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Capacité alkylante de l’artémisinine après réduction par le cuivre(I) 

Les érythrocytes contiennent environ 20 µM de cuivre, principalement sous la forme de SOD Cu/Zn.[1] La digestion de cette SOD par Plasmodium libère du cuivre qui pourrait être utilisé par le parasite.[2] Comme le fer, le cuivre est un métal oxydo-réducteur biologique, capable de catalyser la formation de radicaux par la réaction de Fenton. C’est pourquoi nous avons étudié l’activation de l’artémisinine par ce métal, bien que sa concentration dans les globules rouges soit environ mille fois moins importante que celle du fer contenu dans l’hème.

Pour étudier la réactivité de l’artémisinine vis-à-vis du cuivre, nous avons utilisé des complexes de cuivre(I) dont les ligands présentent des sites susceptibles d’être alkylés par les radicaux de l’artémisinine. Ainsi, des ligands peptidiques, Clip-Phen,[3] et dipyrrine ont été utilisés.

1. Activation de l’artémisinine par un sel de cuivre(I) 

Il a été montré que des sels de métaux de transition autres que le fer peuvent réduire le peroxyde de l’artémisinine pour donner les mêmes produits de dégradation que ceux générés en présence de sels de fer(II).[4,5] Dans un travail préliminaire, nous nous sommes donc intéressés à l’activation de l’artémisinine en présence de chlorure de cuivre(I). L’analyse des produits de réaction a montré la formation de la déoxyartémisinine 4 et du dérivé furane-acétate 5, également générés en présence de fer(II). Le composé 6 a également été caractérisé, sous la forme de deux épimères. A notre connaissance, la formation de ce composé n’a pas été décrite dans la littérature. Un mécanisme de sa formation est proposé dans la publication ci-après.

  Activation de l’artémisinine en présence de cuivre(I) et produits de réarrangement

2. Activation de l’artémisinine par le cuivre(I) en présence de glutathion (γ­Glu­Cys­Gly,  GSH) 

L’activation réductrice de l’artémisinine a pu être réalisée avec le complexe cuivre(I)-glutathion généré in situ. L’analyse par spectrométrie de masse du mélange réactionnel a permis de caractériser les adduits artémisinine-glutathion 7, 8 et 9 provenant de la liaison covalente entre le radical thiyl du glutathion et le radical alkyle issu de l’artémisinine. Ce résultat est en accord avec ceux décrits pour la réaction avec le fer(II) en présence de glutathion.[6]

Adduits covalents GS-artémisinine 3. Activation de l’artémisinine par le complexe CuI(Clip­Phen) 

Le complexe CuII(2-Clip-Phen)Cl2, synthétisé dans notre équipe,[3] contient deux groupements

phénanthroline, reliés par un pont 2-amino-1,3-propanediol. Après réduction in situ par le dithionite, nous avons utilisé le complexe CuI(Clip-Phen) à la fois comme activateur et cible potentielle de l’artémisinine. Un produit de masse m/z 791.3, correspondant à un produit de couplage covalent entre le complexe Cu(Clip-Phen) et l’artémisinine, a été caractérisé par spectrométrie de masse. La masse et la figure isotopique de cet ion sont compatibles avec les structures proposées ci-dessous. En effet, la masse de cet ion correspond à la somme des masses du complexe Cu(Clip-Phen) et de l’artémisinine. Par ailleurs, la répartition isotopique de cet ion est caractéristique de la présence d’un atome de cuivre dans sa structure.

Propositions de structure pour l’adduit Cu(Clip-Phen)-artémisinine 4. Activation de l’artémisinine par le complexe CuI(dipyrrin)2 

L’artémisinine étant capable de former des adduits avec la tétraphénylporphyrine (TPP) de manganèse,[7] utilisée comme modèle de l’hème, nous avons dans un premier temps utilisé la tétraphénylporphyrine de cuivre pour activer l’artémisinine. Cependant, compte-tenu de l’impossibilité de réduire le cuivre dans le ligand porphyrinique plan-carré rigide, nous avons ensuite utilisé le ligand meso-phényldipyrromethène (dipyrrine), plus souple, pour chélater le cuivre. Le choix de ce ligand, qui peut être vu comme une demi-TPP, permet en effet la coordination tétrahédrique requise pour le cuivre(I).

La réactivité de l’artémisinine vis-à-vis du complexe CuI(dipyrrine)2 a été

étudiée, et comparée à celle vis-à-vis du complexe FeII(dipyrrine)3. Dans les deux

cas, l’adduit covalent dipyrrine-artémisinine 14 (m/z 503.2, MH+) – démétallé dans les conditions analytiques - a été identifié par spectrométrie de masse. D’après les résultats obtenus avec MnTPP, on s’attend à ce que l’alkylation ait lieu sur les positions pyrroliques.

Bien que la formation de l’adduit 14 ait été mise en évidence avec les deux complexes Cu(dipyrrine)2 et Fe(dipyrrine)3, les rendements obtenus indiquent que

la réactivité de l’artémisinine est meilleure avec le fer(II) qu’avec le cuivre(I). 5. Conclusion 

Ce travail nous a permis d’explorer une voie nouvelle dans le mécanisme d’action de l’artémisinine, mettant en jeu le cuivre contenu dans les érythrocytes.

En présence de complexes de cuivre(I), l’activation réductrice de l’artémisinine a lieu. La formation de produits d’alkylation a été mise en évidence avec tous les complexes étudiés. Toutefois, nous avons également observé que, en présence de complexes de cuivre, le réarrangement intra- moléculaire des radicaux de l’artémisinine, qui est observé avec un sel de cuivre, est

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systématiquement favorisé par rapport à la formation d’adduits, et que l’alkylation du ligand reste un phénomène minoritaire.

De plus, la formation d’adduits en présence de dipyrrine de fer indique qu’un complexe de fer non héminique peut également être activateur et cible de l’artémisinine.

Bibliographie  

[1] D. Rasoloson, L. Shi, C. R. Chong, B. F. Kafsack, D. J. Sullivan. Copper Pathways in Plasmodium falciparum Infected Erythrocytes Indicate an Efflux Role for the Copper P- ATPase. Biochem. J. 2004, 381, 803-811.

[2] P. L. Olliaro, D. E. Goldberg. The Plasmodium Digestive Vacuole: Metabolic Headquarters and Choice Drug Target. Parasitol. Today 1995, 11, 294-297.

[3] M. Pitié, B. Donnadieu, B. Meunier. Preparation of the New Bis(Phenanthroline) Ligand "Clip-Phen" And Evaluation of the Nuclease Activity of the Corresponding Copper Complex. Inorg. Chem. 1998, 37, 3486-3489.

[4] W. M. Wu, Y. L. Wu. Chemical and Electro-Chemical Reduction of Qinghaosu (Artemisinin). J. Chem. Soc., Perkin Trans. 1 2000, 4279-4283.

[5] Y. Wu, H.-H. Liu. Cleavage of Qinghaosu (Artemisinin) Induced by Non-Iron Transition-Metal Ions in the Presence of Excess Cysteine. Helv. Chim. Acta 2003, 86, 3074- 3080.

[6] W.-M. Wu, Z.-J. Yao, Y.-L. Wu, K. Jiang, Y.-F. Wang, H.-B. Cehn, F. Shan, Y. Li. Ferrous Ion Induced Cleavage of the Peroxy Bond in Qinghaosu and Its Derivatives and the DNA Damage Associated with This Process. Chem. Commun. 1996, 2213-2214.

[7] A. Robert, B. Meunier. Characterization of the First Covalent Adduct between Artemisinin and a Heme Model. J. Am. Chem. Soc. 1997, 119, 5968-5969.

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