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3. Contamination des eaux de surface par les eaux de drainage, quelles solutions possibles ?

3.5. L’efficacité des zones humides

3.5.3. Cas particulier des mares

Les mares sont des étendues d’eau stagnante de surface et de profondeur relativement faible, non plantées mais pouvant être naturellement colonisées par une végétation caractéristique de milieu présentant un engorgement en eau permanent (Sac et Benoit 2007). La végétation hygrophile présente dans ces zones est composée de plantes herbacées et émergées, de plantes submergées et flottantes. Les mares sont peu présentes dans le paysage agricole, en particulier dans les zones agricoles à vocation culturale. De ce fait, la capacité épuratrice des mares a été peu étudiée (Tableau I-3).

Les mares peuvent être utilisées comme réservoir d’eau pour l’irrigation dans les régions géographiques présentant un déficit hydrique. Lors des épisodes pluvieux, les eaux de ruissellement et/ou de drainage peuvent être détournées dans des mares puis stockées durant plusieurs jours voire plusieurs semaines. Dans ce type de dispositif, Rose et al. (2006) ont suivi l’atténuation des concentrations en pesticides mesurés dans deux mares successives (non-végétalisée et végétalisée) de 100 m3 chacune. L’atténuation du diuron, de l’aldicarb et du fluometuron a été suivie durant cinq périodes d’incubation (période entre deux irrigations), comprises entre six périodes d’irrigation. L’efficacité des mares durant les périodes est comprise entre 27 et 55 % pour le diuron, entre 15 et 39 % pour l’aldicarb et entre 0 et 34 % pour le fluometuron. Aucune différence significative n’a été observée entre la mare végétalisée et celle non-végétalisée. Cette expérience a été reconduite une seconde année. Seul le fluometuron a été mesuré et l’efficacité des mares a été de 58 % et 41 %, respectivement, pour la mare végétalisée et non-végétalisée. De plus, le temps de demi-vie du fluometuron est passé de 13,8 ± 1,3 jours à 5,5 ± 0,4 jours la seconde année. Les auteurs expliquent ces résultats par une augmentation du recouvrement de la mare végétalisée et par une forte prolifération d’algues dans la mare non-végétalisée. Enfin, les auteurs montrent une accumulation des pesticides dans les sédiments des deux mares. Cette observation indique que les processus d’immobilisation sont des processus essentiels dans le fonctionnement des mares et dans l’atténuation des contaminations. Par ailleurs, des mares temporaires, créées en contrebas de parcelles agricoles à l’aide de talus, ont permis de diminuer la charge sédimentaire de 54 à 85 % et de réduire le flux de terbuthylazine de moitié par rapport à une zone sans talus (Fiener et al. 2005). Dans le cas de ces mares temporaires, les concentrations en entrée étaient comprises entre 6,1 et 41,6 µg.L-1 alors que la concentration en sortie était relativement stable (19 µg.L-1). Par conséquent, le pic de concentration a été réduit et le flux de terbuthylazine a été étalé et réduit au cours du temps.

Tableau I-3 : Données issues de 6 études traitant de l’efficacité de fossés ou de mares pour lutter contre la contamination des eaux de surface par les pesticides en conditions de terrain ou simulées.

Références Sites Type Végétation Longueur

Volume Molécules Contamination (mg.L-1) Abattement (%)

Elsaesser et al. (2013) Landau Campus,

Allemagne Fossé Oui 45 m Indoxacarb, tébuconazole, thiacloprid, trifloxystrobin 0.005 à 0.02 92 à 97 Margoum et al. ( 2003) La Jaillière, France (Charme) Fossé Oui 100 m Diflufénican, diuron,

isoproturon 0,47 à 5 0 La Jaillière, France (Coraux) Fossé Oui 100 m Diflufénican, diuron,

isoproturon 0,17 à 3,4 < 1 à 17 La Jaillière, France (Erine) Fossé Oui 50 m Diflufénican, diuron,

isoproturon 0,7 à 5,3 8 à 23 La Jaillière, France (Froust) Fossé Oui 300 m Diflufénican, diuron,

isoproturon 0,4 à 2,25 34 à 70 Moore et al. ( 2001) Mississipi Delta, Indianola,

USA Fossé Oui 50 m Atrazine/lambda-cyhalothrin 67,4 à 0,46 100 Moore et al. (2008) Yolo Country, California,

USA Fossé en V Oui 116 m Diazinon/permethrin 0.02 à 0.19 n.d. Yolo Country, California,

USA Fossé en V Non 116 m Diazinon/permethrin 0.02 à 0.19 n.d. Yolo Country, California,

USA Fossé en U Oui 116 m Diazinon/permethrin 0.02 à 0.19 n.d. Fiener et al. (2005) Farm of the Munich

Reseach, Germany

Mares Non 221 à

486 m3 Terbuthylazin 0,006 à 0,042 0 à 52 Rose et al. (2006) New South Wales, Australia Mares Non/oui 2×100 m3 Alicarb, diuron, endosulfan,

fluometuron 0,006 et 0,09 0 à 55 n.d. : données non disponibles

Conclusion

Cette synthèse bibliographique montre l’importance de la problématique de la contamination des eaux de surface en pesticides par le drainage agricole. Les conditions agropédoclimatiques lorraines rendent vulnérables de nombreux secteurs aux transferts de pesticides (Figure I-7). La densité du réseau hydrographique, la nature des sols ou encore le taux de parcelles drainées sont des paramètres qui influent sur les quantités de pesticides exportées. L’orientation technique des exploitations joue aussi un rôle important. Ainsi, en Lorraine, les secteurs présentant les plus forts taux de drainage sont aussi ceux où les grandes cultures prédominent. Ces activités étant très consommatrices d’intrants (produits phytosanitaires, engrais), la qualité de la ressource en eau dans ces secteurs est souvent affectée.

Face à cette problématique, l’importance de trouver une solution complémentaire à la réduction et l’optimisation des pratiques agricoles s’est avérée primordiale pour différents acteurs régionaux de l’agriculture et de la protection/gestion de l’eau tels que la Chambre Régionale d’Agriculture de Lorraine (CRAL), l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) de Mirecourt, l’Agence de l’Eau Rhin-Meuse (AERM) et l’Université de Lorraine (UL). L’utilisation de Zones Tampons Humides Artificielles (ZTHA) de petite taille, en sortie de parcelles, a été proposée comme solution i) non concurrentielle de l’espace agricole, ii) peu coûteuse, iii) rustique et nécessitant peu d’entretien, iv) personnelle et acceptable par les agriculteurs et vi) facilement reproductible en Lorraine et pouvant limiter les transferts d’intrants agricoles vers les eaux de surface. Autour de ces ZTHA, un programme de recherche et d’évaluation de leur efficacité a été mis en place par ces différents acteurs dans le cadre de la Zone Atelier Moselle (ZAM) dans laquelle intervient l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES).

Chapitre 2

Les dispositifs rustiques de

filtration des eaux de drainage en

Lorraine

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