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Catte 2 A

Dans le document LES HOMMES ET LA PESTE EN FRANCE I (Page 34-44)

Historique des épidémies de peste

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Carte 2 B

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rement touché, spécialement l'Italie et la moitié orientale de la Gaule. Cons-tantinople n'est atteint qu'en 573-574.

Il en est, semble-t-il, de même lors des quatrième et cinquième poussées qui sévissent de 580 à 582 et de 588 à 591, en Occident seulement. Le fait qu'elles débutent dans le port de Narbonne en 580 est une sérieuse présomption d'ori-gine orientale, bien que celle-ci ne nous soit pas connue, mais on remarque encore qu'elles restent limitées aux régions méditerranéennes de l'Espagne, de la Gaule et de l'Italie. Leurs ravages paraissent assez graves, surtout parce qu'elles conjuguent leurs coups avec une violente épidémie de variole, peut-être la première en Europe, qui frappe aussi, vers 570, semble-t-il, toute l'Eu-rope continentale

La sixième poussée de peste, de 599 à 600 environ, entre encore en Occi-dent par Ravenne, Rome et Marseille, mais ne semble pas pénétrer très pro-fondément dans les terres, et les pertes sont sans doute moins élevées, sauf en certains lieux comme à Rome alors assiégée par les Lombards et où le pape Pélage II en meurt le 8 février 5 9 0 " .

La septième poussée, qui aurait touché en 608 les deux capitales du monde romain, Constantinople et Rome, est la plus mal connue, elle est aussi incer-taine par la nature du mal que par sa chronologie. La huitième, qui nous appa-raît limitée à Constantinople en 618, peut-être par la perte des documents qui s'y rapportent, entame une longue série de 12 poussées presque toutes orien-tales : en 628-632, 639-640, 654, 669-673, 684-688, 694-700, 704-706, 716-718, 725, 733-734, 740-751 et 763-767. L'Occident n'est alors atteint qu'à quatre reprises, de façon épisodique et toujours très limitée : Rome, Pavie, Marseille et la province d'Arles vers 654, Narbonne et sa région en 694, Carthage, la Sicile et la Calabre en 746, enfin Naples et l'Italie méridionale en 767.

Outre cet aperçu très sommaire sur l'extension et la chronologie des épi-démies, nous pouvons aussi dégager un certain nombre de traits caractéristi-ques, que l'on observera toujours identiques lors du troisième cycle de la peste qui s'étendra du 14* au 19* siècle, en particulier la non-persistance spontanée de la maladie en Europe occidentale et son irruption périodique par les ports en relation avec la Méditerranée orientale, où la famine succède à la peste parce que la main-d'œuvre des campagnes a été décimée ou a fui, comme le rap-portent Procope, Zacharie, le Rhéteur et l'Histoire nestorienne ou Chronique

de Seert pour 543, Théophane pour 556 et 608, etc.

La ressemblance est poussée au point que le récit de la peste de Marseille en 588, tel que le donne Grégoire de Tours peut être repris textuellement

16. Grégoire de Tours, Historia Prancorum, IV, 14 et 15 ; Marius d'Avenches, M.G.H., AA., XI, 238.

17. H. H. Mollaret et J. Brossollet, «La procession de saint Grégoire et la peste à Rome en l'an 590», Médecine de France, 199, 1969.

18. «Interea navis ab Spania una cum negucio solito ad portum eius adpulsa est, qui huius morbi fumitem secum nequiter deferebat. De qua cum multi civium mercarentur,

La peste justinienne 43 pour décrire celle de 1720 dans le même port : l'apport par un vaisseau marchand, le mal contracté par ceux qui achètent les marchandises, la maison vidée de ses habitants, puis, après un temps de latence, le déchaînement de l'épidémie dans tous les quartiers à la fois, la fuite des habitants, l'évêque alors en voyage qui revient au milieu de ses ouailles, les prières et oraisons du clergé, l'arrêt de la maladie, le retour de la population fugitive et la rechute, rien ne manque à un tableau qui se répétera malheureusement très souvent entre ces deux dates.

L'apport maritime de l'épidémie est en effet très fréquent, soit par trafic commercial, soit par transport de troupes : en 542, ce serait les soldats de Solomon venus faire campagne contre les Maures qui auraient apporté la peste de Constantinople à Carthage

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, et en 747, ceux de Constantin Copronyme, venus combattre les Sarrasins en Sicile, qui l'auraient rapportée à Constan-tinople

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.

Cependant, en Europe au moins, et à la différence de ce que l'on observera à partir du 14* siècle, la diffusion dans l'intérieur des terres semble, à cette époque, relativement restreinte. Ainsi que le soulignent plusieurs textes hagio-graphiques par le biais des miracles de saints arrêtant la peste, l'épidémie ne s'étend pas ou peu au-delà des bassins du Pô et du Rhône ou des fleuves côtiers méditerranéens, comme si, à la rupture de charge, le transport de la maladie n'était plus assuré.

En réalité, les trajets, les points de pénétration, comme les voies de diffu-sion et les zones atteintes révèlent probablement des traits importants du peuplement et des échanges commerciaux des 6* et 7

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siècles en Occident : ils signent non seulement la persistance du commerce avec Byzance, Alexan-drie et Carthage, des ports occidentaux de Ravenne, Rome, Gênes, Marseille, Narbonne, etc., qui sont les portes de la peste parce que les portes de l'Orient (Venise, Gênes et Marseille en paieront le prix jusqu'aux 17" et 18" siècles), mais aussi l'importance des communications fluviales, comme l'axe Rhône-Saône qui apparaît lors de plusieurs épidémies, et le maintien dans les zones

unam contestili) domus, in quo octo anime erant, hoc contagio interfectis habitatotibus, relieta est vacua. Nec statem hoc incendium lues per domus spargi tus totas ; sed, inter-rupta certi temporis spacio, hee velut in sagittem fiamma accensa, urbem totam morbi incendio conflagravit. Episcopus tamen urbis accessit ad locum et se infra basilice sanai Victoris septe contenuit cum paucis, qui tune cum ipso remanserant, ibique per totam urbis stragem orationibus ac vigiliis vacans, Domini misericordia(m) exorabat, ut tamdem cessante interim populo liceret in pace quiescere. Cessit vero plaga valde mensibus duo-bus ; cumque iam securus populus redisset ad urbem, iterum succidentem morbo, qui redieraent sut defuncti. Sed et multis vicibus deinceps ab oc interitu gravata est.»

19. El Haddad, Histoire de la peste en Tunisie de l'Ant'tqmtè jusqu'à nos jours, Paris, 1935. Cette assertion contredit le texte de Corippus d'après lequel elle serait venue d'Egypte à Carthage.

20. A. Corradi, Annali delle epidemie occorse in Italia dalle prime memorie fino al 1850, Bologne, 1863.

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infectées d'une vie urbaine suffisamment importante pour permettre le déve-loppement de la maladie.

Les pertes humaines dues aux pestes du Haut Moyen Age sont bien diffi-ciles à évaluer, les écrivains de cette époque ne recourant guère à l'estimation numérique que pour donner des chiffres ayant valeur de symbole ou de figure de rhétorique, c'est-à-dire le plus souvent exagérés. A Constantinople, selon Evagre, la peste de 542-543 aurait fait 300 000 victimes, c'est-à-dire la moitié ou le tiers de la population de la ville, ce qui n'est pas invraisemblable. D'au-tres parlent de melior pars popularum du monde entier (Victor de Tunis) d'innumerabilis populus devastatus (Marins d'Avenches pour l'Italie et la Gaule

en 570-571), de tota paene Hispartia contrita (Chronique de Saragosse pour

542-543), ou, comme Paul Diacre, décrivent les villes et les bourgs déserts, les campagnes silencieuses où errent les troupeaux sans bergers.

Il est peu probable, vu l'extension limitée du fléau et le faible nombre de ses poussées, spécialement en Occident, qu'il ait pu seul, comme il le fera au 14* siècle, enlever le tiers ou le quart de la population totale. Mais il a cer-tainement porté un coup sensible au peuplement des régions méditerranéennes et l'on peut penser que s'il y a encore eu dans ces régions quelques remontées démographiques, brèves et locales, les grandes pestes du Haut Moyen Age associées à la variole21 ont, comme au 14' siècle, transformé en chute catastro-phique, soit un déclin démographique amorcé au Bas Empire et accéléré lors des grandes invasions, soit un redressement démographique encore récent et mal assuré. Il n'est pas douteux que sous l'effet conjugué de ce complexe épi-démique, la population, en Occident, et peut-être même en Orient, a atteint aux V et 8* siècles son point le plus bas depuis le haut Empire romain.

Une telle chute a certainement eu des conséquences financières importantes, non seulement pour les particuliers (la novelle 137, édit 7 de l'empereur Justinien, concerne les difficultés des banquiers-changeurs qui se trouvent dans l'impossibilité de récupérer les créances contractées de gré à gré, avec des per-sonnes décédées par la suite de la peste, et dont les héritiers refusent de reconnaître la réalité"), mais aussi pour les finances publiques et spéciale-ment celles de l'Empire byzantin dont le nombre des contribuables a été sévè-rement amputé à chaque poussée épidémique. Certains, nous l'avons vu, ont accusé la peste justinienne d'avoir fait échouer la politique de reconquête de Justinien et provoqué le déclin de l'Empire byzantin. Cette affirmation peut paraître prématurée au 6* siècle, mais il n'en reste pas moins que les vides creusés dans la population de certaines régions, et l'affaiblissement militaire résultant à la fois des difficultés de recrutement et de l'épuisement du trésor, 21. Dans les régions plus nordiques, la population semble progresser jusqu'à l'arrivée de la variole. Il en est ainsi pour Paris mérovingien jusque vers 570-580 d'après M. Fleury, «Paris du Bas-Empire au début du XIII* siècle», in Paris, croissance d'une capitale, Paris, Hachette, 1961, p. 73-96.

22. Nous remercions Mme E. Patlagean pour les précieux renseignements concernant

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