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Catalyse de la réduction du dioxygène par P aeruginosa

III.1 Introduction

L’objectif à long terme de ce travail était de mettre au point une méthode de détection rapide de P. aeruginosa directement utilisable dans les réseaux d’eau. Pour cela il était important de parvenir à détecter la bactérie en présence de dioxygène. Les méthodes électrochimiques, comme décrit précédemment (§ I.3.3.3), sont des méthodes très intéressantes du point de vue de leur rapidité. Cette première phase de l’étude consiste donc à déterminer si P. aeruginosa est détectable par voie électrochimique, et de quelle manière se fait cette détection. Nous souhaitions également déterminer si des différences existaient suivant la virulence des bactéries, lors de la production importante d’EPS par exemple.

Comme présenté dans le chapitre I (§ I.2.4.2.1), des souches de P. aeruginosa ont déjà été identifiées dans les compartiments anodiques de certaines piles à combustible microbiennes. Des études sur les mécanismes ont montré que les phénazines, pigments naturellement produits par P. aeruginosa et diffusibles dans le milieu, assuraient le transfert d’électrons de la bactérie à l’électrode. Mais ces études ont toutes été effectuées en absence de dioxygène.

Dans ce chapitre nous étudions l’électroactivité de P. aeruginosa en présence de dioxygène et nous analysons le transfert d’électrons entre l’électrode et la bactérie. Plusieurs méthodes électrochimiques ont été utilisées. Tout d’abord la voltammétrie cyclique communément admise comme méthode rapide de détection de l’électroactivité, puis la chronoampérométrie pour analyser les processus de transfert d’électrons en régime stationnaire.

Les essais ont essentiellement été réalisés sur la souche PA01. Les souches présentant des phénotypes particuliers ou mutées ont été évaluées pour mieux cerner le processus mis en cause. Ces essais ont alors été réalisés dans les conditions standards définies précédemment. Des tests complémentaires ont été réalisés en modifiant ces conditions pour la souche PA01.

III.2 Catalyse de la réduction électrochimique du dioxygène par P. aeruginosa mesurée par voltammétrie cyclique

III.2.1 Article “Electrochemical reduction of oxygen catalyzed by Pseudomonas aeruginosa”

Les premières expériences ont eu pour objectif de déterminer si P. aeruginosa pouvait s’avérer électroactive dans ses conditions normales de métabolisme, c’est-à-dire en présence de dioxygène. Ces travaux ont donné lieu à la publication « Electrochemical reduction of oxygen catalized by Pseudomonas aeruginosa » dans le journal Electrochimica Acta. Un résumé en français de cette étude est présenté avant l’article lui-même. Plusieurs expériences permettant de compléter la compréhension des mécanismes impliqués sont ajoutées à la suite de la publication.

Le pic de réduction du dioxygène dissous obtenu en VC qui commence à -0,37 ± 0,01 V/ECS dans du tampon phosphate seul est déplacé en présence de P. aeruginosa après 1h de contact entre les bactéries et les électrodes. Dans ces nouvelles conditions, la réduction commence à -0,18 ± 0,01 V/ECS et atteint son maximum à -0,44 ± 0,03 V/ECS avec une intensité de -11,4 ± 0,4 µA, qui est quatre fois supérieure à l’intensité obtenue dans le tampon phosphate seul à potentiel égal. P. aeruginosa est donc capable de catalyser la réduction électrochimique du dioxygène.

Après avoir montré que P. aeruginosa était capable d’utiliser une électrode en carbone vitreux comme donneur d’électrons, nous avons essayé de progresser dans la compréhension du mécanisme. Différents temps de contact (15 s, 15 min, 30 min et 1 h) entre les bactéries et les électrodes ont été testés, montrant une augmentation de l’amplitude de la catalyse avec le temps de contact. Dès 15 min, la catalyse est observable mais l’activité devient maximale après une heure de contact. Nous avons d’abord pensé que ce temps d’attente correspondait au temps nécessaire aux bactéries pour adhérer à l’électrode de travail. Les observations au microscope électronique montrent qu’après quelques secondes, un recouvrement de l’électrode identique à celui observé après une heure est atteint. Ce temps de contact d’une heure est nécessaire pour que la catalyse ait lieu mais l’intensité de cette dernière n’est pas corrélée au nombre de bactéries à la surface de l’électrode. Cependant c’est bien ce qui est adsorbé ou adhéré à la surface de l’électrode qui est responsable de la catalyse puisque le phénomène persiste après avoir transvasé les électrodes dans du tampon neuf. De plus, le

filtrat n’a qu’une très faible activité, ce qui montre que les phénazines ou d’autres molécules médiatrices solubles ne sont pas responsables du phénomène. L’adhésion des bactéries est bien nécessaire mais pas suffisante.

Puisque la présence des bactéries n’est pas suffisante pour obtenir la catalyse, deux hypothèses peuvent être émises. La première est que les bactéries sont simplement adsorbées sur la surface de l’électrode aux temps de contact courts (15 s) et que le transfert d’électrons nécessite une adhésion active de la part des bactéries (après 1 h). La deuxième est que les bactéries au contact de l’électrode ont besoin de temps pour produire certains composés électroactifs.

La première hypothèse est assez difficile à vérifier. Il est en effet difficile de savoir si l’attachement irréversible des bactéries a été atteint. Cependant plusieurs pistes nous mènent vers la seconde hypothèse. Tout d’abord, aucune différence n’a été observée en microscopie entre les bactéries en contact avec l’électrode durant quelques secondes, et celles en contact durant une heure. Ensuite, l’alginate et les pili qui sont tous deux impliqués dans la phase d’adhésion irréversible ne semblent pas avoir d’effet sur la catalyse (voir § III.2.2 pour plus de précisions).

La deuxième hypothèse semble donc plus probable. De plus, plusieurs études ont démontré l’activité électrochimique de certaines enzymes membranaires contenant un noyau hémique comme par exemple la catalase. Nous avons donc lancé différents essais afin d’explorer cette hypothèse. Des mutants de P. aeruginosa PA14 défectueux dans la production de catalase ont été testés et présentent la même électroactivité que la souche sauvage. La catalase n’est donc pas indispensable dans ce transfert d’électrons. Mais d’autres enzymes hémiques sont présentes au niveau de la membrane ou dans l’environnement très proche de la bactérie et peuvent être suspectées : oxydase, cytochrome, rubrédoxine, ferrédoxine…