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Le capital humain et les compétences dans les pays en voie de développement

Chapitre 4 : Le concept de compétences et les rôles du service des ressources

4.2 Le capital humain et les compétences dans les pays en voie de développement

Les crises économiques, politiques et sociales qui se sont succédé au cours des deux dernières décennies ont profondément affecté les ressources des pays en voie de développement, et une des ressources les plus vraisemblablement en souffrance reste le capital humain (Rapport Nations Unies, 2017). La pénurie de main-d’œuvre qualifiée est une source d’inquiétude pour plusieurs pays, y compris les pays en voie de développement. Nous pouvons lire dans le rapport rédigé par Afeti et Adubra pour l’association pour le développement de l’éducation (2012) en Afrique intitulée « Développement des compétences techniques et professionnelles tout au long de la vie pour une croissance socio-économique durable de l’Afrique » que :

« Il est admis que l’Afrique est confrontée à un déficit considérable d’infrastructures socio-économiques…Des ressources humaines qualifiées sont nécessaires pour construire et entretenir ce type d’infrastructures. Les gens existent, mais les compétences manquent. » (p.5)

Une des problématiques qui limite la croissance et la compétitivité est l’asymétrie entre les compétences des diplômés et celles dont le marché d’emploi a besoin (GBAD, 2011). Les pénuries de qualifications et les inadéquations entre l’offre et la demande de compétences entrainent un gaspillage des ressources humaines surtout si elles se prolongent dans le temps

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(Quintini, 2011). Les organisations privées ou même la fonction publique dans les pays en voie de développement se sont rendu compte que leurs critères de sélection et de recrutement doivent changer et ne devraient pas se limiter au seul critère de possession d’un diplôme dans le seul objectif d’absorber le chômage dans le pays (Maldonado et Gaufryau, 2001).

Pour garantir la prospérité économique des nations, et améliorer la vie des individus, il faut développer les compétences de leurs ressources humaines. L’amélioration des aptitudes contribue à la croissance économique (OCDE, 2011) et, à l’inverse, les pays dont le système de développement des compétences est déficient se retrouvent pris au piège d’un cercle vicieux caractérisé par un bas niveau de formation et de productivité (Rapport BIT, 2008).

Les compétences contribuent aussi à améliorer la vie des individus. De nombreuses recherches ont prouvé que la formation des ressources humaines a un impact positif sur le niveau de rémunération des travailleurs (Rapport OCDE, 2011). Chochard (2012) a exposé dans son article « L’impact de la formation continue sur le bien-être des individus, l’expérience de Fujiwara » l’hypothèse que le fait qu’un individu participe à une formation continue améliore l’état général de sa santé, modifie son statut professionnel, influence la qualité de sa vie sociale ainsi que sa fréquence de participation à des activités volontaires. Cependant, pour qu’un système de développement des compétences soit efficace, il doit mettre en corrélation l’enseignement et la formation technique, la formation technique et l’entrée sur le marché du travail et, enfin, l’entrée sur le marché du travail et l’apprentissage en entreprise (Rapport BIT, 2008).

Selon des enquêtes menées par la Banque Mondiale en 2010, la proportion des entreprises pour lesquelles la disponibilité d’employés adéquatement formés est une source d’inquiétude avoisine 40 % en Afrique, 50 % dans les pays de l’Asie orientale et du Pacifique, et 25 % dans les pays de l’OCDE (OCDE, 2011). Ainsi, un des grands défis auxquels les pays en voie de développement font face est celui de produire un éventail de qualifications adaptées non seulement aux besoins actuels, mais aussi aux besoins futurs de leurs marchés du travail, que ce soit par le biais de la formation initiale ou de la formation continue. Pour élaborer des mesures destinées à contrôler l’offre de compétences, il est essentiel, dans un premier temps, de comprendre la demande de qualifications au sein d’une économie. Cette dernière dépend de

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plusieurs éléments, comme le degré d’industrialisation du pays, les secteurs d’industries (OCDE, 2011) et les stratégies de développement futur.

Toute politique en faveur de l’amélioration des compétences doit s’appuyer sur le perfectionnement et la formation continue de la main-d’œuvre. Avant de mettre en place ces politiques de formation, un système de reconnaissance doit exister afin d’encourager la participation des ressources humaines (Brun, 2012). En plus, l’offre de formation doit être flexible et accessible à tous les employés, les organisations doivent faciliter l’accès à la formation en éliminant les barrières à l’entrée telles que les lourdeurs administratives, les coûts d’entrées et les restrictions d’âge. Ces barrières sont imposées pour limiter l’accès à la formation pour les raisons que nous avons évoquées au début du chapitre (favoritisme, corruption, etc. [L’économiste, 2014; Bouoiyour, 2009].

En plus de l’amélioration qualitative des systèmes d’éducation formelle, il importe pour les pays en voie de développement d’encourager la formation informelle [sur le tas pour le secteur informel], la formation continue et les formules d’apprentissage permanent, et ces formations doivent permettre une grande flexibilité et adaptabilité ainsi qu’une plus grande capacité d’anticipation des changements à court, moyen et long terme.

Des programmes d’ajustement structurel furent d’ailleurs implantés à la suite de la crise pétrolière de 1976. En effet, deux institutions, la Banque mondiale et FMI, proposèrent des politiques économiques [Toussaint et Millet, 2003] pour remédier aux conséquences graves et parfois catastrophiques survenues à la suite de la mauvaise gestion des entreprises publiques. [Abhè et N’Dja, 2006]. Les PAS prévoyaient plusieurs actions, et ce, sans consultations avec les différents partenaires sociaux concernés [Toussaint et Millet, 2003], telles que la réduction de la masse salariale, la compression des effectifs, la modification des effectifs et la grille des salaires. Or, la mesure la plus frappante mise en œuvre par les programmes d’ajustement structurel a été de réduire l’importance du secteur public par la privatisation des entreprises d’État [Maldona et coll., 2001]. Cette stratégie a alors engendré un licenciement massif des fonctionnaires [Maldona et coll., 2001], ce qui a eu un impact négatif sur les niveaux de vie et a causé la perte d’emploi, la récession économique et la dégradation des relations de travail en général. [Rapport BIT, 1998; Houtart, 2002]

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Aujourd’hui, nous sommes face à la problématique de l’administration et l’utilisation rationnelle, efficace et efficiente des ressources humaines dans les PVD. Une question se pose  : les structures administratives actuelles, et les réformes tentées à ce jour, sont-elles capables d’aider les pays en voie de développement à atteindre leurs objectifs de développement ?

Les pays en voie de développement connaissent une montée massive du pourcentage de jeunes alphabétisés et formés [UNESCO, 1982], ceci étant dû d’un côté à la politique éducationnelle entreprise par ces pays, d’un autre côté à la croissance rapide de la population. Ces deux éléments ont été une cause directe d’un changement du marché de travail à deux niveaux : premièrement un déséquilibre entre l’offre et la demande d’emploi qui a mené à l’apparition du chômage des jeunes diplômés [Souali, et coll., 2009; Rapport OECD, 2015; Ighobor, 2013], et deuxièmement une dépréciation de la qualité de la formation causée par le grand nombre de jeunes à l’école, cet élément ayant généré l’apparition d’une forte inadéquation entre la formation dispensée et les qualifications recherchées sur le marché du travail [African Economic Outlook, 2012].

Ces situations défectueuses révèlent une absence quasi totale de la planification des ressources humaines et de programmation des besoins en formation. Les besoins réels de diverses organisations sont rarement définis; ce faisant, il est difficile de connaître pour une année à venir les effectifs requis par ces derniers.

Le Septième forum de la Gouvernance en Afrique [Rapport Nations unies, 2010], tenu à Ouagadougou au Burkina Faso en 2007, a exposé les éléments qui entravent la bonne gestion des ressources humaines dans le secteur public. Les participants ont ainsi présenté les conclusions suivantes :

a) Le développement des ressources humaines est limité par des approches de gestion non coordonnées et fragmentées ainsi qu’une inadéquation entre la formation offerte et les besoins réels du marché. Les participants ont rapporté le gaspillage et le mauvais placement du personnel, ainsi que l’absence de mécanismes d’évaluation des fonctionnaires.

b) La bureaucratie limite la performance des administrations. De plus, plusieurs défis rendent difficiles le recrutement et la rétention du personnel, notamment les salaires minimes et les mauvaises conditions de travail. Toujours dans le même rapport, les participants ont relevé

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trois barrières à la transformation de la GRH dans les administrations publiques des pays en voie de développement, soit le manque de fonds, le manque de soutien de la haute direction et l’inadéquation des systèmes informatiques.