• Aucun résultat trouvé

1. Le système digestif

1.7. Le cancer colorectal

1.7.2. Le cancer colorectal associé à la colite

L'inflammation chronique prédispose au développement de plusieurs types de cancer et c'est le cas des patients atteints de maladies inflammatoires intestinales (Balkwill et Mantovani, 2001). La pathogénie de la carcinogenèse colorectale chez les patients atteints de maladie inflammatoire intestinale est cependant différente de celle des cancers sporadiques et fait intervenir une progression par étapes à partir de l'épithélium enflammé et hyperplasique vers de la dysplasie jusqu'à l'adénocarcinome (Itzkowitz et Yio, 2004) (Schéma 7, panneau du haut).

Un des effets de l'inflammation chronique est l’accumulation de ROS causant des dommages oxydatifs à l'ADN, ce qui entraîne des mutations dans les gènes tels que

CTNBB1 (β-caténine), KRAS (Meira et al., 2008; Roessner et al., 2008) et possiblement TP53 (Ullman et Itzkowitz, 2011). D'ailleurs, des mutations dans TP53 sont fréquemment

retrouvées dans des tissus coliques en inflammation chronique ainsi que dans des régions dysplasiques (Leedham et al., 2009). De plus, un stress oxydatif induit par le peroxyde d'hydrogène inactive les enzymes impliquées dans la réparation de l'ADN, plus précisément dans la réparation des mésappariements, entraînant de l'instabilité dans les microsatellites (Chang et al., 2002). D'ailleurs, de l'instabilité dans les microsatellites a été détectée chez des patients atteints de colite ulcéreuse sans lésions néoplasiques (Brentnall et al., 1996), cela suggère que l'inactivation du système de réparation de l'ADN est un événement précoce dans le développement du cancer colorectal associé à la colite.

Dans le cancer colorectal sporadique, la perte de fonction du gène suppresseur de tumeur APC est un événement fréquent qui arrive tôt dans la tumorigénèse. Dans le cancer colorectal associé à la colite, une délétion allélique d'APC est présente dans seulement 33% des cas (Umetani et al., 1999). Néanmoins, une augmentation de la localisation nucléaire de la β-caténine a été rapportée dans des tumeurs de cancer colorectal associé à la colite (Aust

et al., 2001).

Plusieurs cytokines pro-inflammatoires participent à la carcinogenèse colorectale, dont le TNFα et l'IL-6. Une augmentation de TNFα est présente chez les patients atteints de la maladie de Crohn. Cette cytokine, suite à la liaison à son récepteur, active la voie de

signalisation NFκB. Dans un modèle murin de cancer colorectal associé à la colite où les souris ont été traitées avec de l'AOM (azoxymethane), un agent carcinogène qui cause des mutations dans le gène de la β-caténine (Takahashi et al., 2000), suivi par un traitement au DSS qui induit une colite chimique, l'utilisation d'un antagoniste du TNFα diminue grandement le nombre et la taille des tumeurs (Popivanova et al., 2008). Plusieurs études montrent l’implication du facteur de transcription NFκB dans le développement du cancer colorectal associé à la colite. Notamment, des souris invalidées spécifiquement pour l'expression de la kinase IKKβ dans les cellules épithéliales intestinales développent beaucoup moins de tumeurs suite à un traitement à l'AOM/DSS. En fait, l’activation de NFκB serait importante pour la prolifération et la survie des cellules épithéliales intestinales (Greten et al., 2004; Shaked et al., 2012).

Une cytokine qui semble également participer la pathogénie de ce type de cancer est l'IL-6. Cette cytokine pro-inflammatoire active la voie de signalisation Jak/STAT3. Dans leur modèle de souris traitées à l'AOM/DSS, Becker et collaborateurs ont montré que l'utilisation d'un anticorps bloquant le récepteur à l'IL-6 prévient la croissance des tumeurs (Becker et al., 2004). Le rôle de STAT3 dans le cancer colorectal associé à la colite a été aussi caractérisé via l'utilisation de souris présentant une délétion conditionnelle de ce facteur de transcription dans les cellules épithéliales intestinales. Suite à un traitement à l'AOM/DSS, ces souris développent significativement moins de tumeurs qui sont aussi de plus petite taille. Dans ce contexte, la voie Jak/STAT3 contrôle la prolifération et la survie des cellules épithéliales intestinales (Bollrath et al., 2009).

D’autres cytokines, notamment la cytokine anti-inflammatoire IL-10, régulent négativement la formation du cancer colorectal associé à la colite. En effet, les souris Il10-/- développent spontanément de l'inflammation intestinale lorsqu’elles sont hébergées dans une animalerie conventionnelle. Dès l'âge de 6 mois, 60% de ces souris développent des adénocarcinomes colorectaux (Berg et al., 1996). De plus, le croisement de ces souris avec une souris invalidée pour la protéine adaptatrice Myd88 empêche la formation de tumeurs, suggérant la participation de la microflore dans ce modèle (Uronis et al., 2009).

La microflore participe effectivement au développement du cancer colorectal associé à la colite. En fait, plusieurs modèles murins ne développent pas de dysplasie ou de

cancer colorectal associé à la colite dans un environnement stérile (Fukata et Abreu, 2008; Uronis et al., 2009). Tout comme dans l'inflammation intestinale, un changement dans la composition de la microflore (dysbiose) est observé lors de la tumorigénèse colorectale. D'ailleurs, la susceptibilité de développer un cancer colorectal est transmissible d'une souris possédant une dysbiose vers une souris de type sauvage (Couturier-Maillard et al., 2013; Hu et al., 2013). Ces résultats suggèrent que la microflore peut, dans certains cas, être suffisante à promouvoir la formation de tumeurs colorectales.

La signalisation des PRRs participe aussi au cancer associé à la colite. Dans les cellules épithéliales intestinales, l'expression de TLR4 est grandement augmentée dans les tumeurs par rapport aux régions saines et dysplasiques. Les souris invalidées pour Tlr4 développent d’ailleurs moins de tumeurs et ces dernières sont de taille plus petite suite à un traitement à l'AOM/DSS (Fukata et al., 2007). Inversement, l'expression d'une forme constitutive active de Tlr4 spécifiquement dans les cellules épithéliales intestinales favorise la tumorigénèse (Fukata et al., 2011). Par contre, les souris Tlr2-/- développent plus de tumeurs que les souris témoins suite à un traitement à l'AOM/DSS (Lowe et al., 2010). Des résultats similaires ont aussi été observés chez les souris Nlrp3-/- (Zaki et al., 2010),

Nlrp6-/- (Chen et al., 2011) et Nlrp12-/- (Allen et al., 2012). Ces résultats suggèrent que la

signalisation TLR4 contribue au développement du cancer colorectal associé à la colite tandis que la signalisation initiée par TLR2, NLRP3, NLRP6 et NLRP12 engendre plutôt une protection.