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I.1 Cancérogénèse

I.1.2 Les cancers hormono-dépendants

Certains tissus (tels que la glande mammaire, l’endomètre, la prostate et les ovaires) sont particulièrement sensibles aux effets des hormones sur la survie, la croissance ou la différenciation cellulaire. Les cancers dérivés de ces tissus peuvent garder tout ou partie de cette « hormono-dépendance ».

Les hormones en cause dans les cancers hormono-dépendants sont essentiellement des stéroïdes (œstrogènes, androgènes), plus rarement des hormones polypeptidiques (hormone de stimulation thyroïdienne TSH, somatostatine). Ces cancers expriment des récepteurs hormonaux qui peuvent rester fonctionnels et sont détectables par des techniques immuno- histochimiques permettant une évaluation semi-quantitative de leur degré d'expression, ou dosables par des techniques biochimiques. Leur présence et leur niveau d'expression sont des paramètres importants de prédiction de la réponse à un traitement hormonal. Par exemple, dans les cancers hormono-dépendants du sein et de l’ovaire (ou de la prostate), la survie et la prolifération cellulaire sont soutenues par les œstrogènes (ou respectivement par les androgènes) ; la privation de cette influence hormonale peut inhiber la prolifération et/ou entraîner la mort des cellules cancéreuses et permettre des effets anti-tumoraux durables (Henderson BE et Feigelson HS, 2000).

I.1.2.1 Le cancer du sein

Le cancer du sein est une tumeur maligne de la glande mammaire. C’est le plus fréquent des cancers féminins. De nombreux facteurs peuvent être impliqués dans le déclenchement de ce cancer, parmi lesquels le sexe, l’âge, la durée de la vie génitale, la nulliparité, la première grossesse après 30 ans, l’histoire familiale, l’antécédent personnel de cancer du sein, les facteurs hormonaux et les facteurs environnementaux. Parmi ces facteurs, on détaillera seulement l’implication du facteur hormonal dans la cancérogenèse du sein.

Une observation directe de la prise d’œstrogène chez la femme post ménopausée augmente le risque de cancer du sein. Ainsi, le traitement hormonal de substitution (THS) augmente ce risque d’une manière significative (risque relatif estimé à 1,5) (Claus EB et al., 2003).

7 D’autre part, des études in vitro supportent l’action carcinogène des œstrogènes sur les cellules mammaires. En effet, des cellules épithéliales humaines du sein, MCF-10F, traitées avec l’œstradiol (E2), forment des colonies au bout de 21 jours. L’E2 provoque de nombreuses modifications cellulaires dont une croissance indépendante de la fixation des cellules au support, une absence de canulogénèse dans le collagène et une invasion cellulaire du matrigel. L’induction de la transformation complète des cellules MCF-10F confirme la carcinogénèse d’E2 et montre que cette hormone peut être à l’origine de cancer du sein chez les femmes (Russo J et al., 2006).

Les tumeurs du sein peuvent se différencier par la présence ou l’absence de récepteurs aux œstrogènes (RE+/-) et de la progestérone (RP+/-). Les tumeurs RE+/RP+ représentent les tumeurs les plus communes. La présence de ces récepteurs est dépendante de nombreux facteurs, ainsi, le nombre de tumeurs contenant les récepteurs aux œstrogènes varie avec l’âge et l’utilisation d’hormone après la ménopause alors que la présence du récepteur de la progestérone varie avec le poids corporel et l’historique de la grossesse (Colditz G et Rosner B, 2004).

Les deux isotypes de REs sont co-exprimés dans le tissu mammaire. En effet, le récepteur REα est exprimé dans les tumeurs malignes augmentant leur division cellulaire tandis que la présence de REβ peut complémenter ou s’opposer à l’effet de REα (Palmieri C et al., 2002). Le niveau d’expression de REα est associé à un pronostic favorable du cancer (tumeurs différenciées) et, malgré le rôle contradictoire de REβ, les études menées sur son niveau d’expression suggèrent qu’il est aussi un indicateur de pronostic favorable (Herynk MH et Fuqua SA, 2004).

I.1.2.2 Le cancer de la prostate

Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme. Il se développe à partir de cellules épithéliales prostatiques, son évolution est lente et implique plusieurs étapes. Grâce au progrès de la détection, le diagnostic est fait aujourd’hui de façon plus précoce que dans le passé. Le cancer de la prostate a une population cellulaire hétérogène (Figure 2) où la composition cellulaire de la tumeur devient de plus en plus indifférenciée et hétérogène au fil des doublements successifs ouvrant le champ à des mutations génétiques.

8 Figure 2 : Hétérogénéité de la population cellulaire tumorale2.

La prostate est considérée essentiellement comme un organe androgéno-dépendant, contrôlée avant tout par les niveaux de testostérone dans le plasma. La prostate adulte normale fonctionne à l'intérieur d'un « environnement multi-hormonal » et répond à une variété de facteurs de régulateurs de la croissance. La tumeur peut passer d’un stade hormo- dépendant à un autre hormono-indépendant.

Une tumeur devient hormono-indépendante lorsqu’après une période plus ou moins longue de réponse, la progression reprend malgré la poursuite d’un traitement hormonal bien conduit. L’hormono-indépendance a été classiquement expliquée par une diminution de la densité des récepteurs aux androgènes (RA) dans les cellules prostatiques les rendant ainsi imperméables aux androgènes au cours de l’évolution tumorale. Les études récentes qui utilisent des anticorps monoclonaux dans l’identification des RA n’ont pas confirmé cette hypothèse. Ils ont montré que non seulement les RA sont présents à tous les stades de développement du cancer mais qu’ils ont tendance à être surexprimés dans les récidives et les métastases et continuent de ce fait à jouer un rôle actif dans la maladie avancée. La cellule hormono-indépendante est en fait une cellule hypersensible aux androgènes permettant à la cellule de continuer à se développer dans un milieu pauvre en androgènes (Craft N et al., 1999).

2 http : //urofrance.org/fileadmin/documents/data/PU/2002/PU-2002-12020007/TEXF-PU-2002-12020007.PDF.

9 D’autres hormones sont impliquées, mais à moindre degré, dans la cancérogenèse prostatique, ce sont les œstrogènes. Ces œstrogènes sont connus pour leur rôle dans le développement et la progression du cancer de la prostate. En effet, la prostate est équipée d’un système dual de récepteurs aux œstrogènes (REα et REβ) qui subissent un remodelage durant la progression du cancer. Les fonctions biologiques précises des deux types de REs dans la prostate sont actuellement inconnues. Plusieurs études ont décrit l'expression des récepteurs ainsi que les niveaux d’acide ribonucléique messager (ARNm) et de protéine dans les compartiments épithéliaux et stromals de la prostate normale ou maligne d’hommes adultes.

Le REβ est localisé principalement dans le compartiment basal des cellules épithéliales de la prostate humaine normale, où REα est rarement retrouvé, mais exprimé en abondance dans le stroma de la glande normale. Toutefois, d’une façon générale, il y a une prédominance surtout du REβ dans la prostate (Harkonen PL et Makela SI, 2004). En revanche, le niveau d’expression de ces deux types de récepteurs dans le cancer de la prostate reste très faible en comparaison avec le cancer du sein (Harkonen PL et Makel SI, 2004).

Les études montrent que le REα est un proto-oncogène qui est surexprimé dans la transformation maligne de l’épithélium prostatique tandis que le REβ est un suppresseur de tumeur où son expression est diminuée dans 40 % des cas de ce type de cancer. Par exemple, dans la néoplasie intra-épithéliale prostatique haut grade (HGPIN, high-grade prostatic intraepithelial neoplasia), le REα surexprimé est à la base des effets carcinogènes de l’œstradiol. En outre, durant la transformation maligne, la surexpression de REα s’étend des cellules basales aux cellules luminales où les changements dysplasiques auront place. Par contre, dans le HGPIN le taux de REβ est diminué ce qui explique son rôle protecteur (Bonkhoff H et Berges R, 2009).

I.1.2.3 Le cancer de l’ovaire

Le cancer de l’ovaire est une tumeur maligne qui atteint un ou les deux ovaires. C’est essentiellement un adénocarcinome, c’est-à-dire une tumeur maligne qui s’organise en formant des structures glandulaires dans cet organe. Les cancers de l’ovaire représentent environ 30 % des cancers du tractus génital féminin. Comme pour la majorité des cancers, l’âge est l’un des facteurs les plus importants, avec un risque maximal autour de 75 ans. Même si les facteurs de risque restent assez mal connus, on distingue trois grands types de facteurs de risque de ce cancer : génétiques, hormonaux et ceux liés à l’environnement et au mode de vie (Chiaffarino F et al., 2001).

10 Concernant les facteurs hormonaux, le risque de cancer de l’ovaire serait plus élevé pour les femmes n’ayant pas eu d’enfant ou qui ont eu leur premier enfant à un âge tardif, pour les femmes ayant une puberté précoce ou une ménopause tardive. À l’inverse, les femmes qui ont utilisé des contraceptifs oraux et les multipares ont un risque réduit de cancer de l’ovaire (Chiaffarino F et al., 2001 ; Tung KH et al., 2003). Une théorie suggère que le risque de cancer de l’ovaire augmente avec le nombre d’ovulations, du fait que chaque cycle ovarien fait subir à l’épithélium de l’ovaire un traumatisme dont il devra cicatriser (Fathalla MF, 1971). L’impact de l’utilisation des traitements hormonaux pour contrôler les effets de la ménopause est encore débattu, mais il semblerait que les œstrogènes et les œstro-progestatifs augmentent le risque de cancer de l’ovaire (Glud E et al., 2004). Il y a une forte évidence que les hormones stéroïdes et gonadotrophines contribuent au développement du cancer de l’ovaire. En effet, les REs sont présents dans les 2/3 des tumeurs ovariennes où le REα est exprimé dans les tumeurs épithéliales et stromales alors que le REβ est exprimé d’une façon abondante dans les cellules tumorales dérivées de la granulosa et à des niveaux plus bas dans les tumeurs mucineuses (séreuses) d’origine épithéliale (Chu S et al., 2000).

Lors de la transformation maligne, l’expression du REα et non pas du REβ augmente dans le tissu épithélial. Ceci montre que le REβ maintient les fonctions cellulaires normales de l’ovaire alors que le REα est à la base de la progression et de l’invasion de la tumeur. Le statut de ces deux types de récepteurs est donc un marqueur important du pronostique du cancer (Rutherford T et al., 2000).

D’autre part, des études in vitro ont montré que les œstrogènes sont capables de stimuler la prolifération des lignées cellulaires ovariennes. De ce fait, la prolifération cellulaire des lignées cancéreuses ovariennes est inhibée par les antagonistes des REs comme le tamoxifène même si ce dernier n’a montré aucune efficacité dans les essais cliniques (Jager W et al., 1995 ; Hatch KD et al., 1991).

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