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Le CCC-IFAL ou l’illustration d’une nouvelle tendance de la politique culturelle

I. La politique culturelle de la France au Mexique, un modèle singulier

1) Le CCC-IFAL ou l’illustration d’une nouvelle tendance de la politique culturelle

L’IFAL est rattaché au Service de Coopération et d’Action Culturelle (SCAC) de l’ambassade de France au Mexique depuis 1998. Lorsqu’une telle fusion a lieu, on parle alors de Centre Culturel et de Coopération (CCC). Une dizaine de structures de ce type existe actuellement dans le monde104. Le conseiller de coopération et d’action culturelle (COCAC) est également le directeur de l’institut. L’action culturelle de l’IFAL est donc mise en œuvre par le COCAC.

      

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Le CCC-IFAL possède l’autonomie financière dont sont dotés les instituts culturels. Son budget pour 2008 est de 4 323 822 euros. Il met en œuvre la coopération technique, politique, scientifique et culturelle de la France au Mexique.

Les acteurs de l’action culturelle de la France au Mexique se divisent en trois cercles, selon le conseiller de coopération et d’action culturelle actuel. Le premier cercle regroupe des structures juridiquement ou budgétairement dépendantes du ministère des Affaires étrangères ou qui sont liées par convention au MAE. C’est le cas du CCC-IFAL et des Alliances françaises. Le deuxième cercle est composé de deux centres de recherche qui gravitent autour du CCC-IFAL. Le Centre d’Étude Mexicaine et Centre Américaine (CEMCA) possède un lien juridique avec le CCC, alors que l’Institut de Recherche sur le Développement (IRD) est lié à lui financièrement. Dans ce cercle d’acteurs, on trouve également les conseils de commerces extérieurs, la chambre franco-mexicaine de commerce et la mission économique. Le troisième cercle se compose des partenaires mexicains de l’action de la France. Nous présenterons brièvement les principaux acteurs.

La coopération avec ces acteurs a lieu dans le cadre de l’organisation d’évènements culturels cofinancés. En effet, avec la baisse régulière des budgets, le cofinancement est devenu un impératif le CCC-IFAL. C’est aussi une stratégie de la France qui ne veut pas imposer de projets, mais les organiser en partenariat avec les Mexicains.

Les partenaires de l’action culturelle de la France au Mexique peuvent être divisés en deux catégories, d’une part les institutions publiques et d’autre part les organisations ou entreprises privées. Les institutions publiques regroupent différents ministères du gouvernement mexicain : le Conseil National pour la Culture et pour les Arts (CONACULTA)105, le ministère des Relations Extérieures106 et le ministère l’Éducation

Publique107, mais aussi les mairies d’arrondissements108 du District Fédéral, en particulier

celles où se trouvent des Alliances. Les centres culturels dépendants de CONACULTA

      

105 Le Consejo Nacional para la Cultura y Las Artes (CONACULTA) n’est pas un ministère même si

son président possède le statut de ministre. Cette institution met en œuvre l’action culturelle au Mexique. L’Instituto Nacional de Antropología e Historia (INAH) se charge de tout l’aspect patrimonial de la culture, des fouilles archéologiques, des recherches anthropologiques et historiques. Cet institut possède son propre musée, le Museo National de Antropología e Historia, et sa propre université appelée Escuela National de Antropología e Historia (ENAH).

106 Secretaría de Relaciones Exteriores (SRE). 107Secretaría de Educación Pública (SEP).

108 Les mairies sont appelées “delegaciones”. Les mairies de Coyoacán, Benito Juarez, Gustavo

Madero et Tlapan sont celles qui organisent le plus d’évènements culturels en partenariat avec le CCC et les Alliances.

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sont également des partenaires pour l’organisation d’évènements culturels109, tout comme les départements culturels de l’Universidad Nacional Autónoma de Mexico (UNAM)110 ainsi que les grands musées nationaux111. Pour certains évènements fédérateurs, d’autres ambassades européennes ou d’Amérique latine se joignent au réseau français pour l’organisation d’évènements. Dans le domaine privé, les partenaires mexicains sont principalement des universités112 et des fondations privées, les plus importantes étant

celles des banques Bancomer et Banamex. Les centres commerciaux et les magasins de luxe font également partie de cette catégorie tout comme les galeries d’art, les théâtres et les salles de spectacles mexicaines.

Attardons-nous à présent sur l’évolution du rôle de l’IFAL. Lors de sa création, l’IFAL était l’une des principales institutions culturelles de la ville. De nombreux intellectuels renommés se sont rendus dans ses murs pour donner des conférences. Mais progressivement, son activité s’est restreinte ainsi que son poids comme acteur culturel à Mexico, et cela notamment depuis l’arrivée du nouveau conseiller. C’est maintenant un acteur de la coopération éducative avec le Mexique. Il y a quelques années encore, beaucoup d’évènements culturels étaient organisés en son sein : conférences, tables, rondes, projections, pièce de théâtre. Aujourd’hui, cette activité est très restreinte et l’activité principale de l’IFAL est devenue l’enseignement. Cependant, ce rôle a également été remis en cause dernièrement, car de plus en plus d’universités et d’écoles de langues mexicaines offrent des cours de français. La logique du CCC-IFAL étant de coopérer et de ne pas entrer en concurrence avec les partenaires mexicains, la fonction d’enseignement est en train d’être repensée. Les cours de français généraux devraient alors progressivement céder la place à la formation de professeurs, car, de plus en plus de Mexicains étudient le français aujourd’hui.

Au début des années 2000, sous la présidence de Vicente Fox le gouvernement mexicain a envisagé de rendre obligatoire l'enseignement d'une deuxième langue au secondaire - mesure dont le Français serait le grand bénéficiaire. Cette mesure, pourrait intervenir dans les années à venir113. La « formation de formateurs »114 est donc un       

109 Palacio de Bellas Artes, le Centro Nacional para las Artes (CENART), le Centro National de la

Danza, le Centro de la Imagen, le Laboratorio Alameda,

110 L’UNAM possède une Direction des arts visuels, de la danse et de la musique.

111 Museo Rufino Tamayo, Museo Nacional de Antropología e Historia, Museo de Arte Moderno

(MAM), Museo Nacional de Artes (MUNAL).

112 Comme l’Instituto Tecnológico de Monterrey (ITESM), ou l’université Iberoamericana. Tous

deux sont des établissements renommés.

113 Actuellement, le nombre d’enseignants de français, 1 500, ne suffit pas à répondre à une

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secteur où l’IFAL veut se positionner. Cependant, l’enseignement du français, même s’il est moins lucratif en raison de la concurrence, permet à l’Institut de rester un lieu vivant. Cela risque d’être remis en cause par son rôle de centre de formation de professeurs.

L’autre centre culturel français de Mexico est la Casa de Francia. Son rôle a également évolué au fil des ans, tout d’abord résidence de l’ambassadeur, la Casa de

Francia est devenue un centre de ressource sur la France contemporaine115. Là aussi de

nombreux évènements culturels étaient organisés, mais on parle aujourd’hui de sa possible fermeture.

Dans son télégramme de programmation, le conseiller affirme que toute action menée par l’IFAL doit reposer sur une coopération franco-mexicaine et sur du cofinancement. Cela limite évidemment l’offre, car la demande locale tend souvent à être « datée ». L’ancien COCAC affirme que ses partenaires voulaient voir le mime Marceau, lorsqu’il vivait encore ou « la nouvelle Édith Piaf ». Les partenaires locaux préfèrent en effet acheter ce qu’ils connaissent, ce qui limite l’action de diffusion culturelle des instituts, si ceux-ci ne fondent leur action que sur le cofinancement. En offrant aux partenaires ce qu’ils demandent, il est plus facile d’obtenir des financements.

Cependant, dans cette logique, le domaine artistique est défavorisé au profit de la coopération universitaire, qui intéresse plus les partenaires mexicains. Selon le nouveau COCAC, l’action culturelle doit favoriser la coopération dans le domaine de « l’ingénierie culturelle » plutôt que la diffusion culturelle.

La politique culturelle menée par l’ancien conseiller de coopération et d’action culturelle était, selon lui de « une politique culturelle et de coopération ». Elle favorisait la coopération universitaire et accordait une place importante à l’organisation d’évènements culturels. La politique actuelle, pour des raisons budgétaires, est plus orientée vers une politique de coopération dans le domaine de l’ingénierie et de l’éducation.

Cette réflexion nous amène à nous interroger sur l’importance de l’acteur dans la mise en œuvre d’une politique publique. La politique culturelle est-elle décidée depuis l’administration parisienne ou est-elle le résultat de « prérogatives des acteurs » ?

      

secondaire, il faudrait 10 000 professeurs. Ces chiffres nous ont été fournis par l’ancien COCAC lors de l’entretien réalisé le 25 février.

114 Termes utilisés par les fonctionnaires interviewés.

115 La casa de Francia a été inaugurée par Jacques Chirac en 1998. Elle hébergeait jusqu’à l’an

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