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Une cas cade en cheydu/te avait mcuittE mes yeux (2)

(1) Le thème de la bâtardise sillonnela littérature maghrébine d'expression française. Tl se signale par son caractère obsédant et angoissant car même aprés les Indépendances dans les pays mabrébins, les héros

romanesquessont toujours à la quête d'une identité perdue, d'une bltardise mal supportée,d'une idéologie aliénante et repressive. Les blessures ne se sont point cicatrisées. Ce drame est constant, permanent. (2) Le malheur en Danger, déjà cité, p. 37

snr moyen de retrouver cette joie de vivre, d'annihil& les

angoisses trés lisibles dans ce courant engagé et de s'inscrire dans une histoire.

Frantz Fanon, nous expose lucidement dans les Damnés de la Terre le processus de cette insertion dans les entrailles du peuple-à un moment où le colonisé ébranlé, décide de se souvenir:

"Comme le colonisé n'est pas inséré dans son peuple, comme il entretient des relations d'extériorité avec son peuple, il se contente de se souvenir. De vieux épisodes d'enfance seront rame-nés du fond de sa mémoire, de vieilles légendes seront interpré-tées (...). Quelquefois cette littérature de pré-combat sera dominé par l'humour, et l'allégorie. Période d'angoisse, de malaise,

expérience de la mort, expérience aussi de la nausée. On se vomit.. .". (l')

Malek Haddad sait ouvrir le merveilleux grenier du passé. Il sait nous conter la belle histoire ni perfide, ni rebelle, d'un temps ancien, (2j le temps de l'Ancêtre il faisait 1),)n y vivre. Il y a chez Haddad, une recherche permanente d'un bonheur, une

descente dans les profondeurs du souvenir avec tout ce qu'il y a de beau, de pur, de candide. Ce bonheur se situe dans le

micro-(1) Les Damnas de la Terre, Paris, Maspéro 1968 p. 153 à i54. (2) A la limite, on pourrait parler d'un temps paien par ce rapport

une famille dérangée dans sa sérénité pal "n matin -znijan(: CJA 8 mai 1945 et consciente d'un drame.

Voyons à présent, comment Haddad nous peint sa socinI;(1. Il nous la décrit d'un regard tranquille, lucide réme. Son cbsPrvaclon est minutieuse. Dans les descriptions de ses pe-:sr■unzules, il saisit l'essentiel.

Il ne s'éternise pas sur des détails inutiles. Ces portraits sont des esquisses campéeshativement à grands traits d'une plume alerte, nerveuse.

Son ambition n'était nullement d'égaler les grands romanciers français : Romain Rolland et Roger Martin du Gard2) ni de compo-ser une totalité centrée sur une famille avec des individus nettement typés, des milieux sociaux divers peints avec une rigueur exemplaire transformant ainsi le roman en une

(1) Lorsque les aliénations sont trop fortes, le colonisé se Iéfugie dans ses derniers retranchements tels que la matrice familiale avec tout ce qu'elle renferme de réserves traditionnelles sacres (traditions-rites—) et d'amour. Cette cure thérapeutique est en quelque sorte un antidote contre les différentes agressions sociales.

(2) L'oeuvre de Romain Rolland (1886-1944) exalte l'idéal d'une énergie sans violence. Pendant la première Guerre mondiale, il écrivit Au-dessus de la mnée (1915). Il a laissé des drames (Danton,_le Quatorze Juillet), des biographies (Bethoven) , des réUts (ColasTBr.euroTI) des romans (Jean Christophe, 1904-1912 ; 1'Ame enchantée), un journal.

(Prix Nobel, 1915),

---Roger Martin du Gard Të81-1958) est surtout l'auteur de J ,an Bnrois _ _ _ _ _ (1913) et des Thibault (1922-1940) - Prix Nobel-1937.

milité, de souffrance aussi.

Dans la Dernière Impression, Haddad nous décrit deuu familles d'honnêtes gens meurtries par la guerre, une guerre qui a tout gâché et qui draine avec elle, ces cortèges de cadavres, de rêves évanouis, de cicatrices à jamais guéries.

La première famille est celle des Belhasen dont Je père, jadis, instituteur a correctement élevé ses enfants dans les principes de l'amour d'une famille, d'un travail bien fait, d'un pain gagné à la sueur de son front, d'une patrie unie, fraternelle. L'esprit paternaliste est respecté dans ses normes, dans ses tics, dans sa morale, dans son éthique. Ce père Belhasen est le reflet de cette société, de ses divorces et de ses espérances.

Les fresques de Haddad, sorte de mosaïques variées et délicates collent à une réalité historique' à des mentalités rétrogrades, à un traditionnalisme arabe, aux douceurs orientales, aux déchi-rements aussi.

Le mérite de Malet Haddad est de savoir créer une atmosphère, de donner à son oeuvre une tonalité à la fois grave, émouvante, musicale car pour Haddad "la vie et la mort sont des choses

• théâtrales

"

(2)

(1) Le courant réaliste européen a nourri le génie romanesque Mohammed.

Dib. Quelle richesse! Dib a voulu componer une totaliti,. ',in- aller ! rés loin, on peut songer aux romanciers français utolain Rolla,)d et Roger Martin du Gard. Le modèle de la trilogie (La Grande mai3op, 1952, l'Incendie, 1954, le Métier à tisser, 1957)

-Jean Christophe de Romain Rolland. En effet, on y respire, comme dans la trilogie, le souffle des héros dans une vie chargde d'( neuves. Mais be qui nous touche, ce sont les pages sur l'enfance, l'e1,-,1,ascence, l' amour, l'amitié.

Ecoutons les dernières paroles de MaiMessaoudaS1) mère du médecin Idir. Ce dernier est venu avec Simone, sa femme pour assister à l'agonie de la vieille. L'esquisse de Haddad est pertinente. Il saisit des caractères mais aussi l'âme d'une personnalité:

"- Ya ma, reconnais-tu Simone? demande SaId.

'Ma'Messaouda comprenait parfaitement le français et le parlait suffisamment pour se faire comprendre. Néanmoins, dans une obs-tination farouche qui s'apparentait autant à une coquetterie qu' à un refus, elle répondit en arabe... Aussi est-ce en arabe e Said apprit à la moribonde que Simone attendait un enfant. Alors la vieille s'agita légèrement, et pour la première fois elle regarda en face sa belle-fille qui se tenait debout dans la

gauche attitude de ces candidats â un oral qui, devant le silen( de l'examinateur, ne savent pas s'ils doivent ou non se retirer. Le regard de MalMessaouda était surnaturel mais calme... A son fils, d'une voix trés indifférente, elle dit:

JI- Tu attends un enfant? Tu l'appelleras François et il ira à l'école Paris...

Ce furent ses dernières paroles.

Elle les avait prononcées en Français.

(1) Grand-mère de Sand dont son époux est mort de chagrin et de honte lorsqu' il apprit que son fils Mir a consenti. un mariage "hideusement mixte" et s'installa: définitivement en. France.

et d'une fêlure dans le microcosme creusant à jamais, le fos,c du mépris et de l'incompréhension et qui font de ces êtres, des

étrangers, d'éternels déracinés(2)

Dans sa manière d'écrire, Malek Haddad est fidèle à

réaliste. Ses lectures d'adolescent Daudet, Hugo, Balzac, Flanbel:, Zola, Maupassant lui ont permis de brosser des personnages dais toute leur honnêteté, leur simplicité. Le Quai aux Fleurs ne répond plus nous donne un remarquable exemple:

"C'était un 11 novembre. Accoudé au comptoir, Khaled observai-,: le manège de deux petits vieux trés propres dans leurs costur,r.s fripés mais sans tâche, deux pensionnaires de l'Hospice

Vieillards. Chacun portait, à sa bonbonnière un ruban fané. Ils se vouvoyaient. C'était charmant, émouvant, gênant même.

- N o n ! N o n ! d i s a i t l ' u n , l a ' d e r n i è r e f o i s , c ' e s t v o u s q u i a v e z p a y é . - V o u s a v e z

t o u c h é v o t r e p e n s i o n ?

- Pardi! Je vous offre quelque chose à vingt francs'

Il avait dit "je vous offre quelque chose à vingt francs" a,4,. la négligente fierté et la désinvolture largesse d'un nabab , c:-posant: "Ce Renoir vous plaît-il? Il est à vous".

(1) La Dernière Iression, p. 40 et 41. . . m p — _

(21 Nous verrons dans un chapitre ultérieur les drames causés par l'acculturation danS la société coloniale.

"A cette heure-ci", c'était le 11 novembre 1918.,e Le rescapé réfléchit. Il essuya sa moustache:

- Dans la boue.

Aujourd'hui, ils étaient dans la merde, mais ils avaient mangé du poulet à midi!'

Les oeuvres de Malek Haddad ont survécu surtout par ses qualités d'artiste S1) Son talent est le résultat d'une longue réflexion sur son métier d'écrivain. Il disait souvent qu'un écrivain doit s'assumer continuellement et l'écriture pour lui était le

processus d'une longue réflexion sur les êtreset les choses.(2) Les oeuvres de Malek Haddad donnent une impression d'unité, de simplicité, d'équilibre et de condensation. Haddad sait nous

(1) Les oeuvres engagées écrites pendant la Révolution sont des documents au point de vue littéraire et historique (au sens trés large du mot), Aprés l'indépendance de l'Algérie, de nombreux jeunes poètes ou écrivain

reprendront cette thématique guerrière avec beaucoup moins de succés que la génération de Haddad, Kateb, Dib pour ne citer qu'eux. Le champ

littéraire ainsi investi d'un hérolsme de mauvais alois, d'une écriture linéaire trés médiocre a fini par lasser le public et les critiques. En se collant trop à l'exigence d'une idéologie aliénante, nos-jeunes débu-tants se sont privés de leur liberté -d'expression et ont hyprocritement oublié les questions de l'heure nécessaires à leur épanouissement

intellectuel et social.

(2) A de nombreux poètes et écrivains qui se confiaient à lui, Haddad tenait ce même langage. Deux ans avant sa mort, il me confiait au cours d'une promenade dans le faubourg de son enfance la nécessité d' écrire une oeuvre qui respire le vrai et de "faire vrai" "Tu peux le faire me répétait-il, c'est ya l'Algérie profonde, c'est. cet épicier, ce maçon, ce gourbi..." Je savais Haddad trés malade et je compris qu'il ne reprendrait plus sa plume et qu'il s'en irait le plus discrètement du monde.

blement la langue française. Il n'alourdit pas sa syntaxe de qualtificatifs trop recherchés et encombrants ou de comparaisons inutiles. L'art dé Haddad est avant tout la recherche d'une

esthétique originale.

Il est plus prés d'un Maupassant qu'un Balzac ou qu'un

Mohammrid Dib. Ses premières lectures d'enfance, ses premières dictées préparées et corrigées par son père, instituteur ont permis à Haddad d'éliminer tout ce qui n'est pas utile à son sujet et de mettre en lumière par la seule adresse de sa composition ce qui est essentiel et caractéristiqueS1)

Dans le Quai aux Fleurs ne 1:.pond plus, au chapitre XIV Haddad nous présente un récit d'une qualité littéraire remarquable. Ecoutons ce récit:

" Khaled devait faire un séjour en Provence, invité par un ami, son maître préféré, qu'il appelait "Pharmacologue de génie" à cause de l'étendue de son érudition.(2)Là, il lia conne sauce avec un petit bonhomme à la moustache grise, aux épaules bran-lantes et aux yeux pétillants de malice.

(1) Dans le préface de Pierre et Jean (1588), Guy de Maupassant, en

réaction contre les naturalistes nous confiait: "le réalisme, s'il est artiste, cherchera, non pas à montrer la photographie banale de la vie, mais à nous en donner la raison la plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité meme".

portait une casquette défraichle d'amiral et sa canne l'aidait compléter sa. silhouette. Il pouvait mesurer un mètre

cin-quante (...) "Bim-b", depuis un demi-siècle, se rendait à la gare, à l'arrivée du train de Marseille, pour offrir ses services et ceux de sa charette aux rarissimes voyageurs qui débarquaient dans le pays (...). "Bim-b" s'asseyait sur le socle d'une statue dont on aurait pu dire ce qu'elle représentait. Il roulait le tabac de vieux mégots et la lumière brisée que

permettaient les platanes le faisait ressembler à un santon (... ). Prés de l'église, la charrette de "Bim-b8" atteinte d'un stratisme inquiétant, soignait ses rhumatismes au soleil de Pro-. vence (...). Autrefois, j'avais un âne... Bon dieu! C' était bien avant l'Allemagne (...) Je l'appelais "Fada" car il était un peu bête mon âme (-4.

"Fada", croyais-moi, c'était un brave homme. Quand on m'a volé mes économies - J'avais trente mille francs d'avant l'Allemagne, il a compris que j'étais triste et c'était lui qui venait me réveiller pour aller à la gare(...)

- Et qu'est-il devenu votre "fada"? " Bim-bt" se tassa dans ses regards.

- Ma foi, quand l'Allemagne est arrivée, il n' avait plus de voyageurs, il n'y avait même plus de carottes. Bou di' qu'on avait faim! J'aurais dU aller en prison...".

marché noir pour mériter le cachot? "Bim-b8" se confesse et avoue son crime.

- C'est moi, monsieur, je suis un criminel quand l'Allemagne est venue, il n'y avait plus rien à manger et j'ai mange mon âne. Oui, monsieur, j'ai mangé mon copain...

Il se leva péniblement, dérouilla ses cent cinquante centimètres et, avant de s'éloigner, ajouta:

- Mais moi, monsieur, je l'ai mangé en pleurant".

Quel beau conte et quel ravissement de l'esprit et du coeur aprés cette délicieuse lecture.(1) Haddad peut-être considéré comme l'héritier d'une longue lignée des conteurs français. Toutefois, il est souvent difficile de déceler une inspiration ou une imitation, littéraire précise dans l'intrigue de ses coites ou dans la peinture de ses personnages.Son art puise directement à la réalité. Haddad peint souvent sur le vif.(2) Essayons de voir à présent la manière dont Haddad s'y prend pour narrer et corser ses récits:

(1) Les enfants, le neveu et la nièce de Malek Haddad n'oublieront jamais, les merveilleux contes que leur racontait Haddad, le soir avant de s' endormir."Marchand de rêve", Haddad était aussi un prince, "le Prince des enfants", car il savait leur débloquer les contres du fantastique et du féérique.

(2) Ce conte est bien vrai et ne souffre d'aucune fiction littéraire° " Bim-b8" a réellement existé. Malek Haddad l'a connu lors de son exil à Aix-en-Provence (1954-1957).

chambre - compartiment de chemin de fer, place du march(, place publique, gare, désert, boulevard ...). Ensuite, il campe ses personnages qui respirent "l'humble vérité": quelques

particularitésphysiques d'un trait un peu appuyé, quelques gestes familiers, quelques mots de patois qui doi-nt à ses récits une couleur locale, une odeur du terroir. Tot: .1a

contribue à nous révéler la nalveté ou la candeur de ses r xson-nages soit alors leur cupidité ou leur finasserie.

Il achève son récit volontairement simple et banal: une pnade sur un boulevard, une randonnée dans le Sahara, une é3.ion dans.la campagne avec la femme de son rêve, un fait divers Ue la vie algérienne ou parisienne.

Mais à ces petites histoires, le plus souvent charmantes (LI reposent le lecteur, "désintoxique" le roman de son angolIq' et de ses obsessions, Haddad y greffent des incidents imprévu qui précipitent l'action vers sa conclusion inéluctable, trés uvent tragique auquel l'auteur semble y souffrir trés profondémcnt(1)

Malek Haddad méprisait les théories à la mode. Cependant, jaloux de son indépendance, il n'échappa pas toutefois à l' influence de certaines tendances communes aux écrivains de

(I) Quelques exemples: La mort de Moulay dans les dunes du Grand Oriental (Je t'offrirai une Gazelle). La mort de Lucia dont tfat

l'attachait à Salé (La Dernière Impression). Le suicide de 1, î Pen Tobal mari bafoué par une Ourida trop idéalisée (Le puai aux ftcus ne répohd_plus). La mort inattendu du docteur Coste aprés

française et de l'écrivain), préoccupations sociales, réalisme des sujets mais seulement dans la mesure oû ces tendances

trouvent un écho dans sa propre expérience, dans ses gonts,

diar› ses convictions personnelles,(1)pessimisme enfin.

Il est honnête de dire que le roman maghrébin d'expression française est le roman de l'angoisse et du pessimisme. De

talentueux écrivains qui prendront ou reprendront la plume à l' indépendance de leur pays (Rachid Boudjedra, Mohammed Dib, Nabiles Farés, Ali Boumahdi, Khair-Eddine...) (2) ne sortiront guère de cette ornière. Ils écorcheront avec plaisir leur moi, exploireront les zones de l'inconscient et du rêve , cherche-ront en vain à sortir d'un état de bâtardise et de bêtise pro-longés.

Ce serait méchant de caractériser le roman maghrébin de roman misérabiliste car à un moment donné de son histoire et plus précisément à l'indépendance des pays du Maghreb, les poètes et romanciers dignes de ce nôm, bien entendu' ne se sont guère

(1) Haddad est peut-être le seul écrivain maghrébin à avoir créer le roman poétique. Les sources littéraires sont à chercher dans la poésie arabe maghrébine d'expression française. Les grands courants littéraires nous offrent divers types de romans que Jean Déjeux passe en revue: le roman historique (La dame de Carthage, 1961, de Hachemi Baccouche), le roman

psychologique et intimiste (Jacinthe noire; 1947, de Marie Louise Amrouche), le roman poétique (les oeuvres de Malek Haddad), le roman réaliste et social (Zohrai la femme du mineur, 1925, de Hadj-Hamou), le roman autobiographique (la Statue de Sel, 1955, d'Albert Memmi, Rue de: Tambourins, 1960, de Taos Amrouche),le roman baroque (Nedjma, 1956, Kat(sh Yacine, le roman allégorique et poétique (qui se souvient de la mer, 19!), de Mohammed Dib).Littérature maghrébine de lang

e

ne: franaiaa, déjà cité, ) . '7.

(2) Ce marocain en rupture de banc avec son monarque, se débat toujours avec les ancêtres, le Gang et "les maux de la tribu".

exigences impétueuses d'une écriture réaliste plate et indigeste d'une république nouvellement née.(1)

Ces écrivains ont renouvelé leur écriture en fonction d'une éthique et d'une esthétique nouvelles,des priorités abusivement oubliées par les gouvernants: (problème de la mixité, problème de la jeunesse et des loisirs, l'amour, la femme).

Haddad n'échappe pas lui aussi à ce mal du siècle qu'est son pessimisme. Ses maîtres à penser sont hors de cause, car, ils lui ont permis seulement de bien écrire dans la clarté d'une langue et la rigueur de la composition. Ils n'ont en aucun cas cultivé ces morbides angoisses, l'appréhension d'une vie. Nous pensons que le pessimisme de Malek Haddad n'est pas une attitude purement intellectuelle.(2) Il "ne prépare pas ses joies". Il cache sous une apparence physique robuste et sanguine, une

organisation nerveuse, fragile et délicate. C'est le pessimisme des grands sensuels. Un pessimisme né d'une profonde inquiétude qui ne se dissocie presque jamais d'un sens profond de la pitié,

(1) Abdelkrim Khatibi, dénonce les abus d'une phraséologie doctrinaire (le réalisme socialiste) et pense qu'il ne faut "pas endOrmir ces masses, comme l'a fait à l'époque de Jdanov, par une littérature agricole et po-pulaire facile, démagogique et enfin de compte de mystification

Une littérature vraiment révolutionnaire doit dépasser le stade du populisme" Algérie-Actuàlité, No. 142 du. 7 7.1968'.

(2) Quoique certaines réflexions nous laissent perplexes, il est judicieux de les relier à cette contexture qu'est la guerre. Voyons de plus prés: "A un moment donné de l'Histoire, le bonheur est une insulte, un blas-phème, une véritable désertion". Le Quai aux Fleurs ne répond plus p. 120,' 121.

Dans l'élève et la leçon,le calvaire que lui fait passer sa fille (désireuse d'avorter) pousse Khaled Ben Tobal vers des pensées morbides:, "je serais désespéré si la mort ne m'attendait pas quelque part sur la roui Cette idée me console, c'est la seule qui puisse me consoler. Mon indifférence est née de mon impuissance à vivre... Le silence est mon ami. Je m'aperçois que je me suis ennuyé pendant plus et un demi-siècle" p. 120-.121

nés, aux humbles, à toutes les créatures impuissantes à savoir analyser ou même !xv.Imer leur souffrance. C'est par là que Malek Haddad rejoint le sentiment tragique de fatalité, mais adapté aux petites gens, à la vie de tous les jours,à l'heure des grenades et de la haine. Ecoutons Malek Haddad nous conter son gros chagrin. :

"Je sais l'injure, l'affront, la haine. Je n'ai pas répondu(...) j'ai vu trop de mendiants, j'ai vu trop de mouches. Le trachome a menacé chacun de mes regards. J'ai vouvoyé , on m'a dit: tu. Je suis un Arabe, c'était devenu un métier. J'ai compris le maigre rictus de la famine.(1) J'ai compris le froid et la

chaleur. A L'école, au régiment, j'ai su l'injure, l'affront, la haine. Je suis un Arabe, c'est devenu une malédiction.

(1) Les zones dites 'interdites" sont d'immenses cimetières railla mortalité effrayante, comme le reconnaissait le fameux rapport, connu sous le nom de "Rapport Delouvrier" (avril. 1959) qui révélait pour la

première fois officiellement leur existence, A L'époque, on estimait à

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