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I. Les tauopathies, des maladies hétérogènes

3. Les causes des tauopathies

Les évènements à l’origine des tauopathies peuvent être multiples. Ces pathologies sont en grande majorité sporadiques mais elles peuvent également résulter de diverses mutations génétiques. Parmi ces tauopathies, on peut citer par exemple : la dystrophie myotonique, les démences liées à la trisomie 21, la paralysie supranucléaire progressive (PSP) ou encore les démences fronto-temporales avec parkinsonisme liées au chromosome 17 (FTDP-17). Nous nous intéresserons plus particulièrement aux FTDP-17 car c’est la seule tauopathie où un lien direct a été décrit entre le développement de cette pathologie et des mutations au niveau du gène codant pour la protéine Tau, MAPT.

3.1 Les origines génétiques des tauopathies

3.1.1 Les mutations du gène MAPT

Les démences fronto-temporales avec parkinsonisme liées au chromosome 17 (FTDP-17) permettent de se rendre compte de l’importance des protéines Tau dans les mécanismes de dégénérescence neurofibrillaire. En effet, 53 mutations différentes ont été identifiées pour cette pathologie au niveau du gène codant pour la protéine Tau (Wolfe, 2009; Ghetti et al., 2015) (Figure 10). La plupart de ces mutations sont localisées au niveau du domaine de liaison aux microtubules de Tau altérant ainsi sa capacité à interagir avec les microtubules (Hasegawa, Smith and Goedert, 1998). D’autres mutations, telles que R406W, V337M et G272V, favorisent la phosphorylation des protéines Tau en facilitant leur reconnaissance par les kinases entrainant ainsi une diminution de leur capacité à lier les microtubules (Alonso et al., 2004). Certaines mutations, localisées notamment au niveau du site d’épissage 5’, modifient l’épissage alternatif de l’exon 10 entraînant un déséquilibre du ratio des isoformes 3R/4R de Tau (Hutton et al., 1998; D’Souza et al., 1999). Des travaux ont montré que certaines mutations faux sens, telles que K257T, I260V, G272V, G335V ou encore Q336R, confèrent aux protéines Tau la capacité à former des agrégats in vitro (Chang et al., 2008; Wolfe, 2009). Un grand nombre de mutations identifiées chez les patients atteints de FTDP-17 sont localisées au niveau de l’exon 10 du gène codant pour la

protéine Tau, c’est notamment le cas pour les mutations faux sens P301L (Dumanchin

et al., 1998; Hutton et al., 1998) et P301S (Bugiani et al., 1999; Sperfeld et al., 1999).

Au cours de ce travail, nous nous sommes intéressés plus particulièrement à deux mutants MAPT : P301S et P301L. Ces deux mutations partagent des caractéristiques communes. Elles diminuent toutes les deux l’interaction de la protéine Tau aux microtubules favorisant la déstabilisation de ces derniers (Hong 1998 ; Bugiani 1998). Elles sont également connues pour promouvoir l’agrégation des protéines Tau (Sergeant et al., 2008). Les mutations P301S et P301L présentent aussi quelques différences. En effet, le rôle de P301S sur la stabilité des microtubules est moins important que celui de P301L. La mesure par turbidimétrie du niveau de polymérisation des microtubules en présence de la protéine Tau Wild-type, Tau P301S ou Tau P301L, révèle que ces dernières induisent respectivement la polymérisation de 100%, 20% et 10% des dimères de tubuline (Bugiani et al., 1999). Une autre spécificité de la mutation P301S est l’âge d’apparition de la pathologie FTDP-17. La maladie se développe vers 30 ans chez les familles portant la mutation P301S tandis que l’âge d’apparition de la pathologie chez les familles possédant la mutation P301L est beaucoup plus tardif (Bugiani et al., 1999). Le remplacement du résidu proline par une sérine pour la mutation P301S pourrait expliquer les différences observées avec la mutation P301L. En effet, la présence de la sérine pourrait créer un nouveau site potentiel de phosphorylation de Tau au niveau du second domaine d’interaction aux microtubules. Or la phosphorylation de Tau est connue pour moduler son interaction aux microtubules. Ces observations pourraient expliquer pourquoi la mutation P301S promeut le développement de la pathologie FTDP-17 de façon plus précoce que P301L. D’ailleurs, une perte neuronale plus importante est observée dans les modèles murins transgéniques surexprimant la protéine Tau mutée P301S comparé aux modèles surexprimant P301L (Allen et al., 2002; Götz et al., 2010).

Figure 10 : Les Mutations du gène MAPT. Représentation schématique de la distribution des 53 mutations localisées sur le gène MAPT associées au développement des démences fronto-temporale avec syndrome parkinsonien liées au chromosome 17 (FTDP-17). La plupart des mutations sont situées dans les régions codantes des exons 9 à 13. Quelques mutations sont retrouvées également dans les introns encadrant l’exon 10. Modifié d’après (Ghetti et al., 2015).

3.1.2 L’influence des haplotypes

D’autres évènements se produisant au niveau du gène MAPT peuvent être associés au développement de tauopathies. L’inversion de 900 kb du génome comprenant un certain nombre de gènes, dont MAPT, définit deux haplotypes différents : H1 et H2. Il s’avère que l’haplotype H1 est associé à un risque accru de développer plusieurs tauopathies dont la paralysie supranucléaire progressive (PSP), la dégénérescence cortico-basale (DCB) et la maladie d’Alzheimer (Baker et al., 1999; Pittman et al., 2005). L’implication de l’haplotype H1 dans le développement de ces pathologies a été étudiée dans plusieurs études. La transfection de plasmides rapporteurs constitués du gène codant pour la luciférase couplé au gène MAPT (haplotype H1 ou H2) montre que le promoteur de l’haplotype H1 permet une expression plus efficace du transcrit Tau comparé à l’haplotype H2 (Kwok et al., 2004). Ces différences d’efficacité entre les deux haplotypes ont été associées à la présence de variant alléliques au niveau

1 9 10 11 12 13 R5H R5L K257T G272V I260V L266V G273R N279KK280 L284L L284R N296 N296N N296H K298E P301L P301S P301T G303V G304S S305I S305N S305S P332S S320F K317M L315R G335S G335V Q336R V337M D348G E342V S352L S356T V363I P364S G366R K369I E372G R406W N410H G389R T427M -10 -15 +16+14 +1 3+12 +11 +4 +3

de la région promotrice du gène MAPT (Rademakers et al., 2005; Caillet-Boudin et al., 2015).

3.1.3 D’autres altérations génétiques à l’origine des tauopathies

Certaines tauopathies ont pour origine des mutations génétiques ne touchant pas le gène codant pour la protéine Tau. C’est le cas notamment pour les démences familiales britanniques et danoises où des mutations de BRI2, un gène codant pour une protéine régulant le métabolisme de l’APP, ont été associées au développement de ces maladies (Tamayev et al., 2010). On peut citer également la dystrophie myotonique qui est caractérisée par une expansion de triplets CUG au niveau de la région 3’UTR du gène DMPK (dystrophy myotonic protein kinase) codant pour la myotonine, une kinase cAMP dépendante. Cette tauopathie est particulièrement intéressante car elle est associée à l’épissage anormal des transcrits Tau. En effet, une altération de l’épissage alternatif des transcrits Tau a été observée au sein des neurones présentant une dégénérescence neurofibrillaire. Il a été mis en évidence une augmentation de l’exclusion des exons 2 et 3 et une variation du rapport des isoformes 3R/4R (Kiuchi et al., 1991; Sergeant et al., 2001; Jiang et al., 2004). Cette altération de l’épissage pourrait résulter de la séquestration de certains facteurs d’épissage, tel que MBNL1, au sein des expansions de triplets CUG des transcrits DMPK (Brook et

al., 1992).

3.2 Les origines sporadiques des tauopathies

La plupart des tauopathies sont sporadiques. Certaines de ces pathologies peuvent résulter de phénomènes bien déterminés. Par exemple, les commotions cérébrales répétées notamment chez les boxeurs peuvent promouvoir l’apparition d’une tauopathie appelée : encéphalopathies traumatiques chroniques (Tokuda et al., 1991). Toutefois, dans la plupart des cas, les évènements à l’origine du développement des tauopathies restent obscurs. C’est notamment le cas pour la maladie d’Alzheimer (MA) bien que plusieurs facteurs de risques pouvent être associés au développement de cette pathologie. Par exemple, l’âge est le facteur de risque principal avec une prévalence de 15% après 80 ans. Il existe également des facteurs de risques environnementaux, tels que le tabac, l’alcool ou encore la pollution, le faible niveau

d’études, les troubles du sommeil, l’obésité... Certains gènes peuvent également influencer l’apparition de la MA. Parmi les facteurs de susceptibilité génétiques on peut citer le gène codant pour la protéine apolipoprotéine E (APOE), BIN 1 ou encore CLU (N. N. Chen et al., 2012; Leboucher et al., 2013; Reitz and Mayeux, 2014).

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