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Typologie et fréquence (%) des maltraitances commises sur des personnes âgées > 60 ans, sur 1 an

D. CAUSES IDENTIFIEES PAR LA LITTERATURE DE LA SOUS-DECLARATION DE LA MALTRAITANCE DE LA PERSONNE AGEE

1. Définitions et classifications trop nombreuses

Nous avons pu constater que nombreuses sont les définitions et classifications autour de la maltraitance de la personne âgée. Cela ne peut qu’engendrer des discordances dans

l’approche, l’analyse et l’interprétation des données sur la maltraitance de la personne âgée. C’est en partie pour résoudre cette problématique que l’étude ABUEL a vu le jour en Europe.

2. Méconnaissance du sujet par les professionnels

Depuis 43 ans de nombreuses publications traitant du sujet de la maltraitance de la personne âgée sont parues, par exemple nous avons pu recenser entre 1975 et 2018 : 2748 articles sur le référentiel PubMed avec les mots clés : Elder Abuse (maltraitance de la personne âgée).

Cependant, le concept reste très récent et les connaissances des professionnels à ce sujet sont parfois encore bien insuffisantes (27) . En témoigne une étude Israélienne qui a évalué et comparé les connaissances et attitudes des professionnels de santé (médecins et infirmières) à l’égard du phénomène de la maltraitance envers les personnes âgées. Il en ressortait

principalement que les médecins et les infirmières avaient un faible niveau de connaissance qu’il s’agisse de la maltraitance des personnes âgées en elle-même, mais aussi des lois et procédures (28).

Dans une étude américaine de 2012 (29), ayant pour objectif de comprendre les raisons de ce sous-signalement, tous les professionnels (infirmier, médecin, travailleurs sociaux) questionnés dans cette étude ont insisté sur la nécessité d’améliorer les formations concernant la détection et le signalement de la maltraitance.

3. Autres causes

Dans l’étude israélienne de 2010 précédemment citée, même si les médecins se disent conscients à 79 % de leur responsabilité dans le signalement des cas de maltraitance, ils évoquent, dans diverses proportions, de nombreuses raisons à la non-déclaration des situations de maltraitance :

- Ne pas vouloir être impliqué légalement dans le processus (64 %) ; - Être confrontés au refus de signalement de la victime maltraitée (49 %) ; - Ne pas avoir identifié les mauvais traitements au moment de la visite (44 %) ;

- Le fait de ne pas savoir comment signaler les situations de suspicion de maltraitance (33 %).

Dans une étude américaine de 2012 (29), ayant pour objectif de comprendre les raisons de ce sous-signalement, les médecins évoquaient :

- Un manque de temps, qu’ils préféraient consacrer au traitement de maladie prioritaire (mortelle) ;

- Un risque de perdre la confiance dans le maintien de la relation médecin-malade ; - La peur du risque des déclarations abusives, car la « suspicion ne signifie pas la

certitude » ;

- Et que cette déclaration relevait plus des travailleurs sociaux.

D’autres arguments sont évoqués dans la littérature pour expliquer cette barrière à la déclaration de situation de maltraitance envers les personnes âgées : (30)(31)

- La perte de la capacité de discernement et les troubles cognitifs de l’aîné ;

- Le refus de la personne âgée d’adopter des changements par peur de représailles ; - La complexité des relations familiales ;

- Les dilemmes éthiques ;

- Les désaccords entre les professionnels sur le niveau d’intervention requis en fonction des évaluations des risques futurs ;

- La volonté de la personne âgée de revenir sur ses dires en dépit du risque encouru et le refus de la personne âgée de prendre des mesures adéquates ;

- L’attachement affectif et le niveau de dépendance entre la personne âgée et l’auteur de maltraitance ;

- La menace d’être placé en institution pour ceux qui sont encore au domicile. Dans son ouvrage Le Docteur Hugonot (24) rapporte qu’en 1997 Mark Lachs et des

gérontologues évoquaient des causes similaires de sous-déclaration notamment le manque de formation, le manque d’intérêt médical pour ce problème, la crainte de se tromper et le manque de temps. Une étude irlandaise datant de 2010, interrogeant 192 médecins

généralistes, révélait quant à elle que 64,5 % d’entre eux avaient été confrontés à une situation de maltraitance de personne âgée et qu’ils étaient pour la plupart prêts à s’impliquer au-delà des soins médicaux, mais 76 % dénonçaient le besoin d’une meilleure formation en ce domaine (32).

4. Place du médecin généraliste dans la problématique

Comme le souligne Kurrle Susan dans une étude réalisée en Australie (33), le rôle du médecin généraliste dans l’identification des abus est essentiel. La grande majorité des personnes âgées consultent leur médecin généraliste au moins une fois par an, et le médecin généraliste

entretient une relation de longue date avec ses patients et la famille des patients. Il connaît leurs antécédents. De plus, le médecin généraliste dispose de dossiers médicaux détaillés (problèmes médicaux présents et passés, des médicaments et la situation sociale du patient). Ils sont donc idéalement placés pour identifier les mauvais traitements envers les personnes âgées.

Une étude canadienne datant de 2012 (34) fait le même constat, c’est-à-dire que les médecins de famille seraient bien placés pour voir les signes ou les symptômes révélateurs de mauvais traitements, étant donné qu’ils voient individuellement ses patients en moyenne 4 à 5 fois par année. Cette étude ajoute que les médecins sont les professionnels de santé qui signalent le moins de maltraitance de la personne âgée.

Une différence est faite par une équipe australienne qui considère que, bien que la gestion de tout problème médical incombe au médecin généraliste, des domaines tels que le conseil, l’organisation des services communautaires, la demande de tutelle ou l’organisation d’un hébergement alternatif peuvent être mieux traités par le personnel d'un service spécialisé de gériatrie. Le fait que le médecin généraliste ne s'occupe pas de ces aspects de la prise en charge du patient lui permettrait de maintenir une relation avec les deux parties dans la situation d’abus et de rester dans le rôle d’un conseiller de confiance.