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Les cellules basales comme cellules progénitrices garantes de l’état de

2. Caractéristiques des cellules basales épididymaires

2.2. Les cellules basales comme cellules progénitrices garantes de l’état de

2.2.1. Ancien modèle de la régulation des cellules claires par les cellules basales

L’étude de Shum et al (Shum et al., 2008) présentait un modèle dans lequel les cellules basales épididymaires exprimaient spécifiquement AGTR2. L’activation de ce récepteur par l’angiotensine II serait capable de stimuler la sécrétion d’ions H+ par les cellules claires via une communication intercellulaire et la voie de signalisation NO/GMPc (figure 1). Cette communication permettrait de maintenir un pH luminal acide, essentiel à la maturation des spermatozoïdes (Shum et al., 2009).

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Figure 1. Représentation de la régulation de la fonction des cellules claires par les cellules basales (modifié de Breton et al., 2012). Les cellules basales étendent des projections apicales entre les cellules épithéliales pour atteindre la lumière de l’épididyme, en formant une jonction serrée tricellulaire. La liaison de l’angiotensine II au récepteur AGTR2 induit la production de NO dans ces cellules, qui diffuse au niveau des cellules claires et agit localement via la production de cGMP pour induire une accumulation de V-ATPase au niveau des microvillosités et donc une augmentation de la sécrétion d’ions H+.

Cependant, le profil d’expression génique des cellules basales réalisé dans ce travail a montré qu’AGTR2 était très fortement enrichi dans la fraction non-basale (12,13 fois plus dans la fraction non-basale), et donc non présent dans les cellules basales. Plusieurs études ont rapporté la présence d’AGTR2 dans des cellules dendritiques (Nahmod et al., 2003; Nie et al., 2009). Or les cellules dendritiques de l’épididyme ont été découvertes après l’étude de Shum et al. montrant AGTR2 dans les cellules basales (Da Silva et al., 2011), et aucune étude n’est venue par la suite préciser la localisation exacte

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d’AGTR2. L’absence d’AGTR2 dans les cellules basales vient controverser l’hypothèse d’une régulation des cellules claires par les cellules basales via ce récepteur.

2.2.2. Nouveau modèle de la fonction progénitrice des cellules basales

Notre étude a permis une évolution sur l’existence de cellules souches au sein de l’épididyme. En 1970, il a été suggéré que chez l’adulte, les cellules basales ne se divisaient pas et n’étaient pas des cellules souches (Clermont and Flannery, 1970). Toutefois, cette étude n’a été menée que dans des conditions normales, et l’existence de cellules souches pour régénérer un épithélium lésé par un stress, une infection ou une inflammation n’a jamais été recherchée. Malgré l’absence de caractère souche des cellules basales épididymaire, d’autres études ont ensuite montré que le développement des cellules basales semblait essentiel au développement de la queue de l’épididyme (Atanassova et al., 2005). Plus tard, il a été montré que des cultures primaires de cellules épithéliales étaient capables de former des sphères, ce qui suggère une capacité de cellules souches ou progénitrices au sein de l’épithélium (Kristensen et al., 2010). Cependant, ces caractéristiques n’avaient pour l’instant pas été attribuées aux cellules basales. En effet, il avait également été suggéré que les cellules basales n’étaient pas requises pour la différenciation des cellules principales, claires et étroites dans l’épididyme de souris (Murashima et al., 2011). Récemment, une autre étude concluait que les cellules basales n’avaient pas de capacités multipotentes (Shum et al., 2013), puisqu’ils n’observaient pas de co-expression transitoire entre un marqueur de cellules basales (KRT5) et un marqueur de cellules principales (l’aquaporine-9), ou entre KRT5 et un marqueur de cellules claires (V-ATPase) ; il faut néanmoins noter que cette absence de co-expression ne permet pas de démontrer l’absence de caractère progéniteur d’une cellule.

En 2009, Hamzeh et al (Hamzeh and Robaire, 2009) ont constaté qu’après orchidectomie, il existait une diminution de la prolifération cellulaire dans l’épididyme, alors qu’une restauration des apports en testostérone conduit à une réaugmentation de la prolifération, excepté dans le segment initial. Si la majorité du phénomène de prolifération concerne les cellules principales, il existe également une augmentation de la

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prolifération des cellules basales. De même, chez la souris, la ligature des canaux efférents entraîne des changements dans la morphologie des cellules basales avec disparition des projections apicales et une apoptose de certaines cellules basales après 24 heures (Kim et al., 2015). Cependant, 48 heures après la ligature, on observe une prolifération des cellules basales, dépendante des androgènes. Ces études suggèrent que la rupture de l’homéostasie de l’épithélium épididymaire conduit à une stimulation des cellules basales pour reconstruire un épithélium.

Plusieurs connexines ont été identifiées dans l’épididyme chez le rat : les connexines 43, 30.3, 31.1 et 32, et la connexine 26 chez les jeunes animaux (Dufresne et al., 2003). Dans notre étude, plusieurs connexines sont enrichies dans les cellules basales par rapport aux autres types cellulaires de l’épithélium. Il s’agit des connexines 43 (GJA1), 31 (GJB3), 30.3 (GJB4) et 31.1 (GJB5). La connexine 43 a été la première identifiée dans l’épididyme, et a dès le début été localisée entre les cellules basales et les cellules principales, ou entre les cellules basales et les cellules claires (Cyr et al., 1996). Ces données ont permis de suggérer que certaines fonctions de l’épithélium impliquaient les cellules basales, ce que nos résultats viennent confirmer. Les connexines sont également bien connues pour exercer un effet de proximité (également appelé «bystander effect»). Cet effet consiste en l’expression par des cellules d’une réponse biologique à un signal venant des cellules adjacentes, et a notamment été étudié dans les phénomènes de cytotoxicité, de radiations ionisantes et de tumorigénèse. Plusieurs connexines ont été identifiées comme participant à cet effet, dont les connexines 43 (Kwak et al., 2001), 26 (Garcia-Rodriguez et al., 2011) et 32 (Tanaka et al., 2001). Les hauts niveaux de connexines dans les cellules basales épididymaires pourraient donc être liés à un rôle de «senseur» de la santé de l’épithélium.

Dans notre étude, les cellules basales en culture se réorganisent pour former des sphères et on observe une perte du marqueur de cellule basale KRT5 et une apparition des marqueurs KRT8 et connexine 26. La connexine 26 est un marqueur de cellules en colonnes dans l’épididyme (Dufresne et al., 2003). Dans la trachée, il a été montré que la lésion de l’épithélium entraînait une migration des cellules basales, puis une prolifération et une différenciation (Crespin et al., 2014). La prolifération des cellules basales induit l’expression de la connexine 26, qui va réguler négativement la prolifération puis

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disparaître lors de la différenciation. Notre modèle de culture pourrait se rapporter à cette étude, avec une prolifération des cellules basales, une réorganisation, et l’apparition de la connexine 26 comme retour à un stade moins différencié. La connexine 26 était toujours exprimée par certaines cellules après 14 jours de culture ; maintenir la culture plus longtemps pourrait conduire à une disparition de la connexine 26 et l’acquisition de marqueurs de cellules principales, davantage différenciées.

Figure 2. Modèle de différenciation cellulaire dans l’épididyme adulte après une lésion de l’épithélium. Une rupture de l’homéostasie de l’épithélium (par exemple par inflammation ou infection) va stimuler les cellules basales via les connexines, qui vont alors se différencier en cellules en colonnes puis en cellules principales et claires afin de reformer un épithélium intact.

Épithélium différencié Cellules en

colonne Cellule basale

Lésion de l’épithélium

Activation des capacités progénitrices des cellules

basales Krt8 et Cx26 (Formation de cellules en colonne) Régénération de l’épithélium Connexines Prolifération Différenciation

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Pris ensemble, ces résultats permettent de proposer un modèle où les cellules basales agissent comme senseurs de la santé de l’épithélium et où en cas d’altérations, elles sont capables de se diviser et de se différencier pour reformer d’autres types cellulaires, voire de reconstituer un épithélium (Figure 2).