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Chapitre 1. Synthèse bibliographique

1.1 Caractérisation des MOEx en vue de valorisation agronomique

Les caractéristiques intrinsèques des MOEx sont un des principaux déterminants de leur minéralisation une fois apportées au sol (Heal et al., 1997). En 1979, Swift et al. (1979) désignent ces caractéristiques sous le terme générique de « qualité » de la matière organique, qui est utilisé depuis dans les travaux relatifs à cette problématique (Cadish et al., 1997). La description de la qualité la plus souvent utilisée est la composition chimique et biochimique. En terme de composition chimique des MOEx, les normalisations françaises NF U-044-051 (AFNOR, 2006) et NFU 42-001 (AFNOR, 1981) présentée dans le Tableau 1.1 résume les principales recommandations liées à l’usage agronomique des MOEx.

Tableau 1.1 : Catégorie de MOEx en fonction de leur action sur le sol ou sur la culture faisant référence à des normes NFU dans le cas d’une mise en marché du produit

Amendements organiques Engrais organiques Engrais organo-minéraux

NFU 44-051 NFU 42-001 NFU 42-001

Teneur totale en N et P2O5 et

K2O < 3% MB

MS% ≥ 30% de MB MO% ≥ 20% de MB

Teneur en un des 3 éléments (N ou P2O5 ou K2 Teneur totale en O) > 3% de MB N + P2O5 + K2 Et O) > 7% de MB Teneur en N ou P2O5 ou K2

N : azote, P2O5 : phosphore total K2O : potassium total, MS : matière sèche, MO : matière O > 3% de MB

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1.1.2 Transformation des MOEx au sol

1.1.2.1 La dynamique de minéralisation de MOEx

Actuellement, les MOEx sont caractérisées au laboratoire par deux méthodes normalisées : (i) le fractionnement biochimique de la matière organique (norme XP U44-162) (AFNOR, 2009) qui permet d’estimer la capacité à induire du stockage de matière organique dans les sols à long terme et (ii) l’étude des cinétiques de minéralisation du carbone et de l’azote des MOEx au cours d’incubations en conditions contrôlées dans les sol (norme XP U44-163)(AFNOR, 2009) qui caractérisent l’effet à court et moyen termes des MOEx sur les sols. Dans notre étude, nous nous limiterons à la dynamique du carbone et de l’azote des MOEx. En effet, le contact entre le sol et les MOEx, est lié à la fois aux caractéristiques de ces matières organiques (ex : taille des résidus, surface spécifique) (Angers et al., 1997; Fruit et al., 1999), et à celles du sol (ex : porosité, taille des agrégats), ainsi qu’aux pratiques agricoles (ex : enfouissement, broyage, travail du sol), influence également la décomposition (Balesdent et al., 2000). Cet effet peut s’exercer directement, en modifiant notamment l’accès des microorganismes au substrat (Angers et al., 1997; Vanlauwe et al., 1997), ou indirectement, en modifiant par exemple la disponibilité en azote (Corbeels et al., 2003) ou la protection physique par les constituants du sol (Balesdent et al., 2000).

En ce qui concerne le carbone, les principaux composés biochimiques déterminant la décomposition sont les composés solubles, les hémicelluloses, la cellulose, les lignines et cutines, dont les biodégradabilités sont différentes (Darwis, 1993; Derenne et al., 2001). Les composés solubles et facilement accessibles sont principalement décomposés par les bactéries, alors que la cellulose et les lignines sont plutôt dégradées par des champignons (Swift et al., 1979). Cependant les processus de décomposition sont complexes et impliquent pour un même substrat des populations qui se succèdent et interagissent en fonction de leur équipement enzymatique (Swift et al., 1979; Schlegel, 1993).

En ce qui concerne la minéralisation nette de l’azote, le facteur principal est le rapport C/N des MOEx (Frankenberger et al., 1985; Constantinides et al., 1994). Dans le cas de certains types de MOEx pourtant, le rapport C/N global est un critère explicatif insuffisant. C’est le cas par exemple d’une boue et d’un compost étudiés par Ambus et al. (2002) ayant des rapports C/N comparables mais induisant des cinétiques de minéralisation différentes. C’est dans cette optique que l’on a cherché à expliquer ces dynamiques de MOEx à partir de l’ensemble du profil biochimique des MOEx (Houot et al., 2002).

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1.1.2.2 Modélisation de la transformation des MOEx

La transformation des MOEx au sol est un processus microbien complexe qui est affecté par les conditions environnementales du milieu. Malgré tout, plusieurs modèles mathématiques ont été développés comme étant des outils puissants à la simulation de cette complexité (ex. (Nicolardot et al., 1994; Rodrigo et al., 1997; Molina et al., 1998; Pansu et al., 1998; Schaffers, 2002; Pansu et al., 2007). Nicolardot et al. (2001) and Beraud et al. (2005) ont simulé la minéralisation du C et de N de résidus de cultures et de composts en utilisant un modèle basé sur le rapport C/N, un critère de qualité souvent considéré comme performant pour la minéralisation des MOEx (Bruun et al., 2006; Zhu, 2007) mais qui souvent est jugé comme insuffisant et inadéquat par d’autres auteurs (Linères et al., 1993; Houot et al., 2004). Certains auteurs (ex. (Henriksen et al., 1999; Thuriès et al., 2002) modélisent les dynamiques de transformations des MOEx en utilisant les résultats des analyses séquentielles de MOEx (Van Soest et al., 1991). Dans notre étude, le modèle TAO (Transformation des Apports Organiques) est proposé pour la prédiction des transformations des MOEx (C et N minéralisé, N immobilisé, N réorganisé). Pour la modélisation du carbone, la structure de ce modèle (TAO-C) est définie sur la base des compartiments labile et stable des MOEx qui sont ensuite mis en relation avec les propriétés biochimiques des MOEx (Thuriès et al., 2002). Pour la modélisation de la minéralisation de l’azote, TAO-N utilise 2 autres paramètres liés à la reminéralisation de N et à leur immobilisation avant d’être mis en relation avec les propriétés des EOM (Pansu et al., 2003).

1.1.3 La typologie des MOEx

Par rapport à la dynamique du carbone, aucune classe de MOEx n’a été définie. Seul le calcul de l’indicateur normalisé Indice de Stabilité de la Matière Organique (ISMO) (AFNOR, 2009; Lashermes et al., 2009) informe sur la proportion de matière organique persistant dans les sols sur le long terme dans le cadre de la gestion des stocks de matière organique des sols. Cet indice ISMO permet de prédire le carbone non minéralisé avec une très bonne fiabilité (r2=0,66 sur 518 échantillons). La Figure 1.1 présente les plages de valeurs d’ISMO pour les différents types de matières organiques présentes dans la base de données ayant servi à son élaboration.

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ISMO (% C)

Figure 1.1 : Plage de valeurs prises par ISMO pour les différents types de matières organiques présentes dans la base de données ayant servi à son élaboration d’après Lashermes et al. (2009)

Vis-à-vis de l’azote, six classes de comportement agronomique ont été établies (Lashermes et al., 2007; Lashermes et al., 2007; Lashermes et al., 2010) : classe 1 : produits ayant une minéralisation potentielle de l’azote organique très forte, classe 2 : produits ayant une minéralisation potentielle de l’azote organique forte, classe 3 : produits ayant une minéralisation potentielle de l’azote organique moyenne, classe 4 : produits ayant une minéralisation potentielle de l’azote organique moyenne à faible, classe 5 : produits ayant une minéralisation potentielle de l’azote organique faible pouvant induire des immobilisations d’azote, classe 6 : produits ayant une minéralisation potentielle de l’azote organique proche de zéro et pouvant induire des immobilisations d’azote. Cette classification permet d’aider les utilisateurs dans la compréhension des résultats de minéralisation potentielle de l’azote des produits organiques. Néanmoins les valeurs (en kg de N.t-1 de MS) données au niveau des

classes ne sont que des approximations. En outre, ces classes ne renseignent pas sur la dynamique des phénomènes de libération ou d’immobilisation de l’azote. Pourtant, l’aspect dynamique est essentiel pour une bonne utilisation de l’azote des produits. Seules les cinétiques de minéralisation peuvent fournir ces renseignements et leur réalisation ou leur simulation est donc toujours nécessaire. Ces classes ont été créées par classification

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ascendante hiérarchique en s’appuyant sur une base de données de 273 produits qui comporte de nombreux types et non pas seulement des amendements organiques. Le traitement statistique de classification a été réalisé sur la base des données de cinétiques de minéralisation de l’azote. Par la suite, de l’ensemble des données de caractérisation des produits de chaque classe, ont été extraits les paramètres permettant de discriminer les classes les unes des autres.

1.1.4 Les impacts environnementaux de l’usage agronomique des MOEx

Si les effets bénéfiques de l’application aux sols des MOEx sont bien connus, une impasse sur les impacts négatifs de cette pratique ne peut être faite. Aussi, on se propose de décrire deux aspects pouvant déprécier l’usage agronomique des MOEx : les émissions de protoxyde d’azote ou N2

1.1.4.1 Les émissions de N

O et la phytotoxicité des ETM.

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Le N

O

2O est essentiellement produit lors de processus biologiques qui sont la dénitrification

(Smith et al., 1990), la nitrification (Blackmer et al., 1978) et la nitrification dénitrifiante (Poth et al., 1985; Wrage et al., 2001). La dénitrification et la nitrification sont jusque là considérées comme les principaux processus biologiques impliqués. La nitrification est un processus requérant des conditions aérobies et dépend primairement de la disponibilité en ammonium (NH4+). La dénitrification quant à elle se passe en conditions anaérobies et dépend

des concentrations en Carbone organique et en nitrate (NO3-) (ou autres oxydes d’azote)

(Beauchamp, 1997). La nitrification dénitrifiante désigne la réaction d’oxydation de l’ammoniac (NH3) en nitrite (NO2-) qui est ensuite réduit en oxyde nitrique (NO) puis en

oxyde nitreux (N2O) et en diazote (N2) (Wrage et al., 2001). L’importance de cette voie dans

la production de N2

La Denitrifying Enzyme Activity (DEA) est la méthode couramment utilisée pour mesurer la dénitrification potentielle (Mc Gill et al., 2010). Elle consiste à mettre les échantillons dans les conditions optimales de dénitrification, notamment :

O n’est pas encore bien quantifiée.

- La dénitrification se produit obligatoirement en absence d’oxygène. L’O2

- Les microorganismes impliqués ont aussi besoin d’un substrat carboné pour y puiser leur énergie. La disponibilité en carbone est probablement un des facteurs les plus importants influençant la dénitrification (Dinçer et al., 2000). Le Carbone influence la dénitrification directement en fournissant un substrat pour la croissance microbienne

est un régulateur de la synthèse et de l'activité des enzymes réductrices dans la réaction de dénitrification (Cavigelli et al., 2001).

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16 et indirectement par la consommation d'O2

- Le nitrate comme accepteur d’électrons. Dans des conditions anaérobies où le carbone n’est pas limitant, la quantité d'enzyme produite est proportionnelle à la concentration de nitrate disponible et le taux de production de N

par les microbes, favorisant l’anaérobiose. D’après Zumft (1997), l'addition de carbone organique réduit la provision d'oxygène du sol en promouvant la croissance microbienne, favorisant le processus de dénitrification.

2

1.1.4.2 La phytotoxicité des ETM

O est proportionnel à la quantité d'enzyme (Tiedje et al., 1989; Cavigelli et al., 2001)

Des risques de pollution des sols liés à l'épandage de MOEx peuvent exister notamment la présence de micropolluants métalliques (éléments trace métallique, ETM) dans ces MOEx constitue un facteur limitant leur utilisation en agriculture. Bien qu’ils ne soient présents qu’en faible quantité, les ETM peuvent être potentiellement toxiques. La concentration totale en ETM dans les MOEx et dans les sols suite à l’apport de MOEx n’indique que très partiellement leur toxicité. Seule l’étude de la fraction biodisponible des ETM, quantité assimilable par les organismes variant selon la spéciation des ETM, dans les différents mélanges sol-MOEx permet d’évaluer la toxicité potentielle de ces ETM.

L’interaction entre la matière organique et les ETM met en jeu le phénomène de complexation. La matière organique possède de nombreux groupements fonctionnels tels que des groupements carboxyles (R-COOH), phénols et/ou alcools (R-OH), carbonyles (R-C=O), thiols (R-SH), phosphates (R-PO4H3), ainsi que des groupements amines (R-NH2) (Sarret et

al., 1998; Campbell et al., 2006). En fonction du pH du milieu, certains groupes fonctionnels peuvent s’ioniser. La liaison métallique à la matière organique peut être vue comme un processus d’échange ionique entre H+

Les ETM ont des affinités différentes pour la matière organique. A titre d’exemple, le cuivre (Cu) est connu pour avoir une grande affinité pour la matière organique (Kabata-Pendias, 2001). Karlsson et al. (2006) mettent en évidence des complexes de sphère interne entre le cuivre et la matière organique dissoute. Ils suggèrent que Cu est complexé par une combinaison de groupes amines, carboxyles et carbonyles. L’affinité de Cu pour la matière organique est plus grande lorsque le pH augmente (Nierop et al., 2002). Les substances humiques ont donc la propriété de complexer les métaux, toutefois, ce comportement peut conduire à la formation de complexes solubles alors que dans d’autre cas, ces complexes sont

et les ions métalliques sur les groupes fonctionnels acides (Blanchard, 2000).

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insolubles et contribuent au maintien des métaux dans la phase solide (Varrault et al., 2001). L'effet de la MO sur la mobilité des métaux est difficile à prévoir, il dépend évidemment des conditions physico-chimiques du milieu, de l'élément complexé, mais également de la nature et de la quantité de la MO présente dans le milieu

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