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Chapitre 1 : Contexte général

II.2 Calcul à l’échelle du cristal (nm)

II.2.2 Cas des minéraux argileux interstratifiés

Modèle probabiliste utilisé pour représenter l’interstratification

Dans le chapitre précédent, la notion d’interstratification a été présentée. Des feuillets de nature différente peuvent être empilés au sein d’un même cristal et un minéral argileux interstratifié est défini par la nature des feuillets qui le composent, leurs proportions au sein du cristal et les probabilités d’empilement de ces feuillets. Les probabilités d’empilement des feuillets sont basées sur le modèle des statistiques Markoviennes, ainsi la probabilité de présence d’un type de feuillet n’est dépendante que des types de feuillets les plus proches qui le précèdent dans une direction donnée ; le système étant considéré comme quasi homogène sur cet espace. La dépendance aux types de feuillets précédents correspond au degré d’ordre de la structure. Le paramètre d’ordre est caractérisé par un facteur appelé Reichweit (R) qui est la portée des interactions entre feuillets (Jagodzinski, 1949a). Si R = 0, il n’y a pas d’interaction ; si R = 1, l’interaction se limite à deux feuillets (donc au feuillet précédent). Il est possible d’avoir des interactions à plus longues distances mais elles ne seront pas développées ici (R = 2 ; R = 3) car elles n’ont pas été utilisées dans cette étude.

Prenons le cas simple de l’empilement de deux types de feuillets A et B de proportion respective WA et WB pour un cristal ayant N feuillets empilés. Il est nécessaire de déterminer les probabilités pour qu’un feuillet j suive un feuillet i (Pij). Lorsque deux types de feuillets sont présents, il y a quatre paramètres de probabilité (non-indépendants) à déterminer : PAA, PAB, PBA, PBB. Ces probabilités de succession dépendent de la composition du minéral argileux interstratifié et du Reichweit. Elles sont reliées par quatre équations indépendantes :

WA + WB = 1 [9]

PAA + PAB = 1 [10]

PBA + PBB = 1 [11]

Du fait de ces relations, les deux paramètres indépendants WA et PAA suffisent pour décrire le système, les autres paramètres pouvant être déterminés à partir de ces relations. Il est possible de caractériser tous les types d’empilements en représentant PAA en fonction de WA (figure 2.16). Cinq grands types d’empilements sont définis :

- l’empilement aléatoire R0. Toutes les séquences d’empilement sont autorisées, la probabilité d’apparition d’un feuillet ne dépend que de sa quantité. Ainsi PAA = WA. Dans le cas de minéraux argileux interstratifiés avec 2 types de feuillets, il n’y a qu’un seul paramètre à déterminer, WA.

- l’ordre maximum R1 MPDO (Maximum Possible Degree of Order). Si A est le type de feuillet le plus abondant (WA ≥ 0.5), l’ordre maximum impose que PBB = 0. Seul le paramètre WA reste à déterminer.

- l’ordre partiel R1. Il se situe entre R0 et R1 MPDO. Si A est le type de feuillet le plus abondant (WA ≥ 0.5), l’ordre partiel impose de déterminer PAA avec PAA < WA. Il y a dans ce cas deux paramètres à déterminer, WA et PAA.

- la ségrégation totale. C’est le cas où deux feuillets de nature différente ne peuvent se succéder, PAB = PBA = 0, et donc PAA = PBB = 1. Dans ce cas, il ne s’agit plus d’interstratification car les deux types de feuillets ne coexistent plus au sein du même cristal, c’est un mélange physique de deux minéraux argileux discrets (cas d’une particule par exemple).

- la ségrégation partielle R1seg. Les empilements de ce type sont intermédiaires entre R0 et la ségrégation totale. Si A est le type de feuillet le plus abondant (WA ≥ 0.5), l’ordre partiel impose de déterminer PAA avec PAA > WA. Il y a dans ce cas deux paramètres à déterminer, WA et PAA.

Le cas des minéraux argileux interstratifiés à trois ou quatre types de feuillets n’est pas détaillé ici, par ailleurs, le type et la nature des paramètres à déterminer en fonction des cas sont présentés dans les tableaux 2.2 et 2.3.

0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0

W

A c b physical mixture R1partial order R1 MP DO max imum ord er R0 ra mdom orde r impossibility R1seg partial segregation

a

P

AA

a

Figure 2.16: Mixed layer minerals; a- relationship between succession probability of two A layers (PAA) and layer A content (WA) establishing mixing, segregation and interstratification domains; schematic diagram of regularly ordered (a-R1 MPDO), randomly ordered (b-R0) and physical mixture (c).

Influence de l’interstratification

Le premier cas qui peut être évoqué est celui des minéraux argileux interstratifiés R1 MPDO avec deux types de feuillets ayant une proportion égale de chaque type de feuillet. Ce cas peut paraître comme un cas très particulier, néanmoins il existe à l’état naturel. Ces minéraux argileux interstratifiés réguliers présentent des pics de diffraction harmoniques. La position du premier pic de diffraction est située à la valeur de la somme des raies 001 des deux types de feuillets constitutifs, c’est une sur-structure. Les autres pics de diffraction sont à des positions harmoniques (figure 2.17, exemple d’une illite/chlorite R1 MPDO 50/50).

3 10 20 30 40 50 1.85 A 2.41 A 2.19 A 2.67 A 3.44 A 4.01 A 6.03 A 12.11 A 2.01 A 4.82 A 3.01 A 8.04 A °2θ(CuKα) 24.21 A

illite/chlorite R1 MPDO (50/50); CSDS mean = 25

Figure 2.17: diffractogram of MLM illite/chlorite R1 MPDO 50/50

En général, et à l’opposé du cas particulier précédemment abordé, l’interstratification va engendrer une perte de la rationalité des positions des raies 00ℓ caractéristiques des minéraux argileux discrets. Il est important de souligner ici que cette perte de rationalité est différente de la perte de rationalité apparente due à une taille de domaine cohérent faible. (Méring, 1949)a montré que les raies 00ℓ d’un minéral argileux interstratifié se situent entre les positions des pics des feuillets constitutifs en phases pures. De plus, la position des pics de diffraction du minéral interstratifié dépend de la proportion des différents types de feuillets constitutifs.

Afin d’illustrer l’influence de l’interstratification pour les différents types d’empilement (R0, R1, R1 MPDO et R1seg) l’exemple simple d’un interstratifié illite/chlorite est présenté (un exemple comparable pour un interstratifié illite/smectite est présenté dans Claret, 2001). La taille moyenne du domaine cohérent moyen choisi est de 10.

La figure 2.18 montre l’influence de la variation de la proportion d’illite et de chlorite pour un empilement de type aléatoire R0. Les pics de diffraction sont situés entre les positions des feuillets en phase pure à des positions non-rationnelles. Quand le pic de diffraction du minéral interstratifié est situé entre deux pics de feuillet en phase pure relativement éloignés, sa forme devient asymétrique (comme pour la 001).

La figure 2.19 présente l’interstratifié illite/chlorite avec 60% de feuillet d’illite et 40% de feuillets de chlorite, et seule la probabilité de succession de feuillet PBB varie (probabilité de succession de deux feuillets de chlorite dans ce cas). Dans le cas R1 MPDO (PBB = 0), il faut considérer l’interstratifié illite/chlorite comme étant un interstratifié R0 illite/ « illite/chlorite 50/50 R1 MPDO » et de ce fait, les pics de diffraction se situent entre ceux des pôles purs (« illite/chlorite 50/50 R1 MPDO » et illite) comme défini par Méring. Quand PBB = 0.2, l’empilement est de type ordre partiel R1. L’ordre diminue par rapport à R1 MPDO. Pour PBB

= 0.4, l’empilement est de type aléatoire R0. Pour PBB = 0.6 et PBB = 0.8, l’interstratification est dans le domaine de la ségrégation partielle R1seg. Les positions des pics tendent vers celles des pôles purs d’illite et de chlorite et se séparent nettement pour PBB = 0.8. Enfin pour PBB = 1, les feuillets ne sont plus interstratifiés et les positions des deux minéraux argileux discrets, illite et chlorite, sont harmoniques.

3 10 20 30 40 50 2.01 A 80/20 60/40 20/80 2.50 A 7.05 A 10.11 A 4.71 A 3.33 A 2.00 A 14.49 A 5.01 A 2.82 A °2θ(CuKα) 3.53 A

peak positions of discret illite; CSDS mean = 10

peak positions of discret chlorite; CSDS mean = 10

40/60

Figure 2.18: influence of interstratification on the diffraction peaks positions. Diffractogram of MLM illite/chlorite R0 for various illite/chlorite proportions. The height of the dash line for discret clay minerals correspond to the relative intensities of diffraction peaks.

3 10 20 30 40 50 R1seg 1 R1 0.2 R1 MPDO 0 R0 0.4 R1seg 0.8 R1seg 0.6 2.01 A 2.50 A 7.05 A 10.11 A 4.71 A 3.33 A 2.00 A 14.49 A 5.01 A 2.82 A °2θ(CuKα) 3.53 A

peak positions of discret illite; CSDS mean = 10

peak positions of discret chlorite; CSDS mean = 10

Figure 2.19: influence of interstratification on the diffraction peaks positions. Diffractogram of MLM illite/chlorite (60/40) with various stacking orders; physical mixture (R1seg 1, PCC=1); partial segregation (R1seg 0.8 and R1seg 0.6, PCC = 0.6 and 0.8 respectively); random stacking (R0 0.4, PCC = 0.4); partial order (R10.2, PCC = 0.2) and maximum order (R1 MPDO, PCC = 0).

Influence de l’état d’hydratation et de solvatation des feuillets expansibles

La variation de l’état d’hydratation et/ou de solvatation des feuillets expansibles au sein d’un cristal revient à interstratifier des feuillets qui peuvent être similaires cristallographiquement mais dont la taille de l’espace interfoliaire varie en fonction du nombre de molécules d’eau et/ou organiques présentes. Cette variation de l’état d’hydratation et/ou de solvatation influence fortement les positions, les largeurs et les intensités relatives des raies 00ℓ (figure 2.20). Les smectites ne sont donc plus considérées comme des minéraux discrets mais comme des minéraux interstratifiés avec plusieurs types de feuillet comme par exemple des interstratifiés à trois composantes avec 0, 1 et 2 couches d’eau dans la couche interfoliaire ou encore avec deux composantes 1 et 2 couches d’éthylène glycol. De même un interstratifié à deux composantes ayant des feuillets expansibles, par exemple chlorite/smectite, est considéré comme un interstratifié à trois (smectite avec 1 ou 2 couches d’eau et/ou d’ethylène glycol dans l’espace interfoliaire) ou quatre composantes (trois états d’hydratation de l’espace interfoliaire des feuillets expansibles).

3 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 1.87 A 2.13 A 3.03 A 3.72 A 5.02 A 14.73 A smectite 2w (70), 1w (20), 0w (10), CSDS = 5 3.00 A 1.88 A 2.14 A 3.75 A 5.02 A °2θ(CuKα) smectite 2 w, CSDS = 5 X 15 15.37 A

Figure 2.20: influence of hydration states on the peak position, width and relative intensity. Example of a smectite with 2 water layers (2w) in the interlayer space and smectite with 70 %, 20% and 10% of 2, 1 and 0 water layers respectively.

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