberg, 2005).