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Chapitre 4. La sensibilité à la sécheresse de la forêt comme indicateur spatialisé de dégradation

4.2. Analyse

4.3.2. Cartographie à l’échelle de la municipalité

La carte du coefficient de régression linéaire EVI/TRMM représente son calcul

en chaque pixel en utilisant les couples de valeurs (EVI ; TRMM) des quatre mois de

début de saison sèche durant 15 années (Figure 62). A l’échelle de la municipalité de

Paragominas, elle montre des forêts très dégradées dans l’axe méridien, ce qui

s’explique par une activité humaine plus élevée à proximité de la route fédérale

BR-010 reliant Belém à Brasilia. Les changements d'occupation du sol de la forêt en

pâturage et en terre cultivée sont plus intenses et les parcelles forestières restantes,

à proximité de zones ouvertes sont plus morcelées et plus dégradées par la coupe

sélective, l’extraction de charbon de bois et les incendies. Les forêts les moins

dégradées sont aux extrémités du territoire.

Nous reviendrons sur l’interprétation de cette distribution spatiale au

chapitre 5.

Figure 62. Coefficient de régression linéaire entre EVI-MODIS et TRMM pour la période 2000-2015 au début de la saison sèche (juin à

septembre). Les valeurs négatives élevées de couleur vert foncé représentent une forêt peu ou non dégradée, les valeurs positives en couleur

rouge représentent les forêts les plus dégradées selon cet indicateur.

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4.4. Discussion

La littérature montre que les résultats sur l’EVI à Paragominas sont cohérents

avec le modèle saisonnier d’une vaste zone couvrant l'ensemble du domaine

forestier pantropical humide à feuilles persistantes. Le surplus de précipitations

pendant la saison des pluies en Amazonie conduit à un stockage important de l'eau

dans le sol et les nappes souterraines (Crowley et al. 2006; Miguez‐Macho et Fan

2012). (Guan et al. 2015) estime que, dans le bassin amazonien, 39,8% de

l'approvisionnement en eau durant la saison sèche est fourni par le stockage de l'eau

de la saison des pluies précédente (Figure 63). Le bilan en eau et particulièrement le

stress hydrique dépendent principalement de la durée de la saison sèche. La réserve

en eau du sol est utilisée par la forêt au début de la saisons sèche, avec un taux

d'appauvrissement estimé en moyenne à 65 mm/mois, grâce aux racines profondes

des plantes (Nepstad et al. 1994; Betts et Silva Dias 2010).

Figure 63. Relation entre le déficit total en saison sèche et la capacité de stockage de l’eau

dans les forêts tropicales à feuilles persistantes (Guan et al. 2015)

La littérature montre que les forêts tropicales augmentent leur activité

photosynthétique au début de la saison sèche. L’originalité de nos résultats est qu’ils

mettent en évidence que ce comportement s’observe seulement pour des forêts

primaires non ou peu dégradées. Cette relation n’est pas trouvée pour les forêts

dégradées. Au contraire l’activité photosynthétique diminue durant cette même

période pour les forêts dégradées. L'hypothèse pour expliquer ce phénomène dans

les forêts dégradées est que les petits arbres des forêts dégradées possèdent un

système racinaire plus superficiel, incapable d'accéder à l'eau stockée dans les

couches profondes du sol. Par ailleurs, l'ouverture de la canopée augmente le

rayonnement et le réchauffement dans le sous-bois et à la surface du sol ce qui

accélère le dessèchement. Ces hypothèses d’explication sur les processus en cause

seraient à démontrer dans des travaux à venir. Les résultats montrent en tous cas

que le coefficient de régression linéaire permet d'identifier l’intensité de la

dégradation de la forêt sur plusieurs années. Le coefficient de régression de la

relation EVI / TRMM différencie les cinq classes de niveau relevées sur le terrain. Ce

coefficient constitue ainsi un indicateur pour spatialiser l’intensité de la dégradation

de la forêt.

En s’intéressant au type de perturbation, les résultats présentés ne montrent

pas de différence de sensibilité à la sécheresse en début de saison sèche entre la

forêt primaire non-dégradée et la forêt en coupe sélective avec plan de gestion :

toutes deux augmentent leur activité photosynthétique quand les pluies diminuent, ce

qui tend à montrer un impact négligeable de l’exploitation en coupe sélective avec

plan de gestion sur le fonctionnement des forêts. La valeur du coefficient de

régression est quasi nulle pour la forêt surexploitée sans plan de gestion. Ceci

pourrait s’interpréter plutôt comme une compensation des deux facteurs de contrôle

mis en évidence dans la littérature : d’une part l’ensoleillement croissant qui favorise

l’activité photosynthétique, d’autre part la diminution de la disponibilité en eau

contraignante mais non limitante. Les deux autres types de perturbation montrent

des dommages plus forts en ce qui concerne la sensibilité de l’activité

photosynthétique à la baisse des pluies en début de saison sèche : l’exploitation pour

le charbon de bois et encore plus fortement l’incendie, même lorsqu’ils ont affecté la

forêt dans le passé, réduisent l’activité photosynthétique de la forêt durant cette

saison. Il est par ailleurs intéressant de souligner que l’ordre de dégradation observé

avec le coefficient de régression EVI/TRMM sur les parcelles de type de perturbation

est similaire à celui obtenu avec la Variance de NPV.

D’autre part, il faut souligner que les forêts dégradées ont une activité

photosynthétique plus élevés en saison humide et en début de saison sèche que les

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forêts non dégradées (figure 6). Dans ces forêts comme pour les forêts secondaires,

la compétition pour l’accès aux ressources est réduite par la plus faible densité

d’arbres en comparaison avec celle des forêts non dégradées. Ces forêts dégradées

présentent donc au cours de l’année une plus forte variabilité de leur activité

photosynthétique alors qu’elle est plus réduite pour les forêts non dégradées (figure

6).

Ces différences sont attribuées à la dégradation de la forêt, ce qui suppose

que d’autres facteurs comme la nature du sol soient homogènes. Il serait intéressant

dans la zone d’étude d’analyser la relation spatiale entre les valeurs du coefficient de

régression linéaire, la nature du sol et la topographie, ces deux dernières variables

déterminant la réserve en eau du sol. La variabilité de ces facteurs pourrait expliquer

une certaine dispersion dans nos résultats.

L'indicateur a été validé dans une zone de marge de la forêt amazonienne,

avec une saison sèche plus longue et plus forte que dans le centre et le nord-ouest

du biome de la forêt amazonienne. Il serait intéressant d’en étudier la validité dans

d’autres régions du bassin amazonien et dans d’autres forêts tropicales humides.

4.5. Conclusion

Des méthodes font défaut en ce qui concerne l’évaluation des conséquences

des perturbations de la structure forestière sur la vulnérabilité aux événements

climatiques comme la sécheresse. L’approche proposée montre une relation

significative entre la dégradation de la forêt tropicale humide et sa vulnérabilité à la

sécheresse : plus la dégradation des forêts est intense, moins son activité

photosynthétique en saison sèche est importante. Cette relation étant établie, le

coefficient de régression EVI / TRMM sert en retour à évaluer le niveau de

dégradation. Il est par ailleurs différencié selon le type de perturbation dominant qu’a

connu la forêt sur la durée d’étude et il permet ainsi d’évaluer l’intensité de la

dégradation selon le type de perturbation.

Chapitre 5. Analyse territoriale de la

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