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Le plan expérimental de type case-time-control est une extension du case-crossover, qui a été développé par Suissa au milieu des années 1990 pour s'affranchir d’une tendance temporelle d’exposition dans l'étude de l'association entre les bêta-2-agonistes et le risque d'asthme aigu grave (Suissa 1995, Suissa 1998). En effet, plus la maladie asthmatique s'aggrave, plus le traitement s'intensifie d’une part, et plus la maladie asthmatique s'aggrave, plus le risque d'asthme aigu grave augmente d’autre part. Les OR obtenus dans une étude en case-crossover simple peuvent représenter en partie une augmentation de la prévalence de l'exposition, et en partie une association

entre l’exposition et l’évènement. Plus généralement, la tendance à l'augmentation de la prévalence de l'exposition peut refléter notamment les modifications des pratiques médicales, l’arrivée sur le marché d’un nouveau traitement, l'élargissement des indications, la compliance des patients ou encore les pratiques marketing des industriels. Cette tendance doit donc être recherchée et prise en compte. Le principe ici est d’évaluer cette tendance dans un groupe témoin (patients qui n’ont pas l’évènement d’intérêt, mais issus de la même population source), ce qui permet de mesurer une évolution temporelle de l'exposition chez les témoins sur les mêmes périodes que celles définies dans le groupe des cas (voir Figure 3). Une méthode simple pour rechercher la stabilité de la prévalence de l'exposition au cours du temps consiste à représenter graphiquement le nombre de prescriptions par unité de temps. Dans la Figure 3, la ligne supérieure représente l’évolution du temps chez les cas, et la ligne inférieure, celle chez les témoins. L’évènement est représenté par un accident de voiture, et la période cas par une zone hachurée. La période index chez les témoins correspond à la même période calendaire. La période contrôle est représentée par la même zone hachurée mais la veille de l’évènement. Chez les témoins, le taux d’exposition dans la période index (concomitante à la période à risque pour les cas) est rapporté au taux d’exposition dans la période contrôle, ce qui permet de calculer un OR de l'exposition dans le groupe témoin (ou control-crossover odds-ratio). Si celui-ci est différent de 1, cela implique une différence qui se traduit par l’existence d’une tendance temporelle d’exposition qu’il convient de prendre en compte. Le rapport de ces deux OR produit un OR ajusté sur la tendance temporelle de l'exposition. En l’absence de tendance temporelle d’exposition, l’OR de l'exposition chez les témoins vaut 1, et par conséquent l’OR estimé avec la méthode case-crossover n’est pas biaisé.

Figure 3 : Principe des case-time-control

S. Wang a étudié l’importance du biais résultant d’une tendance temporelle d’exposition dans les périodes suivant immédiatement la mise sur le marché de nouvelles molécules, et confirme que ce biais est corrigé avec l’utilisation de la méthode de case-time-control (Wang, Schneeweiss et al. 2014).

Enfin, comme pour les méthodes case-crossover, il est possible de mesurer l’exposition sur plusieurs périodes contrôle : une étude de simulations indique que dans cette situation, la méthode d’estimation du risque est plus puissante que le modèle avec une seule période de référence, c’est-à- dire qu’à nombre constant de cas, plus il y a de périodes contrôles, plus la puissance augmente ; par ailleurs, la méthode avec plusieurs périodes contrôles est relativement robuste même quand l’hypothèse d’indépendance de la probabilité d’exposition sur deux périodes n’est pas vérifiée, notamment lorsque la corrélation entre la probabilité d’exposition sur deux périodes consécutive augmente (Jensen, Gerds et al. 2014).

Pour illustrer la méthode de case-time-control, nous présentons l’étude du risque d’hémorragie sous-arachnoïdienne lié à l’utilisation d’antiagrégants plaquettaires ou anti-vitamine K (Risselada, Straatman et al. 2011). L’étude était menée sur les bases de données PHARMO, qui comprend des informations sur les médicaments dispensés par les pharmacies d’officine, ainsi que les données de séjours hospitaliers, et couvrent plus de 3 millions d’habitants aux Pays-Bas. Les cas étaient définis par une première hospitalisation pour hémorragie sous-arachnoïdienne entre janvier 1998 et décembre 2006. L’exposition était définie par une dispensation d’antiagrégants plaquettaires ou anti-vitamine K. Les patients étaient classés en non utilisateurs, utilisateur en cours (si usage à la date d’hospitalisation), arrêt récent (dans le mois précédant l’hospitalisation), ou arrêt ancien (plus d’un mois avant l’hospitalisation). Le statut d’exposition était étudié dans le mois qui précède l’hospitalisation pour hémorragie sous-arachnoïdienne, et comparé à celui sur 11 périodes contrôles consécutives d’une durée de 1 mois précédant la période à risque. Dans cet exemple, une tendance temporelle d’exposition était explorée et une augmentation de la prévalence d’exposition aux antiagrégants plaquettaires et aux anti-vitamine K était mise en évidence sur la période d’observation. Avec l’analyse case-crossover, l’utilisation d’antivitamine K était associée à un risque significatif d’hémorragie sous-arachnoïdienne mais pas l’utilisation d’antiagrégants plaquettaires. L’ajustement par la méthode case-time-control montrait une atténuation du risque, indiquant l’existence d’un biais lié à une tendance temporelle d’exposition pris en compte.

Une des limites du case-time-control est que l'aggravation de la maladie sous-jacente, indiquant la prise du traitement à l’étude, peut se faire à une vitesse différente entre les cas et les témoins, introduisant à nouveau un biais lié à la gravité de la pathologie (facteur de confusion) qui peut être difficile à vérifier. Il est donc important de bien connaître l'histoire naturelle de la

pathologie étudiée. Par ailleurs, le biais de sélection lié au choix des témoins reste une limite majeure de ce plan expérimental, au même titre que dans les études cas-témoins classiques (Suissa 1995). Si le groupe témoin est inapproprié, la mesure de la prévalence d’exposition et de la tendance temporelle d’exposition dans ce groupe ne fournit pas une estimation fiable de ces paramètres dans le groupe des cas (Greenland 1996).