Chapitre I : Problématique
1.2. Contexte d’étude
1.2.3. Contexte édaphique
1.2.3.3. Caractéristiques propres aux deux sites expérimentaux
Parcelles du site atelier Guyaflux
Dans ce contexte d’étude, Freycon et al., ont mené en 2003 une analyse pédologique des sols du
dispositif de Paracou comprenant le site atelier Guyaflux, dans le but d’établir la cartographie précise
des différents types de drainage rencontrés. Cette typologie est réalisée à partir de description de
profil de sol grâce à l’ouverture de trois fosses, d’une profondeur de 1.50 m, renforcées par des
analyses moins détaillées à l’aide de prospections à la tarière.
10 3 5 1 9 7 6 2 4 8 10 3 5 1 9 7 6 2 4 8 500 m
Figure I.4 : Localisation des fosses sur le secteur de Guyaflux (Paracou). Chaque fosse pédologique est schématisée par une
étoile.
‐ La répartition spatiale des dix parcelles montre un continuum horizontal de différents types
lithoreliques pour lesquels la situation topographique n’est manifestement pas le seul facteur
explicatif. En effet, les trois fosses sont disposées le long du layon principal (Figure I.4), du sommet
de colline à proximité de la parcelle 1 (P1) aux hauts de versant voisins des parcelles 4‐8 (P4‐8) et 5
(P5), sans aborder les zones de plus faible altitude. Malgré cela, les analyses de texture révèlent de
nettes différences dans la répartition des fractions granulométriques avec une forte proportion
d’argile dans la fosse au voisinage de P1, en opposition avec une forte proportion de sable grossier
dans les deux autres fosses (au moins jusqu'à 60 cm de profondeur) à proximité de P4‐8 et P5. La
raison de ces variations provient d’une différence de nature de substrat géologique. Le modelé de
colline situé à proximité de la tour serait sur un substrat de schiste Bonidoro (P1) de formation
antérieure au substrat de paragranite et gneiss caraïbes caractérisant les parcelles 4‐8 et 5. Cette
différence matricielle crée inévitablement une variation des processus de pédogénèse de ces sols
ferrallitiques qui va influencer, au‐delà de la structuration même du modelé, le régime hydrique du
sol. Riches en fragments polyédriques serrés et en micro‐agrégats arrondis sur les couches
inférieures, les premiers horizons des sols à tendance argilo‐sableux de P1 (types modaux) vont
privilégier une circulation de l’eau plus libre que ne le font les sols à tendance sablo‐argileux de P4‐8
et P5, plus altérés (types rajeunis). Le régime hydrique, par fosse, est le suivant :
‐ La parcelle 1, située en sommet de colline, se détache des autres sites par la nature de son
substrat (« Schistes Bonidoro ») et est caractérisée par un drainage vertical ralenti de type « Alt ». Le
sol de la parcelle 10 a des caractéristiques semblables à celles du sol de la parcelle 1. Toutefois, la
méthode de sondage ponctuel des sols utilisée ne permet pas de dire avec certitude à quel type de
‐ Les parcelles 4‐8, situées en haut de versant, sont sur un substrat sableux et présentent un
drainage latéral superficiel de type « SLD »,
‐ La parcelle 5, un peu plus éloignée, est sur un sol plus sableux, en début de podzolisation11.
Ce dernier est caractérisé par un système hydromorphe amont de type « UhS ».
En période défavorable (saison des pluies), il y a un phénomène de saturation en eau et la formation
d’une nappe perchée aux environs de 100 cm de profondeur, sur l’ensemble des fosses.
Plantation du CIRAD
La description précise du site a pour objectif de mettre en exergue les facteurs environnementaux
d’origine édaphique (vraisemblablement préexistant à l’établissement de la plantation comparative),
capables d’influencer la végétation et les processus écologiques inhérents. De nombreuses études
portant sur le déterminisme des interactions complexes entre le sol et la végétation, réalisées depuis
les années 70 (Ashton 1976 ; Lescure & Boulet 1985 et clairement synthétisées dans le travail de thèse
de Morneau 2007) soulignent l’importance prépondérante de facteurs physiques tels que le type de
drainage ou la topographie, relatifs à la disponibilité en eau du milieu, sur les facteurs chimiques du
sol. Les sondages à la tarière permettent de caractériser chaque placette par son type de drainage et
d’identifier les facteurs limitants comme l’abondance en éléments grossiers, qui peut fortement
restreindre l’expansion du système racinaire, ou encore la présence d’hydromorphie plus ou moins
permanente, qui peut également contraindre le fonctionnement de l’arbre.
Notre étude des sols des 16 placettes monospécifiques est réalisée à partir de prospections à la
tarière en juillet 2006 (12‐13). Chaque sondage est effectué au centre des placettes. Une première
étape consiste à décrire très précisément les sols par la méthode du pédo‐comparateur en
échantillonnant une aliquote de sol tous les 20 cm entre 10 et 120 cm de profondeur (Figure I.5). Pour
11 Définit le phénomène de destruction des argiles par des acides organiques et le transport de
cette phase d’analyse, sept critères sont retenus : l’humidité au toucher, la couleur suivant le code de
Munsell après prélèvement, la couleur et l’abondance de taches, la texture, la structure, la taille et
l’abondance des racines, la taille et l’abondance des éléments grossiers (mica, quartz, lithorelique12 et
cuirasse) ainsi que la transition entre les différents horizons de sol. La seconde étape a pour finalité de
renseigner sur la nature granulométrique et chimique du milieu à partir de trois prélèvements de sol
distincts pour 20cm, 50cm et 100 cm de profondeur (Bréchet et al. 2009). Les proportions respectives
en argiles, limons fins, limons grossiers, sables fins et sables grossiers sont déterminées dans les
extraits de sol récoltés. La troisième et dernière étape est une estimation de la topographie à l’aide
d’un clinomètre. Chacune des 16 placettes est caractérisée par sa plus forte pente. 10 20 40 60 80 100 120 5 cm
Figure I.5 : Illustration d’un pédocomparateur. Neuf sondages réalisés dans neuf des seize placettes étudiées sur la
plantation sont photographiés. Chacun d’eux est caractérisé par le prélèvement d’une aliquote de sol à sept niveaux de
profondeur distincts compris entre 5 cm et 120 cm.
L’altération progressive du matériau originel de nature granitique qui caractérise le sol de la
plantation est la principale explication de la présence d’un horizon supérieur sablo‐argileux. Si
globalement la plantation d’ « Essences locales » présente une tendance texturale uniforme, il
apparaît localement quelques variations granulométriques, en surface et en profondeur, cohérentes
avec la topographie du site. En effet, les placettes localisées au Sud et au centre du dispositif
(placettes 1 à 12) ont une pente nulle ou quasi‐nulle (< 2%) qui s’accentue légèrement (< 8%) pour
devenir une pente modérée (6%) au Nord (placettes 13 à 16). La plantation se trouve sur une zone de
plateau mais présente également une rupture de pente entre les placettes 12 et 14 qui se trouve dans
le prolongement d’une crique à 150 m de distance. La rupture de pente, bien que relativement faible,
crée un axe autour duquel deux critères de différenciation distinguent les placettes situées en plateau
au Sud et au centre, des placettes situées en bordure de plateau au Nord. L’un des critères est fondé
sur l’abondance / absence d’éléments grossiers, tandis que l’autre repose sur la présence / absence
de taches en profondeur témoignant de la présence d’une hydromorphie temporaire.
Ainsi :
‐ Les parcelles du sud du dispositif sont caractérisées par une absence claire d’éléments
grossiers, et par la présence à 20 cm de profondeur d’une teneur relative en argile et sable associés
plus faible que la moyenne. Les horizons plus profonds, à 100 cm, sont également caractérisés par
une faible teneur en limons.
‐ En opposition, les parcelles du nord du dispositif sont riches en éléments grossiers et
présentent, à 20 cm de profondeur, des teneurs en argile plus fortes que la moyenne (avec en
parallèle une teneur en sable plus faible). A 100 cm de profondeur, les limons augmentent. Parmi ces
parcelles, notons que la parcelle 13 semble être un cas particulier, présentant la plus forte teneur en
limon accompagnée de traces nettes d’hydromorphie, à 100 cm de profondeur.
Ces différences sont cependant ténues et l’ensemble des sols représentés dans la plantation
appartiennent au groupe des sols à drainage vertical ralenti (Alt).