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II) Champ d’application de la méthode

2) Cas particulier : les diols

Le laboratoire a ensuite voulu étudier la réactivité de diols en comparant notamment les

isomères cis et trans. Le diol 222trans mène au produit de didéshydroxylation 221 avec un bon

rendement de 71 %. En revanche, si l’on effectue la réaction sur le diol 222cis, le produit obtenu

majoritairement est un produit racémique de mono déshydroxylation (±)-223 avec 51 % de rendement

accompagné du produit de didéshydroxylation isolé avec un rendement faible de 11% (Schéma 130). Il

est à noter que, conformément au mécanisme supposé (Schéma 121), seules les quantités de PPh

3

et

de pyridine avaient été doublées pour réaliser ces deux réactions. La quantité initiale d’I

2

ajoutée de

seulement 0,5 éq. est en faveur de la reformation du diiode au cours de la réaction (Schéma 121).

Schéma 130 Déshydroxylation sur des diols cis et trans

A durée de réaction égale, si l’on augmente les quantités de réactifs à 4,5 équivalents de PPh

3

et 3,3

équivalents de pyridine sur le substrat diol cis, on obtient 42 % de produit (±)-223 et 4 % de produit 221.

L’arrêt de la réaction au composé mono désoxygéné ne vient donc pas d’un manque d’un de ces deux

réactifs.

Si l’on utilise les conditions standards de déshydroxylation sur le diol trans, le produit mono

désoxygéné (+)-223 est obtenu avec un rendement de 43 % et le composé didéshydroxylé avec un

rendement de 36 % (Schéma 131).

Schéma 131 Déshydroxylation conditions standards sur diol trans

Le composé (+)-223 obtenu a un pouvoir rotatoire spécifique de +65° dans le chloroforme à une

concentration de c = 0.75 g/mL. Cette valeur est en accord avec la formation d’un composé (R), par

comparaison avec un composé similaire possédant un groupement para méthoxy benzène au lieu de

benzyle.

[460]

Une diminution de la quantité de PPh

3

à 1,0 équivalent ne permet pas l’obtention de

(+)-223 en tant que produit unique, le composé 221 alors isolé avec un rendement de 15 %. On peut donc

en conclure que l’intermédiaire mono désoxygéné réagit dès sa formation dans le milieu.

La réalisation de la réaction de déshydroxylation sur un mélange 50:50 des diols cis et trans

aboutit au bout de 4, 10 ou 110 heures de réaction au même résultat : environ 39 % de composé mono

désoxygéné racémique et 26 % de didéshydroxylé (Schéma 132). Le temps de réaction ne semble donc

pas être la raison de l’arrêt au composé mono déshydroxylé (±)-223. De plus, l’alcool obtenu n’ayant

pas réagi est racémique, il provient donc du diol cis.

146

Schéma 132 Déshydroxylation sur un mélange 1 :1 des diols cis et trans

La différence de réactivité entre les diols cis et trans doit donc être due à une différence de mécanisme.

Celle-ci reste inexpliquée mais différents arguments et observations pourraient aider à son élucidation.

Tout d’abord, le sel de iodotriphénylphosphonium est formé, puis un des doublets d’un oxygène

attaque le phosphore, libérant ainsi un ion iodure (Schéma 133). L’ion oxonium est ensuite déprotoné

à l’aide de la pyridine. Une seconde attaque nucléophile a lieu sur le phosphore par le second alcool

formant ainsi une espèce phosphorane (A). Cet intermédiaire réactionnel est connu pour se former en

présence d’un diol, de triphénylphosphine, d’un dihalogène et d’une base.

[461,462]

Sa formation est

également supposée lors de la réaction de Mitsunobu appliquée à des diols en présence de diéthyl ou

diisopropyl azocarboxylate.

[463,464]

Ce phosphorane est en équilibre avec sa forme bétaïne (B).

[464]

La

cyclisation intramoléculaire de la bétaïne conduit à la formation d’un époxyde (C) qui pourra être ouvert

par attaque nucléophile de l’ion iodure présent en solution.

D’après la publication de Philip E. Sonnet

[465]

, l’espèce ouverte D est à ce moment reprotonée

et ne réagit pas avec le second équivalent de PPh

3

encore disponible. Si cette réaction avait lieu, il y

aurait eu formation de l’alcène résultant de la décomposition du pont iodonium formé par l’attaque de

l’iode sur le carbone adjacent portant l’espèce phosphonium. Une fois le composé E formé, on retourne

au mécanisme supposé de mono déshydroxylation puisqu’il reste assez de réactifs dans le milieu pour

que celle-ci s’effectue (Schéma 133).

Schéma 133 Mécanisme supposé pour le cas du diol trans

La différence d’isomérie des deux diols induirait une modification du mécanisme à partir des

intermédiaires A et B. La forme bétaïne B’ pour le diol cis ne pourrait pas éliminer l’oxyde de

triphénylphosphine puisque mal orienté pour effectuer une élimination. D’après les travaux de Evans,

la réaction de diols cis avec du P(OEt)

5

aboutit à la formation d’une cétone F via une migration

d’hydrogène (Schéma 134).

[466]

Cette espèce n’a jamais été isolée au laboratoire.

147

Schéma 134 Phophorane et bétaïne

La formation du composé mono déshydroxylé est encore inexpliquée mais nous faisons l’hypothèse de

sa formation au moment du traitement de la réaction car si l’espèce E était présente dans le milieu, elle

devrait réagir à nouveau.

La rationalisation de l’observation de cette différence de réactivité est encore difficile. Les

indices donnés par la littérature laissent supposer que l’explication réside dans la différence de stabilité

des deux phosphoranes formés.

[467]

Des essais de déshydroxylation ont également été effectués sur le 5,6-O-isopropylidène-

L

-gulo

-1,4-lactone (195), un des substrats testés dans la publication qui présente les conditions les plus proches

des notres (Schéma 135).

[427]

Schéma 135 Déshydroxylation sur un substrat diol de la publication de référence[427]

Tout d’abord, dans nos conditions avec un reflux de toluène, le groupement acétal cyclique ne

résiste pas et l’on observe une migration de celui-ci. Le diol ainsi déprotégé subit une réaction

d’élimination menant à la formation d’un alcène.

[468]

Le composé protégé par deux groupements acétals

224 est isolé avec un rendement de 10 %, le produit dont le groupement acétal a migré et où l’on

observe la formation de l’alcène 225 est isolé avec un faible rendement de 8 %. Ces rendements faibles

peuvent s’expliquer par la présence potentielle d’un intermédiaire tétra hydroxylé pouvant passer en

phase aqueuse et pouvant donner lieu à de nombreux sous-produits (iodation, déshydroxylation, etc…).

Les conditions de réaction ont été adoucies et la température de réaction a été limitée à 60 °C,

comme dans la publication d’origine.

[427]

Seul l’alcool en position α de la lactone 195 est activé et peut

subir la réaction de déshydroxylation selon le mécanisme proposé. Le produit de déshydroxylation puis

déshydratation est isolé avec un rendement de 24 % contre 51 % dans l’article d’Amélia Rauter. Le

produit de déshydroxylation, non observé dans la publication d’origine, est isolé avec un rendement

très faible de 6 %.

Pour conclure, dans le cas de diols, si les deux alcools sont activés par un groupement

électroattracteur, la réaction de déshydroxylation aboutira au composé didéshydroxylé ou mono

déshydroxylé à partir du diol trans ou cis respectivement (Schéma 130). Seules les quantités de

triphénylphosphine et de pyridine ont besoin d’être doublées pour effectuer une double

déshydroxylation. Pour le cas de diol dont seulement un des deux alcools est activé, on observe une

faible quantité de produit sélectivement déshydroxylé, le produit majoritaire formé étant le produit de

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déshydratation (Schéma 135). Pour un diol dont aucun alcool n’est activé, on aboutit à l’alcène

correspondant (composé 225) par une réaction de type Garreg mais avec un rendement limité par la

quantité de diiode présent.