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Cartes de précipitations et évolutions des cumuls de précipitations durant le XXIe siècle

La modélisation des précipitations revêt bien plus d’incertitudes que celle des températures.

La représentation des nuages, et en aval des précipitations, dans les modèles climatiques pose un problème d’échelle spatiale : alors que la taille des pixels est supérieure à la dizaine de kilomètres pour les modèles régionaux les plus fins, les mécanismes générant la couverture nuageuse (condensation de la vapeur d’eau autour de noyaux de condensation, convection atmosphérique etc.) s’opèrent à micro-échelle. Ainsi la physique des nuages n’est que très partiellement explicite dans les modèles climatiques, les résultats dépendent donc de la paramétrisation, c’est-à-dire de l’utilisation de coefficients d’ajustement pour calibrer les modèles, bien plus que de la réalité physique du phénomène. Par conséquent les cartes obtenues par downscaling statistique effectués sur les résultats des modèles climatiques régionaux ne peuvent que très partiellement corriger ce biais.

De fait le downscaling statistique ne s’est pas porté comme pour les températures sur les sorties des 2 modèles climatiques régionaux mais sur les 28 stations météorologiques de Météo-France implantées dans les Alpes-Maritimes. Il est bien plus prudent de partir des données observées que de résultats de modélisation très incertains. Les cartes mensuelles des cumuls de précipitation ont donc été construites ainsi pour la période 1986-2005. La validation de ces résultats est très satisfaisante puisque la comparaison des données observées par Météo-France et des pixels à 25 m ne donne jamais des écarts supérieurs à 15% du cumul mensuel pour le mois concerné excepté juillet avec 17,7% d’erreur entre modélisation et observation (tab. 3).

Ce pourcentage le plus élevé s’explique en partie par le faible cumul moyen relevé sur les Alpes-Maritimes ce mois-là, même de faibles écarts se traduisent alors par un pourcentage plus important.

Tableau 3. Valeurs de RMCE moyennes et cumuls moyens pour l’ensemble des 28 stations météorologiques des Alpes-Maritimes pour les cumuls mensuels de précipitations sur la période de référence 1986-2005.

30 Les mois de juillet et d’octobre représentent les « extrêmes » mensuels avec d’un côté un mois très sec et de l’autre un mois très arrosé. Cette opposition s’explique par la variabilité climatique naturelle de la circulation atmosphérique générale dans notre région. L’été méditerranéen est marqué par la présence récurrente d’un anticyclone subtropical (celui des Açores) synonyme de beau temps, avec toutefois le développement d’orages assez fréquents en montagne. L’automne est à l’inverse la saison signant le retour des dépressions. Conjugué à une température élevée des eaux de surface de la Mer Méditerranée, ce cyclonisme associé aux invasions d’air froid en altitude provoque des précipitations abondantes à l’échelle mensuelle.

Les auteurs tiennent à préciser qu’il n’est pas question ici de modéliser et de cartographier les précipitations des épisodes de précipitations extrêmes générées en quelques heures mais bien d’établir des cartes de cumuls mensuels moyens lissant nécessairement, sur une période de 20 ans, ces phénomènes très intenses.

Pour la période 1986-2005, et en juillet, le territoire de la métropole NCA est caractérisé par une partie sud très sèche avec seulement 30 mm en moyenne et un moyen et haut pays 2,5 fois plus humide avec 74 mm (fig. 33). La frange littorale ne reçoit qu’une quinzaine de mm tandis que les massifs les plus élevés bénéficient d’environ 80 à 100 mm. Cette dichotomie s’explique par la convection thermique plus forte en montagne, où les masses d’air surchauffées au-dessus des versants très ensoleillés sont rapidement ascendantes dès la mi-journée pour aboutir fréquemment à la formation de cumulonimbus générateurs de pluie. En octobre les mécanismes provoquant les précipitations ne sont pas aussi localisés qu’en été, et de fait les cumuls sont bien plus homogènes dans l’espace avec 150 à 180 mm sur l’ensemble de la métropole.

Pour les périodes futures seul le signal climatique des résultats des deux RCM (corrigé du biais constaté pour la période de référence entre observations et modélisations) a été ajouté aux cartographies établies pour la période de référence. La structure spatiale des cumuls mensuels est donc la même avec des mm en plus ou en moins selon l’évolution moyenne des précipitations projetées par les pixels des deux RCM recouvrant les Alpes-Maritimes.

Globalement les projections du modèle ALADIN ne montrent pas de grandes évolutions pour juillet avec une tendance à une légère hausse des précipitations. Le modèle REGCM4 indique

Figure 33

31 une tendance plus marquée à la diminution des précipitations pour ce mois et contraire à celle d’ALADIN (fig. 34 à 36).

Figure 34

Figure 35

Figure 36

32 Pour octobre les tendances sont plus affirmées sans qu’il y ait toutefois consensus entre les modèles : ALADIN envisage une hausse assez forte des cumuls, excepté en 2081-2100 pour le RCP 8.5, tandis que le REGCM4 prédit un assèchement parfois fort avec 50 mm en moins dès la moitié du siècle (fig. 37 à 39).

Figure 37

Figure 38

Figure 39

33 Plus généralement dans le RCP 8.5 à l’échelle des 12 mois l’évolution des précipitations serait stable ou en légère hausse (sauf janvier et octobre avec une hausse plus forte) selon ALADIN ; pour 2081-2100 toutefois ce modèle prévoit plutôt un fléchissement des cumuls. La tendance est plus franche selon le REGCM4 avec un assèchement quasi-généralisé sur toutes les périodes (fig. 40). Pour le RCP 4.5 ALADIN indique une stagnation des cumuls globalement avec toutefois des mois d’octobre et novembre plus humides (annexe 7).

CONCLUSION

La méthode de downscaling statistique, validée par l’observation, a permis de considérablement améliorer la représentation cartographique des deux modèles climatiques régionaux ALADIN-Climat et REGCM4. De larges pixels de 12 km de côté la résolution spatiale des cartes est passée à 25 m, voire à 1 m pour la ville de Nice, permettant à leurs observateurs de mieux appréhender les effets du changement climatique sur les températures minimales et maximales, sur le confort thermique et sur les cumuls de précipitation à l’échelle mensuelle.

Pour les températures les tendances sont très claires et significatives puisque les deux modèles climatiques régionaux vont dans le même sens et anticipent une même intensité d’évolution. Le climat se réchauffe actuellement plus vite durant l’été et l’automne que pendant l’hiver et le printemps. Cette tendance se poursuivra dans les futurs potentiels décrits pas les différents RCP. La réalisation du RCP 2.6 signifierait que le climat évoluerait quelque peu encore dans les décennies à venir mais que la hausse des températures serait très limitée. Par contre si le monde suit les RCP 4.5 ou 8.5 alors le climat de la métropole NCA s’en verrait profondément affecté, avec dans le pire des cas un bouleversement plus important encore que lors d’une déglaciation. Plus le temps passera et plus l’été semblera long avec un glissement des profils thermiques estivaux vers le printemps et vers l’automne : les températures de juillet 1986-2005 s’observeront bientôt en juin puis en mai ; celles d’août 1986-2005 déborderont sur septembre puis octobre. Quant aux cœurs d’été de 2081-2100 dans le RCP 8.5, ils seront comparables au climat actuellement observé dans l’intérieur des terres sur la rive sud de la mer Méditerranée…Parallèlement l’hiver sera plus court même s’il est important de préciser à

Figure 40

mm

34 nouveau que janvier et février seront les mois les moins affectés par le réchauffement climatique.

L’une des principales conséquences de cette évolution sera la forte dégradation du confort thermique estival, des impacts sanitaires forts engendrés par des vagues de chaleur sont à redouter : l’aménagement du territoire via notamment une politique volontariste portant sur l’isolation thermique des bâtiments doit prendre sa part de responsabilité afin de protéger la population. Autre question inquiétante, celle de l’eau et de sa disponibilité : en dépit des incertitudes fortes pesant sur la modélisation des précipitations (pour rappel aucune tendance significative ne se dégage des deux modèles climatiques régionaux), il serait illusoire de compter sur leur augmentation durant l’été alors même que les températures progresseront ; l’évaporation sera donc plus forte et les besoins en eau s’accroîtront : comment espérer refroidir les espaces urbanisés avec l’aménagement d’espaces verts qui en absence d’eau ne pourront assurer le mécanisme d’évapotranspiration, véritable climatiseur naturel ?

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37 ANNEXE 1

Zone Nord

Zone Sud

38 ANNEXE 2

39 ANNEXE 3

40 ANNEXE 4

41 ANNEXE 5

42 ANNEXE 6

43 ANNEXE 7

mm

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