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U NE CAMPAGNE ÉLECTORALE TRÈS DURE

: UNE VOLONTÉ DE REBONDIR

2.6. U NE CAMPAGNE ÉLECTORALE TRÈS DURE

À l’approche des scrutins du 7 juin 2009, le MR connaît encore des difficultés internes. Pour relancer la dynamique du Mouvement, sa direction décide de « croiser le fer » avec le PS : elle se lance « dans un combat sans merci contre les socialistes pour conserver la place de premier parti francophone » 244

.

Du côté du FDF, qui revendique 40 % de l’électorat réformateur dans la capitale, la désignation d’Armand De Decker comme tête de liste pour l’élection régionale bruxelloise continue de causer une profonde insatisfaction : « Une partie de la formation amarante oscille entre colère et amertume », note la presse. Celle-ci rapporte qu’Olivier Maingain doit poser au bureau restreint la question : « Devons-nous continuer avec le MR malgré tout ? ». Les relations avec « les libéraux pure souche » feraient également l’objet d’une réunion du conseil du parti, au cours de laquelle s’exprimeraient certains avis très critiques 245.

Au MCC, on déplore que le président du MR attende six semaines avant de recevoir une délégation de cinq élus fédéraux, venus l’entretenir de « l’affaire Aernoudt » et de

242

Le Soir, 24 février 2009.

243

« Forum », Le Soir, 27 février 2009.

244

La Libre Belgique, 30 décembre 2008-1er

janvier 2009.

245

La libre Belgique, 16 février 2009 ; Le Soir, 28 février-1er

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leur souhait de garder un cap réformateur, exempt de toute dérive droitière 246

. G. Deprez, qui reconnaît son propre « caractère peu commode », regrette que ses relations avec D. Reynders se soient distendues depuis un an. Il souhaite que le bureau politique du MR fonctionne à nouveau pour anticiper les événements, l’intergroupe parlementaire n’intervenant que comme une instance de ratification 247

.

Au sein de la composante libérale, la démission de l’échevin carolorégien de la Propreté publique, Philippe Sonnet, à la suite de déboires fiscaux, tombe au plus mal, alors que les réformateurs comptaient « pourfendre l’adversaire socialiste sur le front des scandales » 248

. D’aucuns redoutent des pertes de voix à la suite des séquelles de la crise financière et de l’arrimage manqué de LiDé au MR 249.

L’isolement des réformateurs sur l’échiquier politique est patent. Les attaques en règle lancées contre le PS et le CDH ont laissé des traces dans les mémoires. D. Reynders s’efforce de « courtiser » Écolo, avec lequel il existe des convergences en matière de gouvernance. Il constate, cependant, que les programmes socio-économiques des deux formations demeurent éloignés. De plus, chez les verts, il est douteux que les instances acceptent une alliance avec « la droite » 250.

De plus en plus, des militants s’interrogent sur le « style présidentiel », que la presse et des analystes mettent en cause. « Didier Reynders fait cavalier seul », note ainsi Michel Konen 251

. « Il est coupé des siens, isolé, n’écoutant que quelques fidèles », ajoute Martine Dubuisson 252. « Il renforce son image d’arrogance, car il ne réagit à rien, à aucune critique », fait observer le politologue anversois Dave Sinardet 253

. Dans les enquêtes d’opinion, signale Pascal Delwit, directeur du CEVIPOL (ULB), « il y a une crispation autour de la personnalité de Reynders : les données en notre possession montrent notamment que c’est le président qui suscite le plus de réactions négatives dans les électorats des autres partis. Donc, à ce stade, Reynders n’est plus porteur » 254

. Le cumul de fonctions, que le ministre des Finances n’est pas seul à pratiquer, fait l’objet de remontrances 255

.

Le Parti socialiste lance une campagne assez véhémente, sur le thème « Le libéralisme, ça suffit ». Le président Di Rupo ne mâche pas ses mots : « Les dérives libérales mènent au désordre social (…). Cette idéologie libérale, c’est d’abord le scandale de la fraude fiscale (…). Le ministère des Finances est parmi les plus mal gérés du pays. Depuis qu’il existe, il n’a jamais été aussi mal géré (…). L’irresponsabilité est dans le chef de ceux qui ont laissé se propager l’idéologie libérale, qui nous a conduits à cette

246

Le Soir, 28 février-1er

mars 2009.

247

La Libre Belgique, 4 mars 2009.

248

Le Soir et La Libre Belgique, 15 janvier 2009.

249

Le Soir, 28 février-1er

mars 2009.

250

Le Soir, 9 février et 4-5 avril 2009.

251

La Libre Belgique, 23 janvier 2009.

252 Le Soir, 21-22 mars 2009. 253 Ibidem. 254 Le Soir, 30 avril-1er mai 2009. 255

« En exerçant de hautes fonctions ministérielles, des présidents de parti plient plus directement l’État, ses administrations et ses services aux intérêts et au pouvoir des partis politiques, entamant plus encore l’impartialité en principe constitutive des services publics et l’indépendance des fonctionnaires ». Cf. L. VAN CAMPENHOUDT, « L’État présidentiel », La Revue Nouvelle, tome 64, n° 3, 2009, p. 3-6.

impasse (…). Non à un plan d’austérité qui ferait payer la cupidité des tenants de l’idéologie libérale aux faibles revenus et à la classe moyenne ! » 256

Les réformateurs, note ironiquement un observateur critique 257

, lancent l’opération « Il faut sauver Didier ». C’est Louis Michel qui, le premier, monte au créneau. Il ne se contente pas de flétrir « les manœuvres de diabolisation du libéralisme » émanant « des enfants égarés ou honteux du marxisme ». Il vole littéralement à la rescousse de son président, victime selon lui de procédés inadmissibles en démocratie : « Attaques

ad hominem, tentatives de lynchage médiatique, chasse à l’homme, velléités de mise à

mort politique. » 258

Le 30 mars 2009, Serge Kubla, chef de groupe MR au Parlement wallon, annonce : « Le fil est rompu entre le MR et le PS. La future coalition régionale se fera avec l’un ou avec l’autre. Jamais avec les deux. Le PS doit voler dans l’opposition. » 259

Les invectives se multiplient encore après la démission forcée de Didier Donfut (PS), ministre régional wallon de l’Action sociale, qui tire des émoluments importants des consultances réalisées par sa société auprès d’institutions publiques ou parapubliques. Cette fois, c’est D. Reynders qui lance l’offensive : « À chaque révélation, on nous annonce que ces agissements appartiennent au passé. Or les affaires continuent d’alimenter l’actualité depuis cinq ans. Il faut aujourd’hui que de telles inconduites cessent. Il faut changer le système en Wallonie, et le système, c’est le socialisme. » 260

Lors du congrès européen du MR, tenu à Mons le 16 mai 2009, il franchit un pas de plus. Après que Louis Michel eut dénoncé les attaques de Philippe Moureaux dans

Le Vif-L’Express, selon lequel les affaires « font partie de l’idéologie des partis de

droite, leur sont naturelles », il déclare : « Pour changer en profondeur la Région wallonne, il va falloir oser se passer des socialistes. Certains propos injurieux, certaines attitudes rendent un certain nombre de dirigeants socialistes infréquentables. » 261

Joëlle Milquet a beau déplorer « ce spectacle affligeant d’agressivité et de coups bas », rien n’y fait. Le 27 mai 2009, lors de l’émission Huis clos diffusée par la RTBF1, E. Di Rupo déclare, sur un ton glacial, que « le PS ne gouvernera pas la Wallonie et Bruxelles avec le MR » 262

. Au plan régional, l’électeur devra donc choisir entre deux coalitions : soit une tripartite PS-CDH-Écolo (dite « l’Olivier »), soit une alliance MR-CDH-Écolo (dite « la Jamaïcaine »).

256

Le Soir, 28-29 et 30 mars 2009.

257

A. JAKKALS, « Chronique de la “crise libérale” (2) », La Revue Nouvelle, tome 64, n° 3, 2009, p. 7-8.

258

Le Soir, 21-22 et 23 mars 2009.

259

Le Soir, 30 mars 2009.

260

Communiqué du président du MR, 13 mai 2009, <http://www.mr.be>.

261

Agence Belga, 16 mai 2009.

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