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CHAPITRE I : TYPOLOGIE DES JEUNES DIPLOMEES VIETNAMIENNES

I.1. CARACTERISTIQUES SOCIO-BIOGRAPHIQUES, SITUATIONNELLES ET

Comme nous l’avons présenté dans la partie méthodologique, les caractéristiques socio- biographiques, situationnelles et organisationnelles des femmes diplômées sont appréhendées, dans notre recherche, à partir de 18 variables qualitatives. Afin de réduire le nombre des observations et d’en décrire la structure, nous avons effectué une Classification Hiérarchique (CH)73. Dans cette perspective, nous avons, dans un premier temps, réalisé une Analyse des Correspondances Multiples (méthode du codage optimal) afin de structurer l’ensemble des variables socio-biographiques, situationnelles et organisationnelles. Utiliser les facteurs issus d’une ACM pour une CH permet d’introduire un système de pondération et de remédier au problème de l’existence de liaisons entre les variables choisies74

(Evrard, Prax & Roux, 2003). Après avoir examiné les valeurs propres (application de la règle de Kaiser), leur courbe (application du test de coude de Catell) ainsi que les contributions des variables aux différents axes factoriels, nous avons retenu les deux premiers axes dégagés de cette analyse.

Dans le souhait de dégager une typologie descriptive pour réaliser notre CH, nous avons opté pour un processus hiérarchique ascendant (regroupement pas à pas des individus) à partir de la méthode de Ward (qui retient les groupements qui sont les plus distincts et qui maximisent la variance intergroupe). Afin de rendre comparables les unités originales ayant servi à mesurer chacune des variables étudiées, nous avons utilisé des variables centrées réduites (Evrard & al., 2003). Les deux axes de l’ACM ont donc été standardisés au cours de la classification. Enfin, nous avons sélectionné la partition la plus pertinente et testé la validité de la typologie obtenue en effectuant une Analyse Discriminante (AD) pas à pas (Kinnear & Gray, 2005). L’AD montre qu’une partition en quatre classes est celle qui permet de classer de manière optimale nos observations originales (87.4% d’entre elles sont correctement classées).

73 Regrouper les observations en des classes (ou types) homogènes et différenciées

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Figure 6. Dendrogramme des classes relatives aux caractéristiques socio-biographiques,

situationnelles et organisationnelles des sujets

La classification des femmes montre que la classe 2 est plus forte en termes d’effectifs et de poids : 164 sujets et 37.7% de notre échantillon. La classe 1 est au deuxième rang. Elle se compose de 146 sujets et atteint 33.6% de l’échantillon. La classe 3 est au troisième rang avec 76 sujets et atteint 17.5% de l’échantillon. La classe 4, quant à elle, est constituée d’un effectif plus réduit avec 46 sujets, même si elle constitue un groupement de 11.3% de notre échantillon.

Pour interpréter les classes issues de la CHA, nous avons opéré un croisement des variables initiales avec les quatre classes issues de l’analyse. De même, nous avons réalisé des tableaux croisés, associés à des tests du Khi-deux de Pearson (Rude & Retel, 2000; Kinnear & Gray, 2005), entre chacune des variables initiales et la variable de classification (comprenant 4 modalités) (voir tableau 1, annexe 5, page 124). Ce type d’analyse nous a permis de mettre en évidence les modalités caractéristiques (surreprésentation de modalité) de chacune des classes.

La classe 1 (146 sujets) est constituée des femmes les plus âgées de notre échantillon (de

30 à 35 ans). Ce sont les femmes qui sont toutes mariées et ont des enfants. Elles vivent avec leur mari et leur(s) enfant(s). Un petit nombre d’entre elles vivent avec des parents (dans la condition avec mari-enfant et des (beaux) parents). Ce sont les filles des parents les plus âgés dans notre échantillon. Tous les parents sont à l’âge de la retraite. En ce qui concerne le niveau d’étude des

Classe 1 (N = 146)

Classe 4 (N = 49)

Classe 2 (N = 164)

166 parents, deux tiers des pères et la moitié des mères dans cette classe sont diplômés. Au moment où se déroulait l’enquête, la moitié des parents étaient à la retraite. Dans l’autre moitié, les pères exercent un travail intellectuel, alors que les mères exercent un travail manuel. Cette classe de diplômées travaille principalement dans les domaines de la gestion administrative, de l’enseignement et de la recherche. Ce sont des sujets qui n’avaient pas d’expérience de petit boulot quand elles étaient étudiantes. Elles travaillent maintenant dans des établissements nationaux et publics.

Donc, le profil des sujets de cette classe correspond à des femmes d’origine sociale moyenne supérieure, qui ont une charge familiale et qui travaillent dans des établissements de l’Etat. Nous les qualifierons de « diplômées d’origine sociale moyenne au mode d’insertion

professionnelle et au mode de vie traditionnels ».

La classe 2 (164 sujets) est composée de femmes d’âge intermédiaire (de 25 à 30 ans)

relativement aux trois autres classes. Elles se divisent en deux groupes dont l’un regroupe les mariées, l’autre les célibataires. De même, la moitié d’entre elles ont un enfant et l’autre n’en ont pas. Elles vivent avec leurs parents ou avec (beaux) parents-mari-enfant. Leurs parents sont plus jeunes par rapport à ceux de la classe 1. Deux tiers des parents étaient en activité de travail au moment de l’enquête. Deux tiers des parents sont diplômés. Les femmes dans cette classe travaillent surtout dans les domaines de la gestion administrative, du commerce et des services, et de la recherche scientifique. La moitié d’entre elles exerçaient un petit boulot quand elles étaient étudiantes. Leur petit boulot était assistante (journalière, en marketing ou en travail de traduction), vendeuse ou maîtresse à domicile (soutien scolaire aux élèves). Concernant le secteur économique d’insertion, les femmes de cette classe se divisent en deux groupes : le secteur public et le secteur semi-public. Là encore, la moitié d’entre elles travaillent pour des établissements d’Etat et la moitié travaillent pour des organisations semi-étrangères.

Le profil des sujets de cette classe correspond à des femmes d’origine sociale moyenne supérieure. Par rapport à la classe 1, elles ont moins de charges familiales. Elles travaillent dans différents types de secteurs économiques. Nous les qualifierons de « diplômées d’origine

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La classe 3 (76 femmes), se distingue par le fait que les sujets sont les plus jeunes dans notre échantillon de recherche (moins de 25 ans). Les femmes dans cette classe sont toutes célibataires et n’ont pas d’enfant. Deux tiers d’entre elles vivent toute seules ou avec des amis, des proches. Cela nous amène à penser qu’elles viennent de villes ou de campagnes différentes de la ville où elles travaillaient au moment de notre enquête. Seulement un tiers d’entre elles vivent avec leurs parents. Les parents de ces femmes sont les plus jeunes. Ils sont tous en activité professionnelle. Deux tiers d’entre eux possèdent un diplôme supérieur. Au niveau de la spécialité du diplôme, cette classe se distingue des autres par le fait qu’elle regroupe surtout des diplômées de sciences économiques. Deux tiers d’entre elles ont suivi ce type d’études. Elles travaillent surtout dans le domaine du commerce et des services. La moitié de cette classe a eu une expérience de petits boulots pendant les études. Elles donnaient des cours à domicile ou travaillaient en tant qu’assistantes journalières, en vente-achat. Pour leur emploi officiel, elles travaillent dans un secteur privé et pour des organisations étrangères ou semi-étrangères.

Le profil correspond aux femmes les plus jeunes, d’origine sociale supérieure, indépendantes au niveau des charges familiales. Par rapport aux classes 1 et 2, on peut considérer que la classe 3 est insérée dans l’environnement de travail actuel le plus dynamique, en termes de domaine de travail (nouvelles technologies, communication, secteur bancaire, industrie, commerce, import-export…), de croissance économique (secteur émergent très productif…), de statut de l’organisation (taille, notoriété…). Nous les qualifierons de « diplômées d’origine

sociale moyenne aisée aux modes d’insertion professionnelle diversifiés et au mode de vie indépendant ».

La classe 4 (49 sujets) se compose des femmes qui sont moins jeunes que celles de la

classe 3 mais plus jeunes que celles des classes 1 et 2. Nous les regroupons quand même dans la classe des femmes d’âge intermédiaire. Elles sont célibataires et n’ont pas d’enfant. Leur mode d’habitation est de vivre seule ou avec des proches, des connaissances. Elles sont filles de parents en activité professionnelle. Cette classe se distingue des autres par l’origine sociale. Les parents ne sont pas diplômés et ils exercent tous un travail manuel comme ouvrier ou agriculteur. Les femmes de cette classe travaillent dans les domaines du commerce et des services, de la gestion administrative et de l’enseignement. La moitié d’entre elles ont eu des expériences de petits boulots. Comme la plupart des étudiants vietnamiens, elles donnaient des cours à domicile

168 ou étaient vendeuses. Pour leur emploi officiel, elles exercent dans des organisations qui présentent une double distinction : secteur public et semi-public d’une part ; entreprises nationales ou semi-étrangères d’autre part.

Le profil correspond à des femmes d’origine sociale modeste, d’âge intermédiaire, insérées dans une diversité de secteurs économiques et de types d’organisations. Nous les qualifierons de « diplômées d’origine modeste au mode d’insertion professionnelle diversifié

et au mode de vie indépendant ».

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La typologie permet de répartir notre population en quatre classes en fonction de leurs caractéristiques socio-biographiques et organisationnelles. Les résultats montrent que les femmes dans notre échantillon se distinguent soit en fonction de leur origine sociale, soit de leur mode d’insertion professionnelle, soit de leur mode de vie.

Cette typologie, en plus de fournir des connaissances plus complètes sur les diplômées vietnamiennes actuelles, nous permet également de comparer certaines caractéristiques qui sont étudiées dans des études antérieures sur les femmes diplômées vietnamiennes. Par exemple, en ce qui concerne l’origine sociale, les études depuis deux décennies ont confirmé que plus de 50% des femmes diplômées vietnamiennes avaient des parents d’ouvriers ou agriculteurs en 1992, cette proportion diminue autour de 19 à 24 % en 1994 (Do Thi Thach, 1999). Selon Do Thi Thach, la proportion de 50% des diplômées d’origine sociale modeste dans les premières études sur les diplômées vietnamiennes, s’explique par le fait que, dans les années après la Révolution d’Août (en 1945) et la réunification (en 1975), le Vietnam restait encore un pays agricole. La plupart des vietnamiens étaient agriculteurs ou ouvriers suite à la situation de guerre. Un très petit nombre étaient diplômés des écoles construites par les français. Les politiques de libération des femmes appliquées ont permis de scolariser les filles de toutes les origines sociales. C’était donc l’occasion pour les filles des familles pauvres d’aller à l’école. Mais les études ultérieures montrent la tendance selon laquelle, les filles diplômées d’origine sociale supérieure moyenne sont les plus nombreuses. Alors que les résultats de notre recherche montrent que parmi 435 femmes diplômées, il n’y a que 11.3% de femmes des familles agricoles ou ouvrières. Selon Tran Thi Minh Duc (2010), ce sont les filles des familles intellectuelles qui sont privilégiées dans

169 leurs études par rapport à celles des familles agricoles ou pauvres où s’il faut faire le choix, on va privilégier les études des garçons.

En plus de fournir des informations pour la comparaison avec les études antérieures, nous considérons que cette typologie constitue une variable importante dans notre recherche, puisque nous supposons que la différenciation des femmes selon leur origine sociale, leur mode d’insertion professionnelle et leur mode de vie, telle que présentée ci-dessus, nous aide à mieux comprendre leurs conduites au travail. Pour cette raison, nous allons présenter les résultats concernant la relation entre la typologie des CSB des femmes et leurs conduites de socialisation au travail dans le chapitre suivant.

I.2. DEGRE DE CORRESPONDANCE ENTRE FORMATION INITIALE ET DOMAINE

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