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LE CAS DES CLAUSES DE PARITÉ DANS LE SECTEUR DES PLATEFORMES DE RÉSERVATION HÔTELIÈRE

Les comportements susceptibles de fausser la concurrence entre

LE CAS DES CLAUSES DE PARITÉ DANS LE SECTEUR DES PLATEFORMES DE RÉSERVATION HÔTELIÈRE

Le développement de la vente en ligne s’est accompagné de l’essor de différents types d’intermédiaires entre les offreurs de produits et services et leurs clients. Dans le secteur de la réservation hôtelière, où les ventes en ligne ont rapide-ment pris le pas sur les ventes en agence, les plateformes de réservation hôtelière facilitent ainsi la rencontre entre une demande et une offre hôtelière particulières, en permettant aux consommateurs de choisir l’hôtel qui leur convient le mieux et aux offreurs d’hébergements de se faire connaître plus facilement des consommateurs. La plateforme de réservation hôtelière se rémunère ensuite grâce à une com-mission, le plus souvent prélevée auprès des offreurs d’hé-bergements, quand une transaction est conclue entre un client et un hôtel adhérent à la plateforme.

En 2015, saisie par les principaux syndicats hôteliers fran-çais et le groupe Accor, l’Autorité a été amenée à examiner la

licéité des clauses de parité tarifaire imposées par Booking.

com aux hôteliers référencés sur sa plateforme de réserva-tion des nuitées d’hôtel en ligne 188. Ces clauses de parité, dites « étendues », interdisent aux hôteliers de pratiquer, sur leur propre canal de vente ou sur une plateforme autre que celle de Booking.com, un prix de nuitées plus avantageux que celui offert sur Booking.com, ou de proposer plus de nui-tées sur leur propre canal de vente ou sur les plateformes concurrentes de Booking.com que sur Booking.com.

De telles clauses de parité peuvent produire plusieurs effets anticoncurrentiels. En premier lieu, elles dissuadent les plateformes de réservation de baisser leur commission, puisqu’une telle baisse ne permettra pas nécessairement aux hôteliers de baisser leur prix de détail sur la plateforme baissant sa commission, les hôteliers étant contraints par les clauses de parité les liant aux autres plateformes. Inver-sement, si une plateforme considérée comme incontour-nable par les hôteliers décide d’augmenter sa commission, elle n’aura pas à craindre un report massif de sa clientèle sur une plateforme concurrente si les contrats la liant aux hôteliers prévoient une clause de parité tarifaire, puisque les hôteliers ne pourront pas nécessairement augmenter

188 Décision no 15-D-06 du 21 avril 2015 sur les pratiques mises en œuvre par les sociétés Booking.com B. V., Booking.com France SAS et Booking.com Customer Service France SAS dans le secteur de la réservation hôtelière en ligne. Une plainte avait également été déposée en 2013 à l’encontre d’Expédia et HRS, plateformes de réservation hôtelière concurrente de Booking.com mais aux parts de marché en France nettement moindres. Cependant, l’entrée en vigueur de la loi dite « Macron » en 2015 interdisant l’utilisation de toute clause de parité tarifaire et le traitement de ces clauses par d’autres autorités de concurrence européennes a entraîné le rejet de ces saisines par l’Autorité (décision no 19-D-23 du 10 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la réservation hôtelière en ligne).

les prix des nuitées commercialisées sur cette plateforme.

De même, les hôteliers ne peuvent ouvrir à la réservation un nombre de nuitées plus élevé sur la plateforme leur propo-sant le taux de commission le plus bas, ce qui à nouveau dissuade les plateformes de diminuer leurs taux. En second lieu, ces clauses de parité vont empêcher de nouvelles plate-formes de se faire connaître en pratiquant des taux de com-mission bas, puisque de tels taux bas ne peuvent se traduire par des prix de chambres plus bas que sur les plateformes établies 189.

Mais les clauses de parité tarifaires peuvent éventuelle-ment répondre à des objectifs pro-concurrentiels. Elles pourraient d’une part réduire le « risque de parasitisme » de certaines plateformes par des plateformes concurrentes ou par les hôteliers eux-mêmes. En effet, les études empiriques montrent une forte sensibilité au prix des consommateurs dans ce secteur 190. Un hôtelier pourrait alors fixer un prix inférieur sur son propre site par rapport à la plateforme de réservation afin d’attirer le client et d’éviter ainsi le versement d’une commission à la plateforme, alors que celle-ci a permis au consommateur d’identifier cet hôtel grâce à différentes fonctionnalités plus ou moins élaborées. À terme, ce « para-sitisme » pourrait dissuader les plateformes d’effectuer les investissements nécessaires pour informer correctement les consommateurs sur les caractéristiques des hôtels pré-sentés. Les clauses de parité tarifaire pourraient d’autre part réduire le coût de prospection du consommateur et intensi-fier ainsi la concurrence entre hôtels (plutôt qu’entre

plate-189 Contribution France à la table ronde de l’OCDE sur l’implication du e-com-merce pour le come-com-merce en ligne, juin 2018, §§75-77.

190 Contribution de la France à la table ronde de l’OCDE sur les clauses de parité tarifaire, 12 octobre 2015, § 49.

formes) : en uniformisant les prix en ligne et hors ligne, ces clauses offrent au consommateur une meilleure visibilité sur le prix et la disponibilité des chambres chez les hôteliers, ce qui facilite la mise en concurrence des différents hôtels.

Selon les secteurs, ces gains d’efficience peuvent être plus ou moins marqués. Par exemple, les coûts de prospection pourraient être relativement faibles dans le secteur de l’hô-tellerie, sans que des clauses de parité ne soient particulière-ment nécessaires pour les réduire encore en instaurant une uniformisation des prix des nuitées entre les plateformes 191. Ainsi, selon la Commission, les clauses paritaires devraient plutôt être examinées au cas par cas 192.

Dans le cas des plateformes de réservation hôtelière, à l’issue de l’enquête menée en coopération avec les auto-rités italienne et suédoise, l’Autorité française a accepté l’engagement de Booking.com de substituer aux clauses de parité « étendue » des clauses de parité « restreinte », ne visant que les prix pratiqués sur le canal internet des hôteliers hors programmes de fidélisation. En vertu de ces engagements, les hôteliers peuvent donc proposer des tarifs inférieurs à ceux affichés sur le site de Booking.

com sur les plateformes concurrentes de Booking.com.

En outre, il leur est possible d’afficher des prix inférieurs sur leur canal hors ligne et de les proposer à des clients bénéficiant du programme de fidélité. Enfin, les hôtels sont libres d’allouer à Booking.com un nombre de nuitées infé-rieur à celui proposé aux autres plateformes et/ou sur leurs propres canaux. De telles mesures devaient permettre

191 Contribution de la France à la table ronde de l’OCDE sur les clauses de parité tarifaire, 2015, §§59-60.

192 Commission européenne, Rapport final sur l’enquête sectorielle relative au commerce électronique, Document de travail, 2017, §623.

de limiter les réticences des plateformes à proposer des conditions améliorées aux hôteliers, via, par exemple, une réduction du montant des commissions.

Dans son bilan de l’efficacité des engagements publié le 9 février 2017 193, l’Autorité fait état des difficultés métho-dologiques rencontrées pour évaluer leur effet, en parti-culier la prise en compte du contexte touristique parisien de 2016 lié aux attentats terroristes et la concomitance entre l’entrée en vigueur des engagements et celle de la loi Macron, qui a proscrit les clauses de parité aussi bien étendue que restreinte. Elle relève toutefois une certaine différenciation entre les tarifs proposés par de mêmes hébergements sur les différentes plateformes de réserva-tion en ligne, un constat qui pourrait attester de l’effet des engagements sur les comportements des hôteliers. Cepen-dant, cette différenciation accrue, à la supposer avérée et en lien avec la prise des engagements, n’a pas entraîné de modifications substantielles des parts de marché des pla-teformes de réservation, de la qualité de leur offre ou de leurs niveaux de taux de commissions. De même, selon le rapport du Réseau européen de la concurrence (REC) sur le même thème 194, la conversion de la parité étendue en une parité restreinte a permis de différencier les prix des nuitées pratiquées par les hôtels dans huit Etats membres participants sur dix, sans pour autant que cela entraîne une diminution des taux de commission.

193 https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/bilan_enga-gements_booking_final_9fev17.pdf

194 ECN, Report on the monitoring exercise carried out in the online hotel booking sector by EU competition authorities in 2016, 6 Avril 2017, http://ec.europa.eu/

competition/ecn/index_en.html, §§11 à 14.

LES PRATIQUES D’ÉVICTION MISES EN ŒUVRE PAR DES