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3. LA PERSONNE AGEE DENUTRIE

3.3. Les causes

Les causes sont multiples et peuvent être combinées les unes aux autres. Un état d’hypercatabolisme va généralement précipiter la survenue d’un état de dénutrition surtout si les modifications métaboliques liées à l’âge sont nombreuses et si les apports

21 alimentaires sont insuffisants. Nous traiterons l’impact du vieillissement, l’impact psycho socio environnemental, les conséquences d’un syndrome d’hypercatabolisme et l’impact des médicaments ainsi que des régimes dans la survenue d’un état de dénutrition.

3.3.1. Le vieillissement

Le statut nutritionnel sera fragilisé par les modifications physiologiques et métaboliques liées au vieillissement.

Comme nous l’avons vu précédemment l’appétit diminue spontanément, associé à une baisse de la perception des goûts et des odeurs ce qui va orienter les sujets âgés sur des aliments sucrés. La dégradation de l’état buccodentaire va entrainer une insuffisance masticatoire imposant une alimentation monotone, mal équilibrée et peu appétissante, menaçant le sujet âgé d’anorexie. Au niveau de l’appareil digestif, il va se produire une atrophie de la muqueuse gastrique avec un ralentissement de la vidange gastrique et intestinale. Cela va favoriser la stase intestinale donc la constipation et la pullulation microbienne.

La masse maigre diminue chez les personnes âgées et plus particulièrement la masse musculaire squelettique avec un déséquilibre favorisant la protéolyse ce qui participe à la sarcopénie. Cela entraine une baisse des capacités physiques et du périmètre de marche pouvant engendrer des difficultés d’approvisionnement en denrées alimentaires ainsi que pour la préparation des repas (Basdekis et De Franceschi, 2004).

Le vieillissement n’est pas à lui seul une cause de dénutrition, elle s’installe lorsque le vieillissement s’accompagne de pathologie dégénérative, de condition environnementale défavorable ou de difficultés psychologiques (Ferry et Alix, 2007). Enfin les conséquences de ce vieillissement, même chez un sujet en bonne santé, atteignent des fonctions qui jouent un rôle important dans la prise alimentaire.

3.3.2. Causes psycho-socio-environnementales

L’isolement social est fréquent chez la personne âgée, ne faisant que de s’accroitre avec l’avancée dans l’âge : disparition du conjoint, des amis, d’un proche ou d’un animal de compagnie, provoquant un désintérêt pour l’alimentation (Basdekis et De Franceschi, 2004).

Les difficultés financières peuvent apparaitre lors du décès de l’époux/épouse ou lorsque les sujets âgées dépensent une partie de leurs moyens financiers au profit de leurs descendants. Enfin, une ignorance des aides dont ils peuvent bénéficier vont les exclure des systèmes d’aides sociaux (Ferry et Alix, 2007).

La diminution des capacités physiques, parfois intellectuelles, le sentiment d’inutilité et de dépendance pour les actes de la vie quotidienne, l’isolement ou encore le veuvage sont autant de causes de dépression chez la personne âgée. Elle est présente en général lors d’une hospitalisation ou lors d’une entrée en institution. La prise alimentaire pourra se normaliser si la dépression est traitée (Ferry et Alix, 2007).

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3.3.3. L’hypercatabolisme

L’organisme va répondre aux agressions et aux états inflammatoires aigus ou chroniques par le syndrome d’hypercatabolisme. Il sera déclenché par les cytokines proinflammatoires : Interleukine 1 (IL-1), Interleukine 6 (IL-6), Tumor Necrosis Factor (TNF), sécrétées par les monocytes sanguins et macrophage tissulaires (Figure 14). Ces cytokines vont stimuler les cellules spécialisées pour combattre l’agression (lymphocyte en cas de pathologie infectieuses, phagocyte en cas de nécrose tissulaire, fibroblastes en cas de réparation tissulaire). Elles seront également responsables de fournir aux cellules les nutriments dont elles ont besoin (Raynaud-Simon et Lesourd, 2000).

En l’absence d’augmentation des apports alimentaires, les cytokines vont mobiliser les réserves de l’organisme par catabolisme (protéolyse pour fournir des acides aminés, lipolyse pour fournir des acides gras, ostéolyse pour fournir du calcium osseux…) (Raynaud-Simon et Lesourd, 2000). Il y a un risque chez les personnes âgées car leurs réserves sont déjà amoindries et elles ne seront pas reconstruites intégralement.

Au niveau hépatique, l’hypercatabolisme va entrainer une réduction de la synthèse des protéines de transport (albumine, préalbumine) pour permettre la synthèse des protéines inflammatoires de phase aiguë (protéine C réactive, orosomucoïde…) nécessaires pour la défense et la cicatrisation. Le syndrome inflammatoire sera alors prolongé provoquant une mobilisation et une perte des réserves nutritionnelles importantes chez le sujet âgé (Raynaud-Simon et Lesourd, 2000).

Chez un sujet jeune qui va reconstituer ses réserves cette réaction physiologique est sans danger si elle n’est pas trop intense, en revanche, cela peut s’avérer dangereux chez les personnes âgées (INPES, 2006). En effet, les modifications métaboliques induites par l’inflammation vont se cumuler avec celles liées au vieillissement et mettre le sujet âgé en situation à risque de dénutrition.

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3.3.4. Médicaments et régimes

Les personnes âgées sont des patients souvent polymédicamentés, ils vont donc prendre des médicaments avant et pendant leur repas. Ce qui nécessite l’ingestion d’une quantité importante de liquide s’accompagnant d’une sensation de satiété précoce et de réduction de la prise alimentaire. Certains médicaments favorisent des lésions buccales de type stomatite (inflammation de la muqueuse), glossite (inflammation de la langue), ulcération ou candidose (mycose buccale) (Bouteloup, 2005). Ces lésions sont sources de douleurs et souvent exacerbées par la prise alimentaire. D’autres médicaments entrainent des troubles digestifs, une diminution de la sécrétion salivaire provoquant une sécheresse de la bouche, ou encore une altération du goût (dysgueusie) et de l’odorat. Même si les données scientifiques sur les médicaments pouvant induire des distorsions gustatives sont peu nombreuses certains, ayant fait l’objet d’un rapport de cas, ont pu être répertoriés (Kettaneh et al., 2002 ; Martel et Gagnon, 2002). L’incidence serait plus importante avec les molécules captopril, zopiclone (goût amer), métronidazole (goût métallique), et les pénicillines.

La substitution du médicament en question pour un autre de sa classe ou d’une autre classe thérapeutique, la diminution de posologie, ou encore l’arrêt de son utilisation sont autant de solutions afin d’éviter ces effets indésirables pouvant impacter l’état nutritionnel des patients.

Les régimes diététiques (sans sel, hypocholestérolémiant, sans résidu…) au long cours sont dangereux car anorexigènes. Un régime, s’il s’avère nécessaire, doit être limité dans le temps. La diminution des sécrétions enzymatiques digestives et le ralentissement du transit intestinal survenant avec l’âge peut inciter les sujets âgés à s’imposer des régimes alimentaires aberrants responsables d’une alimentation déséquilibrée « Je ne mange jamais de légumes car cela me constipe… » (Ferry et Alix, 2007).