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Partie 1 : État des connaissances sur l’anorexie

1.6 Caractéristiques associées à l’anorexie restrictive et à l’anorexie boulimique

1.6.2 Caractéristiques individuelles

En ce qui concerne les caractéristiques individuelles, plusieurs variables ont été évaluées par les chercheurs, notamment l’âge des personnes atteintes, l’IMC, la durée de la maladie

et la fréquence des hospitalisations, les comportements alimentaires, la pratique d’exercice physique, les caractéristiques psychologiques ainsi que les problématiques associées.

1.6.2.1 Âge des personnes atteintes

Une variable sur laquelle les anorexiques restrictives et boulimiques se distinguent est l’âge moyen d’apparition de la maladie. Les données indiquent que les adolescentes anorexiques restrictives sont âgées en moyenne de 14 ans (écart-type = 1,5) alors que les adolescentes anorexiques boulimiques ont en moyenne 15 ans (écart-type = 1,5). La différence entre les groupes est significative (p < 0,02) (Salbach-Andrae et al., 2008). Ce résultat supporte l’idée généralement admise que l’anorexie restrictive survient plus tôt que l’anorexie boulimique. Les études réalisées auprès d’échantillons d’anorexiques restrictives et boulimiques d’âge adulte supportent aussi cette observation (Abbate-Daga et al., 2013; Eddy et al., 2002; Godart et al., 2006).

1.6.2.2 IMC

En ce qui concerne l’IMC, plusieurs études ont démontré que les anorexiques restrictives ont un IMC significativement plus faible que les anorexiques boulimiques (Eddy et al., 2002; Fassino et al., 2009; Godart et al., 2006; Jaite et al., 2012; Mattar et al., 2012; Salbach-Andrae et al., 2008; Van Autreve et al., 2013; Vervaet et al., 2004). Selon les études recensées, l’IMC moyen des anorexiques restrictives se situe entre 14,01 kg/m2 et 15,77 kg/m2 alors qu’il varie entre 14,80 kg/m2 et 16,98 kg/m2 pour les anorexiques boulimiques (Eddy et al., 2002; Fassino et al., 2009; Godart et al., 2006; Jaite et al., 2012; Mattar et al., 2012; Salbach-Andrae et al., 2008; Vervaet et al., 2004). Les anorexiques restrictives ont donc une apparence plus émaciée que les anorexiques boulimiques (Kleifield et al., 1994). Notons que la sévérité de la maladie est déterminée par l’IMC. Ainsi, pour les adultes, un IMC inférieur à 15,00 kg/m2 indique une sévérité extrême, un IMC variant entre 15,00 et 15,99 kg/m2 signale une maladie sévère et un IMC compris entre 16,00 et 16,99 kg/m2 réfère à une sévérité modérée alors qu’un IMC supérieur à 17 kg/m2 fait référence à une faible gravité (APA, 2013). Sur la base de ces critères, il est

possible de conclure que la gravité de la maladie serait extrême ou sévère chez les anorexiques restrictives alors qu’elle varierait de sévère à modérée chez les anorexiques boulimiques.

1.6.2.3 Durée de la maladie et fréquence des hospitalisations

La durée de la maladie serait significativement moindre chez les anorexiques restrictives que chez les boulimiques (Abbate-Daga et al., 2013; Eddy et al., 2002; Godart et al., 2006; Krug et al., 2009; Salbach-Andrae et al., 2008). La durée moyenne du trouble varierait de 0,8 à 3,4 ans chez les anorexiques restrictives alors qu’elle serait de 2,5 à 6,5 ans chez les anorexiques boulimiques (Eddy et al., 2002; Salbach-Andrae et al., 2008). Par contre, le taux d’hospitalisation se situerait à près de 80 % chez les anorexiques restrictives alors qu’il serait d’un peu plus de 50 % chez les anorexiques boulimiques (p < 0,001) (Godart et al., 2006; Speranza et al., 2005). Cette différence serait probablement attribuable au fait que la décision d’hospitaliser une patiente repose généralement sur la présence de risques pour la santé, plus précisément sur l’IMC qui est souvent plus faible chez les anorexiques restrictives (Godart et al., 2006; Salbach-Andrae et al., 2008; Speranza et al., 2005).

1.6.2.4 Comportements alimentaires

Les anorexiques restrictives auraient des conduites restrictives significativement plus sévères (p = 0,003) que les boulimiques (Vervaet et al., 2004). Néanmoins, les anorexiques restrictives présenteraient des comportements alimentaires significativement moins perturbés que les boulimiques (Unoka et al., 2010). Les comportements alimentaires perturbés réfèrent à la présence d’une anarchie alimentaire, c’est-à-dire à la présence de restrictions suivies de boulimies et de purgations. À cet égard, Vervaet et al. (2004) soulignent que les anorexiques restrictives auraient des habitudes alimentaires plus stables (p < 0,001) que les anorexiques boulimiques.

1.6.2.5 Pratique d’exercice physique

Les anorexiques restrictives seraient 2,6 fois (p = 0,031) plus à risque que les boulimiques d’adopter une pratique excessive d’exercice physique (Bewell-Weiss et Carter, 2010).

1.6.2.6 Caractéristiques psychologiques

Les anorexiques restrictives et boulimiques ne se distingueraient pas de façon significative pour les variables mesurées par l’Eating Disorders Inventory (Garner, 2004), soit la recherche de minceur8, l’insatisfaction corporelle9, l’aliénation personnelle10, l’insécurité interpersonnelle11, l’aliénation interpersonnelle12 et le déficit d’introspection13 (Abbate- Daga et al., 2013; Pryor et al., 1997; Speranza et al., 2005). Il en est de même pour le manque de régulation émotionnelle14 (Pryor et al., 1997), le perfectionnisme15, l’ascétisme16 et la peur de la maturité17 (Halmi et al., 2012; Pryor et al., 1997). Abbate- Daga et al. (2013) obtiennent toutefois des résultats contradictoires pour certaines de ces variables. En fait, leurs résultats suggèrent que les anorexiques boulimiques feraient davantage preuve d’ascétisme et d’insécurité dans leurs relations interpersonnelles que les anorexiques restrictives. Par contre, les anorexiques boulimiques seraient plus sujettes que les restrictives à présenter des problèmes d’impulsivité (Abbate-Daga et al., 2013; Fassino

8 Recherche de minceur : désir extrême de minceur, présence de préoccupations importantes pour les diètes, le poids et peur intense de prendre du poids (Garner, 2004).

9 Insatisfaction corporelle : mécontentement à l’égard de la forme générale du corps et la dimension de certaines régions qui préoccupent souvent les personnes ayant un trouble alimentaire (ventre, hanches, cuisses, fesses) (Garner, 2004).

10 Aliénation personnelle : sentiment significatif de vide et de solitude émotionnelle, pauvre compréhension de soi-même (Garner, 2004).

11 Insécurité interpersonnelle : inconfort, appréhension et réticence dans les situations sociales (Garner, 2004). 12 Aliénation interpersonnelle : déception, distance, éloignement et manque de confiance dans les relations (Garner, 2004).

13 Déficit d’introspection : difficulté à identifier et gérer adéquatement ses émotions (Garner, 2004).

14 Manque de régulation émotionnelle : tendance à avoir une humeur instable, être impulsif, insouciant, colérique ou à adopter des comportements autodestructeurs (Garner, 2004).

15 Perfectionnisme : exigences pour atteindre des standards élevés au niveau de la performance (Garner, 2004) 16 Ascétisme : tendance significative à rechercher la vertu à travers la poursuite d’idéaux spirituels tels que l’autodiscipline, l’abnégation, la retenue, le sacrifice de soi et le contrôle de ses envies physiques (Garner, 2004).

17 Peur de la maturité : désir d'être plus jeune ou de retourner à la sécurité que procure l'enfance. Croyance que les demandes de l'âge adulte sont trop élevées et que le temps le plus heureux dans la vie d'une personne est l'enfance(Garner, 2004).

et al., 2009; Rosval et al., 2006). Les anorexiques boulimiques vivraient aussi davantage de difficultés fonctionnelles (difficultés à accomplir l’ensemble des tâches ou activités souhaitées en raison de l’état de santé physique ou psychologique) (Mond et al., 2005).

1.6.2.7 Problématiques associées

Les comportements boulimiques seraient généralement associés à une pathologie plus sévère (Ciccolo et Johnsson, 2002), ce qui pourrait s’expliquer par le fait que de nombreuses problématiques sont souvent associées à ce sous-type d’anorexie. De façon globale, on estime que 64,3 % des anorexiques boulimiques présenteraient une comorbidité psychiatrique alors que cette proportion serait de 35,8 % chez les anorexiques restrictives (p = 0,01) (Bühren et al., 2013). En outre, il appert que les anorexiques boulimiques seraient plus sujettes que les anorexiques restrictives à présenter des troubles relatifs à l’abus de substances (Eddy et al., 2002; Krug et al., 2009; Root et al., 2010; Salbach- Andrae et al., 2008). Elles seraient également proportionnellement plus nombreuses à présenter un historique de tentatives de suicide (Eddy et al., 2002; Fedorowicz et al., 2007; Pryor et al., 1997) et des comportements d’automutilation ou de vols (Bühren et al., 2013; Favaro et Santonastaso, 2000; Vandereycken et Houdenhove, 1996). La proportion d’anorexiques boulimiques ayant subi une agression sexuelle, un abus physique, de la violence psychologique, de la négligence ou du rejet serait également significativement plus importante (Jaite et al., 2012; Oliosi et Grave, 2003). Enfin, davantage d’anorexiques boulimiques souffriraient de troubles anxieux, excluant le trouble obsessif-compulsif (Godart et al., 2006; Reyes-Rodriguez et al., 2011; Salbach-Andrae et al., 2008). Le trouble obsessif-compulsif serait plus fréquent chez les anorexiques restrictives, la prévalence à vie du trouble se situerait à 43 % chez les anorexiques restrictives et à 13 % chez les anorexiques boulimiques (Speranza et al., 2001). Par ailleurs, les anorexiques restrictives et boulimiques ne se distingueraient pas de façon significative sur le plan de la dépression (Abbate-Daga et al., 2013).

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