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Cas du Niger: Cadre juridique et techniques de traitement

6 DÉCHETS BIOMÉDICAUX DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

6.3 Cas du Niger: Cadre juridique et techniques de traitement

Jusqu’à récemment, la question de gestion des DBM au Niger semblait se caractériser par une totale léthargie. Leur définition en est un premier exemple. Elle est en effet un simple copier- coller de la définition française des DASRI vue précédemment à la section 5.1. Si les ressemblances allaient plus loin, personne n’aurait rien à redire. Malheureusement, elles ne vont pas plus loin.

Au dernier classement IDH, le Niger était classé 186 sur 187 pays. Autant dire que la gestion des déchets en général est loin d’être une préoccupation. En réalité, il ne serait pas faux de dire que les préoccupations en matière de gestion rationnelle des déchets sont perçues comme une

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seconde priorité en raison des urgences médicales quotidiennes et des difficultés de fonctionnement.

Pourtant, il semble y avoir un regain d’activité dans ce domaine. Elle se manifeste d’abord par un mea-culpa. En effet, dans le plan de gestion des déchets issus des soins de santé (PGDISS) 2011-2015, les auteurs reconnaissent ouvertement que:

« si les principaux textes sur l'hygiène et l'environnement soulignent la nécessité d'une gestion rationnelle des déchets, dans la pratique, il n'existe aucune procédure spécifique (autorisation ou permis) pour la gestion des DISS, notamment en matière de collecte, de transport, d'entreposage et de traitement » (PGDISS, p.9).

Compte tenu de cette absence d’un cadre de gestion réglementé, les formations sanitaires ne reçoivent donc aucune recommandation de bonne gestion des DISS. De plus, il devient évidemment impossible de recourir à des instruments juridiques pour contraindre à l'application des règles de gestion. En réalité, la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement a prévu des décrets d'application qui n’ont toujours pas vu le jour. Seul le décret sur l'élaboration de l'évaluation d’impacts environnementaux a été adopté. Cette loi date tout de même du 29 décembre 1998 sous le numéro 98-56. Elle introduisait notamment le principe de pollueur-payeur ainsi que celui de responsabilité. Il faut reconnaître qu’en 1998, la loi-cadre ne faisait pas référence aux DISS de façon spécifique. Encore heureux, n’est-ce pas? Cela n’aurait été qu’un élément de plus dans le manque de sérieux qui a caractérisé cette question.

Il est à espérer que le nouveau PGDISS qui a si courageusement reconnu les multiples manquements va promouvoir de nouvelles pratiques. Il commence déjà par prévoir l'élaboration d'une stratégie nationale pour la gestion des DBM. Les DISS font désormais partie d’un ensemble dénommé biomédical.

Pour illustrer l’état des techniques de traitement en vigueur dans le pays, la gestion de déchets de deux hôpitaux situés dans la capitale va servir d’exemple. Il s’agit de l’hôpital national de

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Niamey et de l’hôpital national Lamordé. En fait, les structures de santé présentes dans la capitale étant en général les mieux nanties en termes de moyens matériels et humains, établir leur portrait donne une idée de la situation dans le reste du pays.

Hôpital National de Niamey

C’est le plus grand hôpital du pays avec une capacité d'accueil de 850 lits. Son personnel se compose de 511 agents parmi lesquels figurent 74 médecins et 220 paramédicaux. La quantité des déchets (DISS et ordures ménagères) s’élève à 5,5 m3

/jour. Pour la collecte des DISS, deux poubelles en plastique sont placées dans chaque salle de soins. Une des poubelles recueille uniquement les aiguilles et seringues. Il est prévu de les détruire par brûlage à l'air libre (ib., p.19).

Mais dans la réalité, la totalité des 5,5 m3 est versée dans les conteneurs à ordures municipaux. La ville va se débarrasser de ces déchets dans une décharge sauvage en dehors de la ville sans un réel traitement. Mais cette décharge sauvage se trouve à proximité d’un village dont la population n’est même pas au courant des risques encourus. Les pauvres!

Tout cela se fait sous les yeux inexpressifs des agents du service d'hygiène et d'assainissement qui doivent se demander à quoi ils servent vraiment. Ils ne peuvent même pas assurer une régularité de l’enlèvement, car cela dépend entièrement des services de la ville. La figure 6.3 montre à quoi ressemble le système d’évacuation de la ville.

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Figure 6.3 L'évacuation des déchets à Niamey (Niger) (Tiré de Nigerdiaspora, 2008)

Centre hospitalier national Lamordé C’est le 2e

hôpital de la capitale en termes de capacité d'accueil avec 162 lits gérés par 22 médecins et 142 infirmiers et autres professionnels. La production des déchets est d'environ 10 m3/semaine, tous déchets confondus. Une gestion quotidienne des DISS se déroule tant bien que mal dans cet hôpital de la façon suivante. Des boîtes ou des bouteilles remplies d’eau de javel reçoivent les aiguilles. Des poubelles en plastique sont prévues pour recevoir tous les DISS. Elles sont par la suite ramassées par les manœuvres, protégés par de simples gants de ménage, qui les évacuent vers les conteneurs à ordures placés par la Commune. Pourtant,

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certains agents ont été formés en 2000 sur la gestion des DISS. Dans tous les cas, à « chaque réunion le chef du personnel rend compte de la gestion des DISS » (ib., p.22).

Il doit avoir bien de l’imagination, ce chef du personnel, pour trouver quelque chose à dire à chaque réunion, car la situation ne semble pas évoluer. Il doit certainement répéter à longueur de semaine que le tri préalable n'est pas effectué à tous les niveaux, que les poubelles de pré- collecte et de collecte des DISS sont insuffisantes et inappropriées et que la Commune n'enlève pas toujours les bacs à ordures à côté desquels les enfants jouent.

Le plus surprenant dans tout ça, c’est que l'hôpital dispose d'un incinérateur moderne. Malheureusement, il n'a jamais fonctionné. La raison? Un banal manque de carburant. Ce qui est à peine croyable.

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