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Chapitre V – Datation et dynamique des processus de formation

II. PRINCIPE DES MÉTHODES DE DATATION ISOTOPIQUES

II.2. Le carbone 14

Le carbone-14 ou radiocarbone est un isotope radioactif du carbone de période 5568 ± 30 ans (Libby, 1955). Cet isotope se forme dans la haute atmosphère par bombardement des neutrons produits secondaires des rayonnements cosmiques sur l’azote 14 (équation 3). Puis il s’oxyde en gaz carbonique avant de se propager dans la biosphère sous forme de 14CO2. C’est sous cette forme qu’il est stocké par les organismes vivants et les océans dans une proportion identique à la proportion atmosphérique.

e N C 0 1 14 7 14 6 +− ( 3)

À la mort des organismes, la radioactivité décroît selon la formule de décroissance exponentielle radioactive (équation 4). Le calcul de l’âge des matières carbonées exploite cette relation simple.

t

e Ao

At= × λ (4)

t : temps écoulé depuis la mort de l’organisme,

At : activité carbone de l’échantillon au temps t,

Ao : activité carbone moderne (référence), T : période ou demi-vie de l’élément (5568 ans),

λ : constante de désintégration Ln2/T égale à 0,69314/T.

La résolution de cette équation nécessite la détermination de l’activité 14C de l’échantillon. Cette mesure peut être obtenue par deux techniques différentes :

le comptage de la radioactivité,

la spectrométrie de masse couplée avec un accélérateur (A.M.S).

La mesure par le comptage de la radioactivité exploite l’équation de désintégration du

14C au cours du temps (équation 5). La mesure par AMS est une technique plus récente qui permet de doser le carbone-14 par sa masse, offrant ainsi l’avantage de doser des échantillons dont la radioactivité est faible.

N

C 14

7 14

La détermination des âges au radiocarbone est basée sur l’hypothèse de la constance du rapport isotopique du 14C dans le dioxyde de carbone atmosphérique durant les derniers 40 000 ans. Cette hypothèse est néanmoins fausse, ce rapport ayant varié dans les différents compartiments de la biosphère au cours du temps (Stuiver et Braziunas, 1993). Une correction s’avère nécessaire. Celle-ci est effectuée selon une courbe de calibration par apport de données de dendrochronologie, et de datation uranium-thorium (U-Th).

II.2.1. Application à la datation des sols

La méthode de datation 14C s’applique sur des matières organiques aussi diverses que des coraux, des bois, des charbons de bois, des ossements, du sol, etc.

La datation des matières organiques extraites du sol porte sur différents types de matières organiques dont les âges, en fonction du turn-over, peuvent varier de quelques centaines à plusieurs milliers d’années (Trumbore et al., 1989 ; Paul et al., 1997 ; Krull et al., 2003). La formation des sols est un processus continu, et des matières organiques labiles jeunes sont continuellement ajoutées au pool plus ancien de la matière organique du sol (Balesdent et Guillet, 1982). Aussi rassembler ces fractions sous une date moyenne constitue un biais. De plus, cette méthode ne date que les horizons riches en matières organiques. Plutôt que de chercher à dater des mélanges de matière organique aux proportions mal définies, la plupart des auteurs préfèrent caractériser l’âge 14C d’entités bien identifiées au sein des sols. Les charbons de bois sont des entités de ce type et ont l’avantage de fournir une date par échantillon homogène. Les charbons de bois étant observables aussi bien dans les horizons organo-minéraux que dans les horizons sous-jacents, il est possible d’estimer l’âge des horizons non-organiques, à la différente de la méthode de datation utilisant le 137Cs. De plus, les charbons constituent le matériau le plus abondamment daté et celui qui offre la meilleure cohérence entre les âges présumés et les âges calibrés délivrés (Evin et Oberlin., 1998).

II.2.2. La pédoanthracologie

La production de charbons peut être issue d’incendies naturels ou d’activités humaines domestiques, artisanales et agricoles (Marguerie, 1992 ; Marguerie et al. sous presse). La détermination et la datation des charbons dans les sols contribuent à une approche qualifiée de pédoanthracologique (Thinon, 1978), qui vise à quantifier la dynamique des processus pédologiques (Boulet et al., 1995). Cette approche est étroitement liée à la compréhension du mode de stratification des charbons qui repose essentiellement sur leur datation et la relation date-profondeur (Carcaillet et Talon, 1996 ; Carcaillet et al., 2002).

Thinon (1978) et Aaby (1983) posent l’hypothèse que les charbons sont stratifiés chronologiquement dans les sols, avec les âges radiocarbone les plus anciens en profondeur et les âges les plus récents en surface (Berli et al., 1994 ; Vernet et al., 1994 ; Carcaillet et al., 1997).

De nombreux auteurs (Thinon, 1992 ; Carcaillet et Talon, 1996 ; Schwartz et al., sous presse) notent cependant des inversions dans la stratigraphie des charbons, avec des

charbons parfois anciens observés dans les horizons supérieurs d’un profil de sol alors que des charbons modernes sont trouvés dans les horizons profonds.

Carcaillet et Talon (1996) et Carcaillet (2001b) suggèrent que ces inversions entre dates des charbons et profondeur dans les sols sont la conséquence d’un transport vertical des charbons par la pédofaune ou par le travail des racines.

III. MATÉRIEL ET MÉTHODES

III.1. Le site d’étude

Cette étude a été menée sur le site de Montours (Bretagne, France, 48°26’N, 1°19’O). D’une superficie de 8,4 ha, le site comprend une colline orientée SO-NE surmontée d’un plateau. Les limites de ce système sont naturelles (cours d’eau, bas fonds) et anthropiques (voies de communication). Cet ensemble offre des situations topo-paysagères contrastées (âge des structures et orientation vis–à-vis de la pente). Le paysage est de type agricole bocager structuré par des talus en terre. Leur hauteur varie de quelques centimètres à près d’1,5 m. Une dénivelée importante est observée de part et d’autre de ces structures, qui peut être localement supérieure à 2 m. Ces talus sont plantés de haies essentiellement composées d’une strate arborescente dont les essences les plus représentées sont le châtaignier et le chêne pédonculé. L’intérêt majeur de ce site est qu’il a fait l’objet d’études archéologiques (Cattedu et al., 2001 ; Marguerie et al., 2001) qui ont permis de mettre en évidence une parcellisation précoce du réseau bocager depuis le haut Moyen-Âge. L’occupation des sols de ces dernières décennies a été de type prairie temporaire pâturée. Le dernier labour (20/25 cm) a été effectué selon les parcelles entre 1990 et 1993 (Tuaux, M., com. Person.). Depuis, seul un travail superficiel des 5 premiers centimètres de sol est effectué à l’aide d’une herse étrille entre deux prairies successives.

Figure 1. Schéma structural du domaine nord armoricain et localisation du site de Montours (Bretagne, France, 48°26’N, 1°19’O). (Le schéma structural est un schéma simplifié de celui de Bogdanoff et al. (1996)).

Géologie et pédologie

Le secteur d’étude est localisé au niveau du batholite granodioritique de Fougères (figure 1), intrusif dans le Briovérien supérieur. Le substrat du secteur d’étude est une granodiorite à biotite et à muscovite du type Vire (Jonin, 1973) datée par Pasteels (1982) à 540 ± 10 M.A. par la méthode U/Pb. Sur le substrat géologique arénisé sont plaquées de fortes épaisseurs de limons éoliens weichséliens1, provenant de la Manche et de la mer du Nord qui ont été transportés par les vents dominants d’orientation ouest à O-NO (Lautridou, 1985). Dans ce contexte la pédogenèse débute à l’Holocène par une illuviation de surface, et se poursuit par une brunification et une aluminisation des horizons éluviaux (Van Vliet-Lanoë et al., 1995). A cette époque, l’évolution géomorphologique est très stable avec un bilan érosion-sédimentation très faible (Heulluin, 1991). Mais à partir du XIe siècle (ap. J-C) les aménagements anthropiques sont responsables d’accumulations organiques et minérales de faible importance, localisées dans des vallons secondaires (Heulluin, 1991). Les sols dominants sur le site d’étude sont de type Brunisols et Néoluvisols sur les versants et de type Redoxisols dans les fonds de vallée (Baize et Girard 95).