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3. Université Paris-Est : instance d’agrégation et de valorisation d’une hétérogénéité

3.2. Une fédération et une intégration orchestrées par le symbolique

3.2.3. La cartographie : représenter visuellement la fédération et l’intégration

Au cours de ses trois grandes phases historiques précédemment évoquées, Université Paris- Est a eu recours à la communication pour représenter le territoire sur lequel elle s’étend. Comme

le soulignent les travaux de Magali Nonjon et Romain Liagre118, l’élaboration d’une cartographie

est un processus hautement symbolique qui permet à UPE de représenter visuellement la « Communauté » qu’elle construit et de souligner dans une quasi-militance sa dimension et sa visée fédérales. Université Paris-Est revendiquant un « effet structurant sur le territoire » sur son site Internet, il est apparu comme pertinent, dans la perspective de l’étude de l’opérativité symbolique sous-jacente aux actions de communication numérique, de mettre en perspective les cartes élaborées tour à tour par le PMLV et Université Paris-Est afin d’appréhender ses modes de représentation d’un territoire donné.

118 NONJON, Magali, LIAGRE, Romain, « Une cartographie participative est-elle possible ? Ressorts et usages de la

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Les premières cartes conçues par le consortium sont caractéristiques d’une vision primairement centrée sur la Cité Descartes de Marne-la-Vallée, comme en témoigne celle réalisée par le PMLV en 2005 (annexe 23). De ce fait, elle permet aux récepteurs de constater graphiquement l’adhésion et la complémentarité des établissements d’un territoire donné au Polytechnicum. Plus encore, on peut estimer que cette représentation cartographiée sous-tend un souhait de constituer peu à peu un espace géographique, sinon géopolitique, à part entière dans l’Est parisien. Les institutions membres et associées qui ne sont pas présentes physiquement sur ce campus, tel le CNAM (Conservatoire national des arts et métiers) dont le siège social est situé à Paris, sont alors signalées comme étant « hors plan ». En même temps que cette représentation cartographique légitime symboliquement la présence des institutions au sein de la Cité Descartes, elle exclut de ce fait les institutions qui sont localisés en périphérie ou dans les autres départements d’Île-de-France. Pour pallier ce problème de communication lié à l’éclatement multi-sites auquel est confrontée Université Paris-Est, cette dernière a fait peu à peu fait évoluer sa cartographie afin qu’elle prenne en compte la totalité des membres et associés fédérés.

En 2008, à l’occasion de la refonte graphique du site Internet d’UPE, une nouvelle cartographie est mise en ligne dans la rubrique « Plan d’accès » et présente désormais, du fait de son extension vers le Val-de-Marne deux campus via deux cartographies différentes : l’une réalisée en interne, l’autre mettant en exergue l’intertextualité précédemment évoquée entre UPE et ses membres et émanant de la Direction de la communication de l’Université Paris 12 - Val-de-Marne. Là encore, les institutions localisées en dehors de ces espaces cartographiés, telles que le LCPC (Laboratoire central des ponts et chaussés) et l’INRETS (Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité), respectivement situés à Paris et Arcueil, ne sont pas représentées (annexes 24).

Ce n’est qu’à partir de 2011 et avec l’arrivée de plus de membres et associés non situés sur les campus de la Cité Descartes et de Créteil tels le CNRS (Centre national de la recherche scientifique), l’EnvA (École nationale vétérinaire d’Alfort) et l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) que ces derniers sont représentés sur les cartes, qui sont désormais intégralement produites par Université Paris-Est (annexe 25). Cette cartographie va peu à peu évoluer, notamment afin de circonscrire les deux campus correspondant aux pôles Santé et Société et Villes, Environnement et leurs Ingénieries. Les deux dernières variantes de cartes utilisées par UPE afin de matérialiser graphiquement son champ d’action sont en complète opposition avec les visuels utilisés antérieurement par le Polytechnicum de Marne-la-Vallée et le PRES dans le sens où elles positionnent clairement Université Paris-Est comme un acteur ancré sur un vaste territoire

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s’étendant sur trois départements (Val-de-Marne, Seine-Saint-Denis et Seine-et-Marne) et incluant Paris intramuros (annexes 26).

La représentation des deux sites principaux sur un plan unique et la présence d’axes de transport en commun actuels et futurs témoigne d’une volonté forte de la part d’UPE de légitimer son existence et de revendiquer son influence sur un espace géographique donné. Il s’agit également de promouvoir par ce biais des membres et associés et des campus reliés entre eux de manière cohérente. On notera par ailleurs que le Val d’Europe, secteur Est de la ville nouvelle de Marne-la- Vallée accueillant Disneyland Paris et le centre commercial du même nom, est à égalité visuelle avec les pôles d’Université Paris-Est. Ceci semble indiquer un souhait de mettre en avant une proximité certaine avec des une zone à forte activité économique et touristique. Ce choix de cartographie n’est pas anodin, vient mettre en lumière la politique d’élargissement promue par la Comue et souligne en même temps une problématique majeure liée à la dénomination adoptée par cette dernière. Ainsi, bien qu’il soit symboliquement fort d’intégrer des institutions situées en dehors de l’Est parisien, il n’en demeure pas moins que ces adhésions rentrent en conflit sémantique avec le nom « Université Paris-Est » qui renvoie inéluctablement à une représentation mentale d’un certain territoire. Concernant ce dernier point, il est particulièrement intéressant de noter qu’UPE tend à mettre en avant les antennes est franciliennes de ses membres et associés lorsque ces derniers possèdent leur siège social en dehors de cet espace. Ainsi, ce sont par exemple les sites cristoliens de l’AP-HP (CHU Henri Mondor de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris) et de l’EFS (Unité d'ingénierie et de thérapie cellulaire de l’Établissement français du sang) qui sont mis en avant sur les cartes en lieu et place de leurs sièges sociaux situés respectivement à Paris et en Seine-Saint- Denis. On peut alors formuler l’hypothèse selon laquelle la Comue agirait de la sorte dans l’optique de mieux coller à son ethos préalable.