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5. Discussion

5.2. Captation de l’attention selon le support

Nous avions émis l’hypothèse selon laquelle l’immersion et l’attractivité du support numérique devaient permettre une plus grande captation de l’attention. Pour rappel, nous avions défini l’attention selon William James (cité par Marchand, 2003) « la prise en compte par l’esprit, sous une forme claire et précise d’un seul objet ou d’une seule suite d’idées parmi plusieurs possibles. […] Cette faculté nécessite que l’on renonce à certaines choses pour s’occuper efficacement des autres. » Il existe plusieurs types d’attention mais nous nous étions focalisés sur l’attention soutenue qui permettait justement de trier les informations pour se concentrer que sur une source d’information. Nous pensions que par l’attractivité du support qui permet à l’élève d’entrer facilement dans l’activité, il resterait également concentré pendant toute la durée de la lecture. L’élève devait pouvoir focaliser son attention sur la lecture grâce aux animations et à l’écoute de la lecture avec un casque et donc faire abstraction aux informations secondaires. Les résultats de notre expérimentation montrent que lors de la lecture, il y a une réelle différence entre les deux types de support : on voit beaucoup de dispersion lors de la lecture papier et très peu lors de la lecture sur tablette. Les élèves paraissent beaucoup plus concentrés au sens que leur regard reste focalisé sur la tablette hormis lors de quelques

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échanges avec leurs camarades. Ces échanges restent cependant en lien avec leur lecture. Nos résultats sont dans la lignée de celle de Dany (2015) qui avait montré, dans son étude, que l’on pouvait avoir une captation de l’attention par l’envie. En effet, notre hypothèse faisait aussi le lien avec l’immersion et l’attraction de la tablette. Ces deux éléments devaient donner envie à l’enfant de faire l’activité et de se concentrer pour la réaliser. On retrouve cette notion de symbolique du jeu qui permet aussi de capter l’attention de l’enfant pendant toute la durée de l’activité au point d’en oublier le monde qui l’entoure. Lors des expérimentations, les enfants étaient pleinement dans l’activité.

Cependant, lors des expérimentations, nous avions pu remarquer aussi un élément à mettre en contradiction : la dominance du ludique. En effet, les élèves ont aussi beaucoup été dans l’utilisation des animations pendant la lecture au point même qu’ils n’écoutaient pas toujours le narrateur jusqu’au bout et tournaient parfois la page avant que ce dernier n’ait fini de lire le texte. Les élèves jouent littéralement avec leur tablette en appuyant sur les animations avant même que la narration ne soit terminée. Le livre est cependant conçu pour limiter les animations avant la fin de la lecture mais on peut toujours faire bouger l’illustration de droite à gauche pour la voir en entier, faire bouger quelques éléments… Les résultats montrent donc des élèves concentrés sur leur support mais si on regarde dans le détail, cela ne signifie pas toujours concentré sur la lecture et cela malgré une première manipulation la veille pour pallier ce risque de biais… On peut mettre en avant le problème de la nouveauté qui exerce aussi un biais sur la captation de la lecture par la découverte du livre, du support et de ses possibilités même s’ils l’ont vu une fois au préalable. Il faudrait donc tenter l’expérience dans le cadre où la tablette est utilisée régulièrement en classe pour comparer le niveau de distraction. Certaines études ont mis en avant ce risque de la distraction à cause de la symbolique même que prend la tablette : celle du jeu. Pour Florian Dauphin (2012), il y a « un écart, voire une contradiction entre la culture scolaire et la culture numérique partagée par les jeunes ». Il présente un paradoxe fort en montrant qu’il y a une contradiction entre l’école qui demande des frustrations, de la réflexion alors que le numérique est dans l’immédiateté. De même au niveau de l’attention, la raison d’utilisation des tablettes serait pour capter l’attention alors que ces dernières les réduiraient du fait que les élèves sont distraits par les différentes animations et le fait de pouvoir « zapper » comme ils le souhaitent l’activité. Dans le cadre de notre expérimentation, les élèves peuvent appuyer pour faire avancer les pages sans avoir l’obligation d’écoute et c’est ce que certains font. C’est là où l’on voit que le support demande aussi un apprentissage particulier pour apprendre à l’utiliser et en faire un objet pédagogique. C’est ce que conclut l’étude de

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Karsenti (2013) sur l’iPad à l’école, pour lui la tablette à l’école a des avantages comme d’accroitre la motivation et de permettre une expérience de lecture « bonifiée ». Cependant, il met en garde contre la distraction : « la tablette tactile pouvait être une source de distraction importante pour les élèves, et que cela pouvait même rendre la tâche des enseignants particulièrement laborieuse. » En effet, cette motivation provient avant tout de sa symbolique première qui est le jeu d’où aussi son image de distraction. Pour pallier cet inconvénient, il met en avant un travail de la part des enseignants sur son usage avec les élèves et pour mieux les y préparer. C’est pourquoi il serait vraiment intéressant de réaliser la même étude dans une école où les élèves ont déjà l’habitude de cet outil dans le cadre scolaire et ont appris à l’utiliser.

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