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[Les bourses] représentent une des principales activités de la Fédération et, à mon avis, elles lui donnent son trait de caractère le plus original1.

Le programme de bourses internationales de recherche et d’études avancées se place au premier rang de l’engagement concret des dirigeantes de la FIFDU. Répondant à lui seul à la totalité des objectifs initiaux de la FIFDU, la mise en place de ce programme et son développement deviennent rapidement la priorité des responsables de la Fédération, qui entendent mobiliser l’ensemble des membres pour le faire fonctionner. Si l’engouement pour ce projet est bien palpable, « le débat sur les bourses [ramenant] toujours le sourire et [mettant] tout le monde d’accord2 », les différentes associations nationales ne répondent pas de manière homogène à cet appel, ce qui concourt à la création d’un programme protéiforme dont les conditions varient d’années en années. L’entre-deux-guerres constitue une période de tâtonnements nécessaires à l’établissement des modalités du programme, tant idéologiques que pratiques, avec la définition et l’institutionnalisation des critères de financement et d’attribution des bourses. Après la Seconde Guerre mondiale, le programme suit l’évolution de la FIFDU qui étend plus largement son influence dans les pays non-occidentaux ; il s’opère alors une multiplication du nombre de bourses et une diversification de l’offre, les dirigeantes cherchant à s’adapter aux besoins des nouveaux membres.

Ce faisant, la FIFDU s’intègre à la nébuleuse des organisations favorisant les migrations internationales d’étudiants et de chercheurs. Dès la Seconde moitié du XIXe siècle, de nombreux organismes se mettent à financer des bourses internationales, dans une visée surtout nationaliste voire d’impérialisme culturel et universitaire ; l’enjeu est alors de défendre des systèmes universitaires nationaux, et de stimuler leur attractivité internationale pour tenir leurs rangs dans un contexte mondial fortement compétitif. Ces bourses peuvent

1 « Compte-rendu de la Secrétaire Générale », Bulletin de l’Association des Françaises Diplômées des Universités, n°5, février 1932.

2 VEILLIER-DURAY, Juliette, « En revenant d’Amérique », Bulletin de l’Association des Françaises Diplômées des Universités, n°3, juillet 1931, p.6.

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176 être financées par les États eux-mêmes et par les milieux universitaires comme c’est le cas en France3, ou par des mécènes et organisations philanthropiques, comme les bourses Rhodes fondées en 1901 suivant le testament du Britannique Cecil Rhodes, qui financent des séjours d’études à Oxford pour des étudiants du Commonwealth4.

Après la Grande Guerre, au moment de la création de la FIFDU, les justifications des programmes de bourses évoluent, sous l’influence de la jeune Société des Nations qui entend diffuser au monde entier « l’Esprit de Genève » ; dans un objectif pacifiste, la promotion de la collaboration et de la compréhension internationale est davantage mise en avant pour légitimer ces échanges d’étudiants et de chercheurs. Reprenant des arguments déjà avancés par certains philanthropes au début du XXe siècle comme ceux du banquier français Albert Kahn qui, nous l’avons vu, finance à partir de 1898 les bourses Autour du monde pour représenter la France à l’étranger mais aussi pour que les agrégés se confrontent aux différences culturelles5, les organisations philanthropiques rattachent le voyage d’étude à leurs idéaux internationalistes. Les bourses de la Dotation Carnegie pour la Paix internationale6 ou de la fondation Rockefeller7 sont emblématiques de ce courant même si, derrière ces discours prônant l’universalisme, elles n’en restent pas moins des vecteurs d’américanisation du champ scientifique européen8. Ce sont également sur ces idéaux de

3 Guillaume Tronchet explore la diversité des stratégies et financements mis en place sous la IIIe République (État, comités de patronage proches des universités, Alliances françaises, ONUEF, mécènes comme Albert Kahn…) permettant à la France de se placer en tête de l’accueil des étudiants étrangers dans les années 1920 et 1930, Guillaume TRONCHET, « The Defeat of University Autonomy : French Academic Diplomacy, Mobility Scholarships and Exchange Programs (1880s-1930s) », in Ludovic TOURNES, Giles SCOTT-SMITH (dir.), Global Exchanges…, op.cit., 2018, pp.50-64. Christophe Charle a pour sa part étudié les migrations internationales des professeurs de la Sorbonne, Christophe CHARLE, « Ambassadeurs ou chercheurs ? Les relations internationales des professeurs de la Sorbonne sous la IIIe République », Genèses, n°14, 1994, pp.42-62.

4 Tamson PIETSCH, « Many Rhodes : travelling scholarships and imperial citizenship in the British academic world, 1880-1940 », History of Education, vol.40, n°6, 2011, pp.723-739 ; Tamson PIETSCH, Meng-Hsuan CHOU, « The Politics of Scholarly Exchange : Taking the Long View on the Rhodes Scholarships », in Ludovic TOURNES, Giles SCOTT-SMITH (dir.), Global Exchanges…, op.cit., 2018, pp.33-49.

5 Whitney WALTON, Internationalism, National Identities, and Study Abroad : France and the United States, 1890-1970, Standford, Standford University Press, 2010.

6 Patricia L. ROSENFIELD, A World of Giving : Carnegie Corporation of New York and a Century of International Philanthropy, New York, Public Affairs, 2014.

7 Le programme Rockefeller est emblématique également par son ampleur : de sa fondation en 1914 jusqu’en 1970, plus de 10 000 boursiers ont été financés. Ludovic TOURNES, Giles SCOTT-SMITH, « Introduction », in Ludovic TOURNES, Giles SCOTT-SMITH (dir.), Global Exchanges…, op.cit., 2018, p.13. Voir également les chapitres de Judith Syga-Dubois, « Managing Scientific Exchange in Interwar Germany : August Wilhelm Fehling and Rockefeller Foundation Fellowships », et de Yi-Tang Lin, Thomas David et David Rodogno

« Fellowship Programs for Public Health Development : The Rockefeller Foundation, UNRRA and the WHO (1920-1970s) » de cet ouvrage.

8 En étudiant les boursiers français de la fondation Rockefeller, Ludovic Tournès montre ainsi que l’impact du programme peut se mesurer « dans l’après [Seconde] Guerre [mondiale], où l’arrivée à des postes de responsabilité de ses fellows permet d’en juger les effets concrets dans le paysage culturel. Dans tous les domaines examinés, les boursiers ont à l’évidence joué un rôle de passeurs et favorisé l’implantation de nouvelles méthodes de travail, de nouveaux savoirs et de nouvelles pratiques professionnelles acquis pendant des

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177 compréhension internationale que s’appuient les organisations chrétiennes de jeunesse, comme la Young Men Christian Association (YMCA)9 ou la Young Women Christian Association (YWCA)10, qui financent des bourses notamment pour des étudiants et étudiantes des pays non occidentaux. La Confédération internationale des étudiants, quant à elle, met en place durant l’entre-deux-guerres des échanges de plus courte durée : elle organise des voyages de groupe en Europe à destination d’étudiants nord-américains accompagnés de leurs professeurs, et les met en relation avec des étudiants locaux pour leur servir de guides et favoriser les contacts internationaux. Elle leur permet également de suivre des cours à l’Ecole des études internationales de Genève, dirigée par l’un des tenants de la SDN et de l’IICI, Alfred Zimmern11. Après la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte de Guerre froide, les ambitions nationalistes reprennent le dessus, et les programmes sont instrumentalisés pour resserrer les liens entre pays alliés, mais aussi pour insuffler les idées d’un bloc dans les pays de l’autre bloc, comme l’illustre le cas du programme américain Fullbright12.

Les dirigeantes de la FIFDU se situent résolument dans les dimensions internationalistes, même si la structure plurielle de leur programme n’efface pas, nous le verrons, certains enjeux nationalistes. En mettant en place un programme spécifiquement destiné aux femmes et financé intégralement par les membres individuelles de l’association, elles font œuvre de pionnières dans le champ des bourses internationales, peu d’organisations ayant dès l’entre-deux-guerres ouverts leurs financements aux femmes, à l’exception de la YWCA. En effet, elles peuvent concourir aux bourses Autour du Monde dès 1905, mais moins de subsides sont attribués aux agrégées13, la somme allouée est inférieure au montant

séjours effectués en majorité aux États-Unis ». Ludovic TOURNES, « Les élites françaises et l’américanisation : le réseau des boursiers de la Fondation Rockefeller », Relations Internationales, n°116, hiver 2003, pp.501-513.

9 Stefan HÜBNER, « Muscular Christian Exchanges. Asian Sports Experts and the International YMCA Training School (1910s-1930s) », in Ludovic TOURNES, Giles SCOTT-SMITH (dir.), Global Exchanges…, op.cit., 2018, pp.97-112 ; Stefan HÜBNER, « Muscular Christianity and the Western Civilizing Mission : Elwood S. Brown, the YMCA, and the Idea of the Far Eastern Championship Games », Diplomatic History, vol.39, n°3, 2015, pp.532-557.

10 Marie SANDELL, « Learning in and from the West… », art.cit., 2015.

11 Daniel LAQUA, « Activism in the "Students’ League of Nations" : International Student Politics and the Confédération Internationale des Étudiants, 1919-1939 », English Historical Review, vol. CXXXII, n°556, 2017, pp.606-637, pp.624-631.

12 Tout comme le programme Rockefeller, le programme Fulbright se distingue par le nombre important de boursiers : entre 1948 et 1975, 39 000 américains sont financés pour étudier à l’étranger, et 78 000 étudiants de 110 pays viennent étudier aux États-Unis. Ludovic TOURNES, Giles SCOTT-SMITH, « Introduction », in Ludovic TOURNES, Giles SCOTT-SMITH (dir.), Global Exchanges…, op.cit., 2018, p.15. Sur les enjeux des programmes de bourses dans le contexte de la Guerre froide, voir notamment la partie 3 « The Cold War : A golden Age of Scholarship Programs » de cet ouvrage.

13 De la fondation du programme jusqu’en 1930, 48 agrégés en ont bénéficié contre 24 agrégées. Whitney WALTON, Internationalism, National Identities, and Study Abroad, op.cit., 2010, p.39.

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178 offert aux hommes, et elles ne peuvent voyager qu’en Europe et aux États-Unis14. De même, si la fondation Rockefeller organise un programme spécifique à destination d’infirmières15, celui-ci ne répond pas aux besoins de spécialisation et de recherche des diplômées de l’enseignement supérieur, qui n’ont par ailleurs que très peu accès au programme de bourses classiques16. Dans ce contexte, et bien que de beaucoup plus faible ampleur que les programmes des grandes fondations philanthropiques américaines puisque seules 265 bourses sont offertes entre 1928 et 1970, le projet de la FIFDU vient combler un manque pour stimuler les voyages d’études de femmes souhaitant poursuivre des études avancées. Les responsables acquièrent en outre une légitimité dans le champ, leur expertise à ce sujet étant à diverses reprises sollicitée par l’Institut international de coopération intellectuelle de la SDN17.

Le présent chapitre18 se propose d’interroger l’articulation entre les idéaux des dirigeantes de la FIFDU et leur mise en pratique dans le cadre du programme de bourses, en s’intéressant en particulier aux profils et aux expériences des boursières. Dans une première partie, nous analyserons les discours fondateurs des dirigeantes afin de comprendre les principes qui sous-tendent la création du programme, et les espoirs immenses qu’elles y placent. Dans les parties suivantes, nous étudierons de manière chronologique les modalités pratiques de sa mise en œuvre, et tenterons d’évaluer ses réussites et ses échecs au regard des profils et des expériences des boursières. Nous traiterons de la période de l’entre-deux-guerres, au cours de laquelle le programme s’épanouit. Nous montrerons ensuite ses réorganisations durant le contexte très particulier de la Seconde Guerre mondiale, et finirons sur les tentatives d’ouverture du programme à une plus grande diversité de femmes après 1945.

14 Guillaume TRONCHET, « Les bourses de voyage "Autour du Monde" de la Fondation Albert Kahn (1898-1930) : les débuts de l’internationalisation universitaire », in Christophe CHARLE, Laurent JEANPIERRE (dir.), La vie intellectuelle en France (XIXe-XXe s.), Paris Seuil, 2016, p.619.

15 Pierre-Yves SAUNIER, « Wedges and Webs : Rockefeller Nursing Fellowships 1920-1940 », in Ludovic TOURNES, Giles SCOTT-SMITH (dir.), Global Exchanges…, op.cit., 2018, pp.127-140.

16 Dans son étude sur les boursiers français de la fondation Rockefeller, Ludovic Tournès dénombre 51 bourses pour infirmières, et 233 boursiers « presque tous des hommes ». Ludovic TOURNES, « Les élites françaises et l’américanisation… », art.cit., 2003, p.507.

17 Nous traiterons de cette question dans le chapitre 6.

18 Certains éléments de ce chapitre font l’objet d’une publication, HUNYADI Marie-Elise, « Des études à l’étranger pour promouvoir les carrières académiques féminines ? La Fédération internationale des femmes diplômées des universités, entre paix et conquête d’un bastion professionnel masculin (1918-1970) », Paedagogica Historica, à paraître (accepté).

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179 I. Distiller l’essence de la FIFDU dans un programme d’action : des idéaux à l’engagement matériel (1920-1928)

L’idée d’un programme de bourses internationales apparaît très tôt dans l’histoire de la Fédération. Le projet est évoqué dès la première conférence à Londres en 1920, par les deux fondatrices Caroline Spurgeon et Virginia Gildersleeve, qui mettent alors principalement l’accent sur les avantages qu’un tel programme présenterait pour « favoriser l’amitié internationale19 » et répondre aux objectifs pacifistes de l’organisation naissante. Il faut dire que les associations américaines et britanniques auxquelles elles appartiennent ne sont pas novices en la matière ; l’American Association of University Women offre déjà des bourses à ses membres depuis 1888, et la British Federation of University Women a débuté son propre programme en 1912. Caroline Spurgeon est d’ailleurs la première membre à en avoir bénéficié.

Mais si ces bourses américaines et britanniques existent, elles sont moins conçues pour favoriser la compréhension internationale que pour pallier un manque de possibilités éducatives offertes aux femmes désireuses de poursuivre des études supérieures poussées. Il est intéressant de noter que dans un premier temps, ce but est presque totalement absent des discours des dirigeantes de la FIFDU qui tentent de promouvoir leur programme de bourses internationales en insistant exclusivement sur les aspects pacifistes de ces échanges internationaux. Pourtant, avec le développement et l’institutionnalisation du programme durant l’entre-deux-guerres, cette tendance s’inverse et de nouvelles missions sont attribuées aux bourses internationales, plus centrées sur les carrières féminines et le développement scientifique. Pour l’astrophysicienne canadienne Allie Vibert Douglas, qui préside la commission d’attribution des bourses internationales de la FIFDU en 1950 et qui réalise une enquête sur le programme et ses anciennes boursières, « la FIFDU, par ces bourses de recherche, accomplit une triple mission : auprès des boursières, à l’égard de la culture et en vue d’une meilleure compréhension internationale20 ». Si nous estimons que la notion de

« culture » utilisée par Allie V. Douglas concerne davantage le développement scientifique, nous avons repris ces trois catégories de « missions » afin de déterminer les fondements

19 IFUW archives, Atria, dossier 67 : « Address by Caroline Spurgeon », Report of the First Conference, London, 1920, p.13.

20 AN, 20000004/57, Archives AFDU, carton Bourses : Allie VIBERT DOUGLAS, « La Fédération Internationale des Femmes diplômées des Universités et la Recherche Scientifique », 1950, p.4. Son étude résulte entre autres en la rédaction d’un texte très élogieux revenant sur les origines du programme, ses principes et quelques statistiques des années d’entre-deux-guerres, et qui se teinte d’une forte connotation propagandiste.

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180 idéologiques présidant à la mise en place du programme, et leur fluctuation dans les discours au cours des années d’entre-deux-guerres.

I.1. Des voyages d’études pour favoriser la compréhension internationale

Dans un premier temps, la mise en place du programme de bourse est à mettre en relation avec le souhait des fondatrices de trouver des moyens de provoquer des occasions de rencontre et de discussion entre femmes ayant bénéficié d’une éducation supérieure, afin que chacune découvre l’autre, sa culture et son histoire, qu’elles apprennent à se connaître et à s’apprécier. Dans ce cadre, favoriser les échanges internationaux d’étudiantes avancées et de professeures leur semble une piste intéressante à exploiter, car contrairement au simple voyage touristique ou aux temps réduits que sont les congrès, il permet une véritable immersion dans une autre culture et une confrontation directe à d’autres manières de vivre et de penser :

There is no better or surer way of making friends than to work and play together.

Each of these students who goes to another country forms there a little circle of friends, gains inside knowledge of the points of view, the conditions, the temperament, the history of another great people, and in consequence, that student will affect everyone that she meets in after life when she returns to her own land21.

Comme pour justifier le fait que seul un petit nombre de femmes pourront bénéficier de bourses, Caroline Spurgeon présente le rôle des boursières comme « pont » entre deux cultures, et surtout comme « diffuseur » des connaissances et représentations acquises à l’étranger et sur l’étranger, auprès de ses propres concitoyens. Tout comme la FIFDU qui ne peut objectivement pas englober toutes les femmes du monde, mais qui compte sur ses quelques milliers de membres pour diffuser à leur échelle les idéaux de l’association, les boursières sont ainsi perçues comme des investissements pour une action de plus large envergure. C’est d’ailleurs ce que dit explicitement Marie Bonnet, Secrétaire générale de l’Association Française, en présentant les bourses une dizaine d’années plus tard: « Ces subventions ne sont que des prêts qui seront rendus largement à notre pays sous forme de travail et de coopération aux meilleurs efforts de la jeunesse contemporaine22 ».

21 IFUW archives, Atria, dossier 67 : « Address by Caroline Spurgeon », Report of the First Conference, London, 1920, p.10.

22 Marie BONNET, « Bourses de l’Association », Bulletin de l’Association des Françaises Diplômées des Universités, n°12, octobre 1933, p.12.

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181 L’immersion dans une autre culture est, aux yeux des fondatrices, une condition essentielle à la compréhension internationale. Selon elles, il y a nécessairement un effort à faire pour comprendre l’autre ; pour dépasser les stéréotypes véhiculés par les imaginaires nationaux ou les premières impressions qui peuvent imprégner de manière indélébile un esprit soumis de manière trop rapide à l’altérité. L’immersion permet de laisser un temps nécessaire aux boursières pour construire un jugement objectif des nations qui les accueillent, jugement davantage basé sur la tolérance que celui émanant d’un bref et simple contact, selon Virginia Gildersleeve :

We feel that through contact of this sort they will learn to know and understand the different nations, appreciate the difficulties under which they labour, their peculiar circumstances and problems, and judge them more sympathetically and leniently23.

Mais surtout, passer plusieurs mois dans un pays autre que le sien doit conduire à l’établissement de relations amicales solides avec ses habitants. Pour les dirigeantes, le fait d’y étudier ou d’y travailler tend à augmenter les chances que de tels liens se tissent, en favorisant les contacts rapprochés et en se confrontant aux mêmes conditions et problèmes qu’eux. Pourquoi les fondatrices insistent-elles tant sur ces « liens d’amitiés » comme une solution à la coopération internationale et au maintien de la paix ? La physiologiste britannique Winifred Cullis, revenant sur sa propre expérience de travail dans des universités canadiennes et états-uniennes, donne à ce sujet quelques pistes de réponse:

It had given [me] a splendid chance of entering into relation with other people and really seeing their life and their problems from a new point of view. It was the most educational kind of experience anyone could have, and it inspired a really active desire to cooperate with the people of other countries, to treat them as real friends and to work with and for them. Friendship of this kind made it difficult to be suspicious of the motives and doings of people one loved and admired. It made one ready to wait for an explanation and to believe that perhaps, when things were hard to understand, there might be something wrong on one’s own side24.

Pénétrer dans un nouvel environnement et un nouveau mode de vie, véritable « expérience éducative » pour Winifred Cullis, débouche sur l’établissement de liens d’amitiés à l’origine d’une attitude de confiance envers les habitants de ces autres nations. Cette assurance envers la sincérité de ses « amis » permet d’envisager autrement leurs actions, en reconnaissant que leurs modes de pensée et d’action diffèrent et forçant à réaliser l’effort de compréhension

Pénétrer dans un nouvel environnement et un nouveau mode de vie, véritable « expérience éducative » pour Winifred Cullis, débouche sur l’établissement de liens d’amitiés à l’origine d’une attitude de confiance envers les habitants de ces autres nations. Cette assurance envers la sincérité de ses « amis » permet d’envisager autrement leurs actions, en reconnaissant que leurs modes de pensée et d’action diffèrent et forçant à réaliser l’effort de compréhension

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